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Kurdes tués à Paris: ce que l'on sait de l'attaque


Dimanche 25 decembre 2022 à 13h08

Paris, 25 déc 2022 (AFP) — Trois Kurdes, deux hommes et une femme, ont été tuées par balles et trois autres blessées vendredi à Paris par un homme, qui a reconnu devant les enquêteurs "une haine pathologique" envers les étrangers, selon la procureure de Paris Laure Beccuau.

Sa garde à vue a été suspendue samedi pour raisons de santé.

- Que s'est-il passé ? -

Tôt vendredi matin, le suspect s'est d'abord rendu à Saint-Denis "pour commettre des meurtres sur des personnes étrangères", selon la procureure.

Faute de monde et ne pouvant recharger facilement son arme "en raison de sa tenue vestimentaire", il renonce à son projet. Il rentre chez ses parents, dans le centre de la capitale, puis se dirige à pied rue d'Enghien, vers le centre culturel kurde Ahmet Kaya, dont il connaît la localisation.

Peu avant midi, il ouvre le feu sur trois personnes devant le centre. Un homme et une femme sont tués sur le coup. Le deuxième homme se réfugie dans le restaurant kurde situé en face avant de succomber.

Le tireur se rend ensuite dans un salon de coiffure où il blesse trois autre hommes. Finalement maîtrisé et désarmé par l'une des victimes, il est ensuite menotté par la police puis placé en garde à vue.

Sur lui, quatre chargeurs contenant au total 14 munitions, une boîte de 25 munitions, et une sacoche contenant un gant sont retrouvés.

L'arme utilisée, acquise il y a quatre ans auprès d'un membre de son club de tir aujourd'hui décédé, est un "Colt 45 de 1911" de l'armée américaine "d'apparence usée", selon une source proche du dossier.

- L'auteur présumé -

Le suspect est un homme âgé de 69 ans, conducteur de train à la retraite de nationalité française et vit chez ses parents à Paris.

Aux policiers qui l'ont interpellé, il a déclaré avoir agi parce qu'il était "raciste", selon une source proche du dossier.

Le matin des faits, "il n'a rien dit en partant (...) Il est cinglé. Il est fou", a déclaré à l'AFP le père du suspect âgé de 90 ans, le décrivant comme "taiseux" et "renfermé".

Ses proches ont expliqué son "changement radical de comportement" après un cambriolage dont il a été victime en février 2016, a expliqué la procureure de Paris. La justice l'a condamné en juin dernier à un an de prison pour avoir grièvement blessé au couteau les cambrioleurs. Il a fait appel.

"J'ai toujours eu envie d'assassiner des migrants, des étrangers, depuis ce cambriolage", a déclaré le suspect en garde à vue, tout en se décrivant "dépressif et suicidaire".

Si son entourage "ne lui connaît pas d'intérêt particulier pour la situation des Kurdes", il a expliqué aux enquêteurs leur en vouloir pour avoir "constitué des prisonniers lors de leur combat contre Daech (l'acronyme arabe de l'organisation jihadiste Etat islamique, ndlr) au lieu de les tuer".

Parmi ses autres antécédents judiciaires, il avait été incarcéré en décembre 2021 après avoir blessé avec un sabre deux migrants et lacéré plusieurs tentes d'un campement à Paris. Il a été remis en liberté le 12 décembre sous contrôle judiciaire, conformément à la loi.

- Les victimes -

Cinq des six victimes sont de nationalité turque, la sixième est de nationalité française, selon le parquet.

La femme tuée, Emine Kara, était une responsable du Mouvement des femmes kurdes en France, selon le Conseil démocratique kurde en France (CDK-F). Elle avait fait une demande d'asile politique "rejetée par les autorités françaises", a précisé vendredi devant la presse le porte-parole du mouvement, Agit Polat.

Les deux hommes décédés sont Abdurrahman Kizil, "un citoyen kurde ordinaire", et Mir Perwer, un chanteur kurde reconnu comme réfugié politique et "poursuivi en Turquie pour son art", selon le CDK-F.

Les trois victimes blessées sont désormais hors de danger.

- L'enquête -

Une enquête a été ouverte des chefs d'assassinats, tentatives d'assassinat, violences avec arme et infractions à la législation sur les armes, commis en raison de l'appartenance, vraie ou supposée, des victimes à une prétendue race, une ethnie, une nation ou une religion déterminée, a indiqué le parquet.

La garde à vue a été levée samedi en raison de l'état de santé du suspect, conduit à l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police.

La perquisition et l'exploitation d'un ordinateur et d'un téléphone n'ont pas révélé "un quelconque lien avec une idéologie extrémiste", a souligné la procureure.

Il est inconnu des fichiers du renseignement territorial et de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), avait indiqué vendredi le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, précisant également que le suspect n'était pas fiché à l'ultradroite.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.