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Prix Sakharov: Mahsa Amini honorée à titre posthume, sa famille tenue à l'écart par Téhéran


Mardi 12 decembre 2023 à 03h51

Strasbourg, 12 déc 2023 (AFP) — Le Parlement européen remet mardi le prix Sakharov à titre posthume à Mahsa Amini ainsi qu'au mouvement iranien "Femme Vie Liberté", sans la famille de la jeune Kurde iranienne, tenue à l'écart par Téhéran.

Plus haute distinction de l'Union européenne pour les droits humains, ce prix a été décerné en octobre à Mahsa Amini, décédée à l'âge de 22 ans le 16 septembre 2022, trois jours après son arrestation pour non-respect du strict code vestimentaire imposé aux femmes en Iran.

Sa mort a entraîné des mois de manifestations contre les dirigeants politiques et religieux iraniens, Mahsa Amini devenant le symbole de la lutte contre l'obligation du port du voile. La répression de ce mouvement a provoqué des centaines de morts et des milliers d'arrestations.

La famille de Mahsa Amini avait prévu d'assister à la remise du prix Sakharov au Parlement européen à Strasbourg, mais n'a pu quitter l'Iran.

Ils "ont été interdits de monter à bord du vol qui devait les conduire en France" et "leurs passeports ont été confisqués" a expliqué à l'AFP leur avocate en France, Chirinne Ardakani.

Cette mise à l'écart a fait bondir la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, qui a appelé "le régime iranien à revenir sur sa décision", dans un message posté sur le réseau social X.

- "Réduire au silence" -

Plus d'une centaine d'eurodéputés ont signé une lettre ouverte pour dénoncer une décision qui vise à leurs yeux à "réduire au silence" la famille "en l'empêchant de dénoncer la répression scandaleuse des droits des femmes, des droits humains et des libertés fondamentales par la République islamique en Iran".

L'avocat iranien de la famille de Mahsa Amini, Saleh Nikbakht, recevra le prix Sakharov en leur nom.

Lundi soir, devant la commission du développement du parlement, Me Nikbakht a expliqué que le père de Mahsa Amini lui a "demandé de faire ce voyage afin de porter avec toute sa force le message des droits de l'Homme".

"J'espère que personne ne devra plus mourir parce qu'un foulard n'a pas été porté correctement", a déclaré Me Nikbakht, souhaitant aussi qu'aucun avocat "n'aura à souffrir de conséquences fatales pour avoir défendu quelqu'un". Lui-même a été condamné en octobre dernier à un an de prison pour "propagande" contre l'Etat après s'être entretenu avec des médias sur l'affaire Mahsa Amini.

Au moment de célébrer les 75 ans de la déclaration universelle des droits de l'Homme et de distinguer des militantes iraniennes des droits humains, jamais l'actualité n'a révélé un tel "fossé" entre "la société civile iranienne et ses dirigeants conspués", a déclaré à l'AFP Me Ardakani.

Citant le prix Nobel de la paix décerné à Narges Mohammadi, détenue depuis 2021 dans la prison d'Evin de Téhéran, et le prix Sakharov à Mahsa Amini, l'avocate a souligné que "ni l'une, ni l'autre n'a pu le récupérer parce qu'emprisonnée ou tuée par la République islamique d'Iran".

"Les dignitaires iraniens, eux, sont libres de circuler, à l'instar du président Raïssi qui se rendra à l'ONU le 13 décembre, bien que responsable de la répression et de crimes de masse", a comparé Me Ardakani.

Mardi au Parlement de Strasbourg, deux militantes iraniennes représenteront le mouvement "Femme Vie Liberté". Il s'agit d'Afsoon Najafi, dont la soeur Hadis a été tuée à 22 ans lors d'une manifestation en honneur de Mahsa Amini, en septembre 2022, et de Mersedeh Shahinkar, blessée à l'oeil lors d'une manifestation contre le régime iranien en octobre 2022.

"Je ne resterai jamais silencieuse", a déclaré lundi devant la commission du développement Mersedeh Shahinkar, qui vit désormais en Allemagne. "Je vais montrer que mon peuple ne veut pas du régime de la République islamique."

L'an dernier le prix Sakharov avait récompensé le "courageux peuple ukrainien", confronté à l'invasion russe.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.