Page Précédente

Iran: nouvelle condamnation à mort, la contestation entre dans son 3ème mois


Mercredi 16 novembre 2022 à 12h56

Paris, 16 nov 2022 (AFP) — Un nouveau manifestant a été condamné à mort par la justice en Iran, où six personnes ont été tuées lors du mouvement de protestation contre la mort de Mahsa Amini qui entre mercredi dans son troisième mois.

La nuit de mardi à mercredi a connu des scènes de violence dans plusieurs villes du pays alors que les manifestants marquaient le 3e anniversaire de la répression meurtrière de novembre 2019 liée à une hausse du prix du carburant.

Un mouvement de protestation, réprimé lui aussi, secoue la République islamique depuis la mort, il y a deux mois, de Mahsa Amini, une Kurde de 22 ans arrêtée pour infraction au code vestimentaire strict qui oblige les femmes à porter le voile islamique en public.

Les autorités qualifient la plupart des manifestants d'"émeutiers", instrumentalisés par des puissances étrangères, et ont mené au moins 1.500 arrestations selon une ONG.

"On se battra! on mourra! on récupèrera l'Iran!", chantent des dizaines de manifestants autour d'un feu dans la nuit à Téhéran, selon une vidéo diffusée mercredi par le média en ligne 1500tasvir.

- Tirs dans le métro -

Dans une autre vidéo largement partagée et vérifiée par l'AFP, des membres des forces de l'ordre semblent tirer depuis le quai d'un métro souterrain sur des personnes sur le quai d'en face, provoquant des cris et des chutes parmi les gens visés.

Au Kurdistan iranien (nord-ouest) d'où est originaire Mahsa Amini, "les forces du gouvernement ont ouvert le feu" sur des manifestants dans plusieurs villes, et trois d'entre eux ont été tués jusqu'ici, deux à Sanandaj et une à Kamyarana, a déclaré mardi soir à l'AFP l'ONG de défense des droits Hengaw, basée à Oslo.

Un appel à trois jours de mobilisation entre mardi et jeudi a été lancé pour commémorer le "Novembre sanglant" de 2019, lorsque des manifestations déclenchées par la hausse des prix du carburant avaient entraîné des violences meurtrières dans de nombreuses villes du pays.

Des postes de police avaient été attaqués, des magasins pillés, des banques et des stations-service incendiées.

Mardi, les magasins du Grand bazar de Téhéran ont fermé et des étudiants ont fait l'école buissonnière avant que de nombreuses personnes descendent dans la rue en soirée, scandant des slogans antirégime et essuyant des tirs de gaz lacrymogène, selon des vidéos postées en ligne.

Mais selon 1500tasvir, des familles des victimes de 2019 "ont été forcées d'annuler des cérémonies à la suite de menaces ou de pressions de la République islamique".

Les autorités semblent avoir du mal à contenir le mouvement de protestation, lors duquel des femmes enlèvent leur voile, voire le brûlent, défiant les forces de sécurité dans les rues.

La justice a prononcé une condamnation à mort à l'encontre d'un "émeutier", a rapporté mardi soir l'agence de presse de l'Autorité judiciaire Mizan Online, la seconde peine de ce type en l'espace de trois jours.

La personne était accusée notamment d'avoir "terrorisé des gens dans la rue en utilisant une arme blanche, d'avoir incendié la moto d'un citoyen et attaqué un individu", selon cette source.

L'agence officielle Irna a indiqué de son côté que deux Gardiens de la Révolution et un paramilitaire avaient été tués mardi lors de manifestations dans les villes kurdes de Boukan et Kamyaran (nord-ouest) ainsi qu'à Chiraz (sud).

Au moins 326 manifestants ont été tués dans la répression du mouvement, selon un bilan établi samedi par Iran Human Rights (IHR), une ONG basée à Oslo.

- "Torture physique et psychologique" -

Ce chiffre comprend au moins 123 personnes tuées depuis le 30 septembre dans la province du Sistan-Baloutchistan (sud-est), après des manifestations provoquées par le viol présumé d'une jeune fille par un policier.

Selon IHR, au moins 15.000 personnes ont été arrêtées, un chiffre démenti par Téhéran.

"Les manifestants n'ont pas accès à des avocats lors des interrogatoires, ils sont soumis à de la torture physique et psychologique pour qu'ils fassent de faux aveux, et sont condamnés sur la base de ces aveux par des tribunaux révolutionnaires", a indiqué à l'AFP le directeur de IHR Mahmood Amiry-Moghaddam.

Il a encore dénoncé les condamnations à mort de manifestants, caractéristiques d'un "régime oppressif", et dit craindre "des exécutions de masse".

A l'étranger, le président français Emmanuel Macron a salué "le courage et la légitimité" de la "révolution des femmes et de la jeunesse iranienne", après la réception de dissidentes le 11 novembre à l'Elysée fustigée par Téhéran.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.