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Otan: le Premier ministre suédois donne des gages à Ankara


Mardi 8 novembre 2022 à 18h56

Ankara, 8 nov 2022 (AFP) — Le Premier ministre suédois Ulf Kristersson a promis mardi à Ankara de répondre aux inquiétudes exprimées par la Turquie dans sa lutte contre le terrorisme, afin de lever tout obstacle à son entrée dans l'Otan.

Pour faire suite à ces engagements, le président turc Recep Tayyip Erdogan a annoncé une nouvelle réunion "à la fin du mois" à Stockholm, disant espérer "une conclusion plus positive".

"Nous souhaitons sincèrement que l'adhésion de la Suède à l'Otan se concrétise", a déclaré le président à l'issue de ce premier entretien avec M. Kristersson, soulignant toutefois que la Suède doit "sout[enir] nos préoccupations propres en matière de sécurité".

Le chef de l'Etat turc bloque depuis mai l'élargissement de l'Alliance atlantique à la Suède et à la Finlande, accusant les deux pays nordiques de protéger notamment des combattants kurdes du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) et des Unités de protection du peuple (YPG), considérés comme terroristes par Ankara.

"Nous comprenons la responsabilité qu'une adhésion à l'Otan implique pour nous", a affirmé M. Kristersson devant la presse au côté de M. Erdogan, promettant que son pays "respectera toutes ses obligations face à la Turquie dans la lutte contre la menace terroriste".

La Suède "a déjà fait beaucoup pour mettre en place le mémorandum" d'accord signé à Madrid en juin, a-t-il ajouté, allusion au durcissement prochain des lois antiterroristes en Suède, qui laisse augurer d'un changement d'attitude envers les membres du PKK.

- impatience turque -

Le secrétaire général de l'Alliance atlantique, Jens Stoltenberg, avait ouvert la voie la semaine dernière au Premier ministre suédois en se rendant à Istanbul.

"Il est temps d'accueillir la Suède et la Finlande [dans] l'Otan", avait-il lancé, jugeant nécessaire "d'envoyer un message clair à la Russie".

Si la Turquie a salué des progrès dans les discussions depuis la formation le mois dernier du nouveau gouvernement suédois, le président Erdogan avait affirmé vendredi -- pour la troisième fois en un mois -- que son parlement ne ratifierait l'adhésion des deux pays nordiques qu'une fois certaines "mesures" prises.

La Turquie a formulé des demandes d'extraditions précises, avec une liste de noms, dans un mémorandum d'accord signé fin juin entre les trois pays lors du sommet de l'Otan à Madrid.

Ankara a depuis exprimé son impatience, la Suède n'ayant procédé depuis qu'à une seule extradition pour "fraude".

M. Erdogan a également insisté mardi auprès de M. Kristersson sur l'extradition des partisans du prédicateur Fethullah Gülen, installé aux Etats-Unis de longue date, qu'il accuse d'avoir fomenté la tentative de coup d'Etat en 2016.

Les autorités turques ont procédé à des centaines de nouvelles arrestations de personnes soupçonnées d'appartenir à la mouvance guléniste ces dernières semaines.

- "la pression va monter" -

Pour certains analystes, les élections présidentielle et législatives en Turquie, prévues en juin 2023, risquent toutefois de retarder le processus.

"La partie turque ratifiera l'adhésion quand elle jugera que c'est le meilleur moment. La pression va sans doute monter entre-temps, mais il semble que de nombreux pays de l'Otan considèrent déjà que l'élargissement aura lieu l'année prochaine, voire au second semestre de l'année prochaine", remarque Ilke Toygür, professeure de géopolitique européenne à l'université Carlos III de Madrid.

"En outre, il est largement admis que la Turquie essaie de négocier d'autres choses: il pourrait s'agir des [chasseurs américains] F-16 ou de sa relation globale avec la Russie", ajoute Mme Toygür.

"Erdogan considère-t-il qu'il a reçu assez de signes de bonne volonté de la part de la Suède et qu'il est dans son intérêt politique et militaire de déclarer victoire? Ou est-ce qu'il préfère garder une rhétorique pour servir sa campagne électorale?", s'interroge sous couvert d'anonymat une diplomate européenne.

Pour cette fine connaisseuse du dossier, il reste une "chance raisonnable" de voir le parlement turc ratifier l'adhésion à l'Otan des deux pays nordiques avant juin 2023.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.