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25 ans après, la sociologue turque Pinar Selek rejugée à Istanbul par contumace


Vendredi 31 mars 2023 à 06h00

Istanbul, 31 mars 2023 (AFP) — La sociologue et écrivaine turque Pinar Selek, réfugiée en France depuis 15 ans pour échapper à l'acharnement judiciaire qui la cible dans son pays depuis un quart de siècle, est de nouveau jugée vendredi à Istanbul.

Féministe, infatigable défenseure des droits humains et des minorités, Pinar Selek suivra l'audience depuis le siège de la Ligue des droits de l'Homme à Paris.

La chercheuse de 51 ans, arrêtée en 1998 pour ses travaux sur la communauté kurde, a été ensuite accusée de liens avec le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK, considéré comme organisation terroriste par Ankara et ses alliés occidentaux) puis d'avoir participé à un "attentat" - en réalité une explosion accidentelle qui avait fait sept morts en 1998 sur le marché aux épices d'Istanbul.

C'est son père, avocat âgé de 93 ans et sa soeur, devenue avocate pour la défendre, qui la représenteront en présence d'un imposant comité de soutien.

Une centaine de personnes venues de France, Suisse, Belgique, Allemagne, Italie, Norvège... - parlementaires, élus, avocats, représentants d'organisations de défense des droits humains, universitaires... - espèrent pouvoir entrer dans la salle du tribunal à Istanbul.

"Ce procès, qui a commencé avant (l'arrivée au pouvoir de Recep Tayyip) Erdogan et dure depuis 25 ans montre à la fois la continuité du régime répressif et les nouveaux dispositifs de ce régime", a estimé Pinar Selek dans un récent entretien à l'AFP à Nice, dans le sud de la France, où elle enseigne la sociologie depuis 2016.

Après deux ans et demi de prison, maintes fois condamnée et acquittée - en 2006, 2008, 2011 et 2014 - elle ne s'attendait pas à ce que son cas revienne une fois de plus devant la justice.

Mais en juin l'année dernière, la cour suprême a annulé la totalité des acquittements puis un nouveau mandat d'arrêt international a été lancé en janvier, assorti d'un mandat d'emprisonnement immédiat.

Ce qui l'a convaincue de ne pas assister à cette énième audience qui s'ouvre vendredi.

"Cet acharnement politico-judiciaire du pouvoir turc, qui dure depuis 25 ans, s'inscrit dans un contexte de répression inouïe visant toutes les personnes qui défendent la démocratie et l'Etat de droit" affirme Amnesty International dans un communiqué de soutien à Pinar Selek.

A moins de 50 jours de l'élection présidentielle, à laquelle le président Erdogan, au pouvoir depuis vingt ans, sera de nouveau candidat, la sociologue veut gagner ce procès sans fin, "pour la justice d'abord" dit-elle et "pour les prisonniers en Turquie".

L'audience doit s'ouvrir à 14H00 (11H00 GMT).

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.