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Inquiétudes pour les détenus de la prison d'Evine à Téhéran après un incendie


Dimanche 16 octobre 2022 à 10h13

Paris, 16 oct 2022 (AFP) — Des ONG et des Etats ont exprimé dimanche leurs inquiétudes pour la vie des prisonniers à la prison d'Evine à Téhéran, après un incendie dans ce centre de détention tristement célèbre survenu sur fond d'un mois de protestations en Iran.

Des coups de feu et le bruit d'explosions ont été entendus durant l'incendie samedi soir dans le vaste complexe du nord de la capitale d'où une grosse fumée s'est dégagée, selon des images postées sur les réseaux sociaux.

Le feu, maîtrisé selon les autorités, s'est produit alors que les manifestations contre le pouvoir déclenchées par la mort le 16 septembre de Mahsa Amini, une kurde iranienne de 22 ans, sont entrées dans leur cinquième semaine malgré la répression qui a fait plus de 100 morts selon des ONG.

La prison d'Evine, où sont notamment détenus des étrangers, est connue pour ses mauvais traitements des prisonniers politiques. Des centaines des personnes arrêtées lors des protestations contre la mort de Mahsa Amini auraient été envoyées dans cette prison.

A Téhéran, les autorités ont évoqué "des affrontements" à la prison et accusé des "voyous d'avoir incendié un entrepôt de vêtements", a indiqué l'agence officielle Irna en faisant état de huit blessés.

Les troubles à la prison "n'ont rien à voir" avec les manifestations dans le pays, selon elle.

Mizan Online, le site du pouvoir judiciaire en Iran, a affirmé dimanche que "la situation est revenue à la normale à Evine" et que "les prisonniers ont appelé leurs familles samedi soir".

"La vie de chaque prisonnier politique et de droit commun à Evine est menacée", a cependant déclaré l'ONG Iran Human Rights (IHR) basée à Oslo, en affirmant que les autorités avaient fermé les routes menant à la prison afin d'empêcher des manifestants de s'y rendre.

Mais certains s'y sont rendus à pied et des chants de "Mort au dictateur" -l'un des principaux slogans de la contestation- ont été entendus dans des vidéos partagées par le média en ligne 1500tasvir.

- "Pleinement responsable" -

"Des prisonniers, y compris des détenus politiques, sont complètement sans défense" à Evine, a déclaré Hadi Ghaemi, directeur du Centre pour les droits de l'Homme en Iran (CHRI) basé à New York.

L'ONG pour la défense de la liberté d'expression Article 19 a souligné être "extrêmement inquiète pour la sécurité des prisonniers".

L'universitaire franco-iranienne Fariba Adelkhah et l'Américain Siamak Namazi sont notamment détenus à Evine.

Le groupe de soutien de Fariba Adelkhah a affirmé avoir eu des nouvelles "rassurantes" sur elle. L'avocat américain de Siamak Namazi a déclaré que ce dernier avait parlé à sa famille et qu'il avait "été transféré dans une zone sécurisée de la prison".

L'universitaire australienne Kylie Moore-Gilbert, qui a été détenue à Evine, a déclaré avoir appris des proches des prisonnières politiques qu'elles étaient "toutes en sécurité".

La soeur d'un citoyen américain détenu à Evine, l'homme d'affaires Emad Shargi, a tweeté elle que sa famille était "morte d'inquiétude".

"L'Iran est pleinement responsable de la sûreté de nos citoyens détenus à tort, qui doivent être libérés immédiatement", ont averti les Etats-Unis.

Selon des ONG, des manifestations ont eu lieu dans la nuit en solidarité avec les détenus d'Evine, après une journée de protestations contre la mort de Mahsa Amini sous le slogan "Le début de la fin!" du pouvoir.

La jeune femme est décédée trois jours après son arrestation pour avoir selon la police des moeurs à Téhéran, enfreint le strict code vestimentaire de la République islamique qui prévoit surtout le port du voile.

- "Déguerpissez!" -

Depuis, les Iraniennes, fer de lance des manifestations, ont crié des slogans antigouvernementaux, enlevé leur foulard et tenu tête aux forces de sécurité.

"Les mollahs doivent déguerpir!", ont scandé samedi des femmes sans voile au Collège technique et professionnel Shariati de Téhéran, selon une vidéo en ligne.

Des jeunes ont manifesté dans les universités de Téhéran, d'Ispahan (sud) et de Kermanshah (nord-ouest), selon des images partagées en ligne.

"Des écolières à Marivan (ouest) ont provoqué des feux dans la rue", a indiqué Hengaw, un groupe de défense des droits des Kurdes d'Iran basé en Norvège.

Les grèves ont touché Saghez (nord-ouest), la ville natale de Mahsa Amini, et Mahabad (nord), selon une ONG.

Au moins 108 personnes ont été tuées dans la répression depuis le 16 septembre, d'après l'IHR.

Les manifestations en Iran sont les plus importantes depuis celles de 2019 contre la hausse du prix de l'essence dans ce pays riche en pétrole.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.