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Le procès de Pinar Selek à Istanbul renvoyé au 29 septembre


Vendredi 31 mars 2023 à 16h33

Istanbul, 31 mars 2023 (AFP) — La justice turque qui s'acharne à vouloir rejuger la sociologue et écrivaine Pinar Selek, réfugiée en France depuis 15 ans et quatre fois acquittée, a renvoyé vendredi son procès au 29 septembre et réclamé son extradition.

"Nous avons demandé son extradition aux autorités françaises, c'est à elles de la faire respecter", a déclaré le juge du tribunal d'Istanbul au terme de trois heures d'audience, en l'absence de l'intéressée mais devant un prétoire comble, où l'important comité de soutien à la chercheuse avait pris place.

D'ici au 29 septembre, les élections présidentielle et législatives prévues le 14 mai risquent néanmoins de voir une nouvelle équipe portée au pouvoir en Turquie.

Pinar Selek suivait l'audience depuis le siège de la Ligue des droits de l'Homme à Paris.

Depuis un quart de siècle, l'infatigable militante féministe et défenseure des droits humains et des minorités, est réfugiée en France pour échapper à l'acharnement judiciaire qui la cible dans son pays.

La chercheuse de 51 ans, arrêtée en 1998 pour ses travaux sur la communauté kurde, a été ensuite accusée de liens avec le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK, considéré comme organisation terroriste par Ankara et ses alliés occidentaux) puis d'avoir participé à un "attentat" - en réalité une explosion accidentelle qui avait fait sept morts en 1998 sur le marché aux épices d'Istanbul.

Son père, avocat âgé de 93 ans et sa soeur Seyda Selek, devenue avocate pour la défendre, étaient présents sur les bancs de la défense au côté d'avocats venus de France, de Paris, de Marseille .

"Nous pensons que l'acquittement déjà prononcé à quatre reprises par le passé le sera de nouveau", assène tout d'abord Me Akin Atalay notant qu'une "telle affaire est exceptionnelle dans une carrière".

Mais le procureur n'en démord pas et demande au tribunal de respecter la décision de la Cour suprême qui avait annulé le quatrième acquittement prononcé en 2014.

"Nous souhaitons vivement que ce parcours judiciaire, cette traque judiciaire depuis 25 ans, un quart de siècle, cesse.... On n'est pas quatre fois déclaré innocent par hasard, Pinar Selek a été par quatre fois déclarée innocente. Il faut aujourd'hui que tout cela cesse", a plaidé l'avocate française, Francoise Cotta.

Une centaine de personnes venues de France, Suisse, Belgique, Allemagne, Italie, Norvège - parlementaires, élus, avocats, représentants d'organisations de défense des droits humains, universitaires - ont fait le voyage d'Istanbul en soutien à l'universitaire et romancière.

"Ce procès, qui a commencé avant (l'arrivée au pouvoir de Recep Tayyip) Erdogan et dure depuis 25 ans montre à la fois la continuité du régime répressif et les nouveaux dispositifs de ce régime", avait estimé Pinar Selek dans un récent entretien à l'AFP à Nice, dans le sud de la France, où elle enseigne la sociologie depuis 2016.

Après deux ans et demi de prison, maintes fois condamnée et quatre fois acquittée - en 2006, 2008, 2011 et 2014 - Mme Selek ne s'attendait pas à ce que son cas revienne une fois de plus devant la justice.

Mais en juin l'année dernière, la cour suprême a annulé la totalité des acquittements, puis un nouveau mandat d'arrêt international a été lancé en janvier, assorti d'un mandat d'emprisonnement immédiat.

"Cet acharnement politico-judiciaire du pouvoir turc, qui dure depuis 25 ans, s'inscrit dans un contexte de répression inouïe visant toutes les personnes qui défendent la démocratie et l'Etat de droit" a affirmé Amnesty International dans un communiqué de soutien à Pinar Selek.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.