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Kurdes tués à Paris: ce que l'on sait de l'attaque


Lundi 26 decembre 2022 à 19h34

Paris, 26 déc 2022 (AFP) — Trois Kurdes, deux hommes et une femme, ont été tués par balles et trois autres blessés vendredi à Paris par un homme qui a reconnu devant les enquêteurs "une haine pathologique" des étrangers, selon la procureure de Paris Laure Beccuau.

Il a été mis en examen lundi, notamment pour assassinat et tentative d'assassinat à caractère raciste, et placé en détention provisoire, a indiqué une source judiciaire.

- Que s'est-il passé ? -

Tôt vendredi matin, le suspect s'est rendu à Saint-Denis "pour commettre des meurtres sur des personnes étrangères", a relaté dimanche dans un communiqué Mme Beccuau.

Faute de monde et ne pouvant recharger facilement son arme "en raison de sa tenue vestimentaire", il renonce à son projet. Il rentre chez ses parents, dans le centre de la capitale, puis se dirige à pied rue d'Enghien, vers le centre culturel kurde Ahmet-Kaya dont il connait la localisation.

Peu avant midi, il ouvre le feu sur trois personnes devant le centre. Un homme et une femme sont tués sur le coup. Le deuxième homme se réfugie dans un restaurant kurde, en face, avant de succomber.

Le tireur se rend ensuite dans un salon de coiffure où il blesse trois autres hommes. Finalement maîtrisé et désarmé par une des victimes, il est menotté par la police.

Sur lui, quatre chargeurs contenant au total 14 munitions, une boîte de 25 munitions et une sacoche contenant un gant sont retrouvés.

L'arme, acquise il y a quatre ans auprès d'un membre de son club de tir, est un "Colt 45 de 1911" de l'armée américaine "d'apparence usée", selon une source proche du dossier.

- L'auteur présumé -

Le suspect est un homme de 69 ans, conducteur de train à la retraite de nationalité française, qui vivait chez ses parents.

Aux policiers qui l'ont arrêté, il a déclaré avoir agi parce qu'il est "raciste", selon une source proche du dossier.

Le matin des faits, "il n'a rien dit en partant (...) Il est cinglé. Il est fou", réagit auprès de l'AFP le père du suspect, âgé de 90 ans, le décrivant comme "taiseux" et "renfermé".

Ses proches ont expliqué son "changement radical de comportement" après un cambriolage dont il a été victime en février 2016, a expliqué Mme Beccuau. En juin, la justice l'a condamné à un an de prison pour avoir grièvement blessé au couteau les cambrioleurs. Il a fait appel.

"J'ai toujours eu envie d'assassiner des migrants, des étrangers, depuis ce cambriolage", a-t-il déclaré en garde à vue, se disant "dépressif et suicidaire".

Si son entourage "ne lui connaît pas d'intérêt particulier pour la situation des Kurdes", il a expliqué aux enquêteurs leur en vouloir pour avoir "constitué des prisonniers lors de leur combat contre Daech (l'acronyme arabe de l'organisation jihadiste Etat islamique, ndlr) au lieu de les tuer".

Entre autres antécédents judiciaires, il avait été incarcéré en décembre 2021 après avoir blessé avec un sabre deux migrants et lacéré plusieurs tentes d'un campement à Paris. Il a été remis en liberté le 12 décembre sous contrôle judiciaire, conformément à la loi.

- Les victimes -

Cinq des six victimes sont de nationalité turque, la sixième est de nationalité française, selon le parquet.

La femme tuée, Emine Kara, était une responsable du Mouvement des femmes kurdes en France, selon le Conseil démocratique kurde en France (CDK-F). Elle avait fait une demande d'asile politique "rejetée par les autorités françaises", selon le porte-parole du mouvement Agit Polat.

Les deux hommes décédés sont Abdurrahman Kizil, "citoyen kurde ordinaire", et Mir Perwer, un chanteur reconnu comme réfugié politique et "poursuivi en Turquie pour son art", selon le CDK-F.

Les trois victimes blessées sont hors de danger.

- L'enquête -

La garde à vue du suspect, qui avait débuté vendredi, a été interrompue samedi en fin de journée quand il a été conduit à l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police. Elle a repris dimanche après-midi. Il a ensuite été présenté lundi à un juge d'instruction du tribunal judiciaire de Paris.

L'homme a été mis en examen pour assassinat et tentative d'assassinat en raison de la race, l'ethnie, la nation ou la religion, acquisition et détention non autorisées d'arme de catégorie B et port d'arme de catégorie B prohibé, selon une source judiciaire.

Un juge des libertés et de la détention a ensuite prononcé son placement en détention provisoire, conformément aux réquisitions du parquet, a précisé cette source.

La perquisition et l'exploitation d'un ordinateur et d'un téléphone n'ont pas révélé "un quelconque lien avec une idéologie extrémiste", avait souligné la procureure.

Il est aussi inconnu des fichiers du renseignement territorial et de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), selon le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, précisant également que le suspect n'était pas fiché à l'ultra-droite.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.