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Procès du PKK à Paris: "Qu'est-ce que le terrorisme ?"


Jeudi 13 avril 2023 à 19h52

Paris, 13 avr 2023 (AFP) — "Qu'est-ce que le terrorisme" ? Au procès à Paris de 11 membres du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) jugés notamment pour extorsion et financement du terrorisme, les avocats de la défense ont tenté jeudi de convaincre le tribunal de renoncer à la qualification terroriste.

Depuis l'ouverture du procès la semaine dernière, ils n'ont cessé de remettre cette question au coeur des débats, éclipsant presque les faits pour lesquels leurs clients sont jugés.

On reproche à ces Kurdes, originaires de Turquie et âgés de 24 à 64 ans, d'avoir fait partie d'un "réseau" chargé de collecter auprès de la diaspora du sud-est de la France la "kampanya", l'impôt révolutionnaire, pour financer le PKK, et d'avoir aidé de jeunes recrues à rejoindre le Kurdistan pour y combattre.

Engagé dans la lutte armée depuis 1984, le PKK est l'ennemi juré de la Turquie qui le considère comme un mouvement "terroriste", à l'instar de l'Union européenne.

Une position suivie par le procureur antiterroriste dans ses réquisitions mercredi.

"Les exactions graves" contre le peuple kurde ne doivent pas faire oublier que "le PKK n'a pas déposé les armes" et a des "modes opératoires qui sont toujours ceux d'une organisation terroriste", avait martelé le magistrat, demandant des peines de trois ans avec sursis à six ans de prison contre les prévenus.

"Qu'est-ce que le terrorisme ?", interroge en réponse l'avocat de la défense, Me Romain Ruiz. "Rien de plus que troubler l'ordre public par l'intimidation ou la terreur."

Contrairement aux indépendantistes corses ou basques, le PKK "ne vise absolument pas la France", rappelle-t-il. Et contrairement aux jihadistes "plus terrifiants" du groupe Etat islamique ou d'Al-Qaïda, le PKK "ne remet pas en cause notre modèle de société" et ne trouble pas non plus "l'ordre public international".

- "Sceau infamant" -

A l'unisson, la défense demande au tribunal de suivre les pas de la justice belge.

En 2020, elle a acté que des membres du PKK ne pouvaient être poursuivis pour terrorisme car l'organisation devait être considérée comme "une force armée non étatique" impliquée dans un long conflit armé "non international" - une décision qui avait mis dans l'embarras la diplomatie belge face à Ankara.

"Vous n'allez pas manquer à vos obligations de lutte contre le terrorisme, parce que ceci n'est pas du terrorisme", lance Me Marie Malterre au tribunal.

Son confrère David Andic souligne lui "la schizophrénie" de l'Etat français, qui peut donner l'asile à des Kurdes de Turquie en raison de leur appartenance ou soutien au PKK - la plupart des prévenus l'ont reçu - mais "qui emprisonne, condamne" des Kurdes "exactement pour les mêmes faits".

A l'audience et contre l'évidence, les prévenus ont choisi de contester leur appartenance au PKK, reconnaissant uniquement leur "sympathie" pour l'organisation.

Me Alice Becker se tourne vers les bancs du public, quasiment vides depuis le début. "Ces prévenus ont des proches, des familles, mais personne n'a eu le courage de franchir cette porte, par peur du sceau infamant du PKK" et de potentielles représailles en France ou en Turquie, dit-elle.

Sur le fond du dossier, la défense s'est alignée sur la position de prévenus "rejetant en bloc" toute accusation de collecte forcée auprès de la diaspora kurde.

Quant aux départs de jeunes vers le Kurdistan, ils sont "volontaires", s'indigne Me Blandine Weck, rappelant que ceux qui ont été retrouvés n'ont jamais été inquiétés pour avoir tenté de rejoindre une quelconque organisation terroriste.

Comme beaucoup de ses confrères, Me Romain Ruiz plaide la relaxe pour son client, notamment accusé d'être allé chercher chez eux certains de ces candidats au départ.

Dans le doute, il veut tout de même démontrer qu'Abdullah O., 32 ans, n'est qu'un petit militant, certes "viscéralement" attaché à la cause kurde mais qui ne représente aucun de danger pour la société. "Il me rappelle Gérard, l'intendant de mon club de rugby, qui lave les maillots, remplit les gourdes", avance l'avocat.

A Marseille, Abdullah O. passe "sa vie" à la Maison du peuple kurde. "C'est lui qui ouvre la grille, lui qui amène les drapeaux en manifestation", poursuit Me Ruiz. "Et sa dangerosité... c'est celle de Gérard".

Le tribunal rendra sa décision vendredi "à partir de 19H00", a indiqué la présidente.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.