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Turquie : les autorités lèvent le couvre-feu controversé imposé à Cizre


Vendredi 11 septembre 2015 à 22h13

Diyarbakir (Turquie), 11 sept 2015 (AFP) — Les autorités turques ont annoncé vendredi la levée du couvre-feu très controversé imposé depuis huit jours aux habitants de Cizre (sud-est) en raison des combats meurtriers qui y ont opposé les forces de sécurité aux rebelles kurdes.

Totalement coupés du reste du pays, dans une situation humanitaire de plus en plus précaire, les quelque 120.000 habitants de la ville devraient à nouveau pouvoir y circuler librement et en sortir dès samedi à 7h00 locales (4h00 GMT), a indiqué le bureau du gouverneur de la province.

"Nos forces de sécurité ont conclu avec succès leur opération contre l'organisation terroriste séparatiste", l'appellation retenue par Ankara pour désigner le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), a-t-il justifié dans un communiqué.

Depuis plus d'une semaine, de violents combats opposent les forces de sécurité, armée et police, aux combattants du PKK dans les rues de plusieurs quartiers de la ville, frontalière de l'Irak, considérée comme un bastion des rebelles.

Jeudi, le ministre turc de l'Intérieur Selami Altinok a annoncé que ces affrontements avaient causé la mort de 30 à 32 combattants du PKK et d'un civil. Le même jour, le principal parti prokurde de Turquie, le Parti démocratique des peuples (HDP), a évoqué un bilan de 21 civils tués, dont plusieurs enfants.

Aucun de ces chiffres n'a été confirmé de source indépendante.

Selon l'agence de presse kurde Firat News, deux mineurs ont encore été tués dans la nuit de jeudi à vendredi. Cinq policiers ont également été blessés lors d'un attentat à l'explosif, ont indiqué les autorités locales.

Depuis plusieurs jours, le chef du file du HDP Selahattin Demirtas dénonce en termes très crus les violences exercées par l'armée et la police à Cizre.

"Normalement, ceux qui violent un couvre-feu sont passibles d'une amende de 100 livres turques (30 euros). A Cizre, ils risquent la peine de mort et les exécutions", a déclaré vendredi M. Demirtas devant la presse. "Ceux qui s'aventurent dans les rues sont tués par des tireurs embusqués", a-t-il accusé.

- 'Kobané turque' -

Jeudi, il avait comparé Cizre à une "Kobané turque", du nom de la ville kurde de Syrie dont le groupe jihadiste Etat islamique a vainement fait le siège jusqu'en janvier.

A grand renfort de photos et d'alertes diffusées sur les réseaux sociaux, de nombreux élus du parti prokurde ont agité la menace d'une catastrophe humanitaire dans la ville.

"Il n'y a ni à boire, ni à manger. Le peu d'eau qu'il y a est donnée aux bébés. Les gens sont en train de s'assécher (...) plus personne ne peut sortir pour aller chez son voisin", a témoigné vendredi Azad Karagöz, le président de l'association des médecins de la ville, dans le quotidien d'opposition Cumhuriyet.

Une délégation d'élus et de partisans du HDP qui voulait forcer le couvre-feu a été stoppée jeudi par la police à 20 km de Cizre.

Vendredi soir, le ministre de l'Intérieur a par ailleurs révoqué la maire de Cizre, Leyla Imret, après l'ouverture d'une enquête judiciaire l'accusant de "propagande terroriste" et d'"incitation à la violence", selon les médias turcs.

A la fin juillet, les affrontements meurtriers ont repris entre les forces de sécurité et le PKK, mettant un terme aux discussions engagées en 2012 entre Ankara et les rebelles pour mettre fin à un conflit qui fait 40.000 morts depuis 1984.

Depuis, les attentats des rebelles et les opérations de représailles de l'armée turque se succèdent. L'aviation turque a mené dans la nuit de jeudi à vendredi une nouvelle série de frappes contre les bases arrière du PKK en Irak et, en début de matinée, un civil a été tué et trois policiers blessés lors d'une attaque à Diyarbakir.

Cette escalade a provoqué de vives tensions dans de nombreuses les villes du pays. Les locaux du HDP, dont son quartier général d'Ankara, y ont été la cible de manifestants favorables au président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan qui accusent le mouvement de soutenir les "terroristes" du PKK.

Des élections législatives anticipées sont prévues le 1er novembre en Turquie.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.