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Kurdes tués à Paris: le suspect mis en examen et placé en détention provoisoire


Lundi 26 decembre 2022 à 19h28

Paris, 26 déc 2022 (AFP) — L'homme de 69 ans soupçonné d'avoir assassiné trois Kurdes vendredi à Paris, qui a reconnu sa haine "pathologique" des étrangers, a été mis en examen et placé en détention provisoire lundi.

Le suspect, un conducteur de trains à la retraite, a été présenté à un juge d'instruction qui l'a mis en examen pour assassinat et tentative d'assassinat en raison de la race, l'ethnie, la nation ou la religion, ainsi que pour acquisition et détention non autorisée d'arme, a indiqué une source judiciaire.

Dans le box, l'homme de nationalité française, coquard à l'oeil gauche et vêtu d'une blouse d'hôpital bleu clair, est resté droit, le regard fixe en attendant l'arrivée du juge des libertés et de la détention (JLD).

Encadré par une escorte de cinq policiers, le sexagénaire aux cheveux gris-blancs courts a confirmé son identité puis son accord pour une audience à huis-clos.

Carrure massive et empâtée, il avait été interpellé vendredi peu après avoir ouvert le feu avec une arme de poing rue d'Enghien, dans le Xe arrondissement de Paris, devant le entre culturel kurde Ahmet-Kaya.

Plus de soixante-douze heures après les faits, le mobile raciste a été retenu par le juge: l'homme a confié aux enquêteurs ressentir une "haine des étrangers devenue complètement pathologique" depuis le cambriolage de son domicile en 2016, a relaté la procureure de Paris Laure Beccuau.

Il s'est décrit comme "dépressif" et "suicidaire" et, selon Mme Beccuau, a ajouté avoir "toujours eu envie d'assassiner des migrants, des étrangers" depuis ce cambriolage.

Vendredi au petit matin, il s'était d'abord rendu à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) "pour commettre des meurtres sur des personnes étrangères", selon la procureure. Mais il avait renoncé à son projet, faute de monde notamment.

- "Tous les migrants visés" -

Après être repassé chez ses parents, où il vivait, il s'est rendu à pied vers le centre Ahmet-Kaya, dont il connaissait la localisation.

Le sexagénaire a alors ouvert le feu avec une arme de poing, tuant Abdurrahman Kizil et Mir Perwer, un chanteur kurde réfugié politique, ainsi que la responsable du Mouvement des femmes kurdes en France, Emine Kara.

Trois autres hommes ont été blessés.

L'homme a expliqué "s'en être pris à des victimes qu'il ne connaissait pas", précisant en vouloir "à tous les migrants" et "aux Kurdes pour avoir +constitué des prisonniers lors de leur combat contre Daesh (l'organisation Etat islamique, ndlr) au lieu de les tuer+", a détaillé Mme Beccuau.

Dans une autre affaire, le tireur présumé avait été mis en examen pour, notamment, violences avec arme à caractère raciste, soupçonné d'avoir blessé à l'arme blanche des migrants dans un campement parisien en décembre 2021.

Placé en détention provisoire pendant un an, il avait été remis en liberté le 12 décembre.

- Fleurs et bougies -

L'attaque de vendredi a bouleversé la communauté kurde, qui a dénoncé un acte "terroriste" et aussitôt mis en cause la Turquie.

Pour de nombreux Kurdes, ce triple assassinat fait en effet écho à celui, jamais élucidé, de trois militantes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) le 9 janvier 2013 à Paris.

Après des rassemblements samedi à Paris, Marseille et Bordeaux, environ 1.000 personnes, selon la police, se sont à nouveau réunies lundi à la mi-journée sur les lieux de l'attaque de vendredi.

Des fleurs et des bougies avaient été déposées aux côtés des photos des victimes, posées à l'endroit où elles ont été tuées, a constaté une journaliste de l'AFP.

Scandant en kurde "Nos martyrs ne meurent pas" et en français "Femmes, vie, liberté", tout en réclamant "vérité et justice", les manifestants ont fait part de leur incrédulité face à la version du crime raciste.

"Pour nous, c'est évident, il n'a pas pu agir seul, il y a un lien avec la Turquie", a affirmé à l'AFP un participant à la marche, tandis qu'Agit Polat, le président du Conseil démocratique kurde en France (CDK-F), martelait au mégaphone que "le régime fasciste d'Erdogan a encore frappé".

Ces accusations ont provoqué la colère du gouvernement turc, qui a convoqué lundi l'ambassadeur de France en Turquie pour exprimer son "mécontentement" face à ce qu'il considère comme de la "propagande anti-Turquie" lancée "par les cercles du PKK".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.