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"Même ici les gens ont peur": nouveau rassemblement de soutien aux Iraniennes à Istanbul


Jeudi 29 septembre 2022 à 18h40

Istanbul, 29 sept 2022 (AFP) — "Même ceux qui ont fui vers un autre pays vivent dans la peur": comme Rara, une centaine d'Iraniens, lunettes fumées et bouche barrée de noir, comme cousue, ont manifesté jeudi à Istanbul en soutien aux femmes de leur pays en lutte contre le régime de Téhéran.

"Regardez, tout le monde porte des lunettes noires et un masque", souligne Rara, une architecte et influenceuse iranienne de 27 ans qui préfère taire son patronyme.

Chaque jour désormais depuis la mort de la jeune Mahsa Amini aux mains de la police des moeurs iranienne, les manifestants - hommes et femmes - se retrouvent, plus ou moins nombreux, devant le consulat d'Iran à Istanbul dans le quartier conservateur de Fatih, avec l'envie de croire que, cette fois, c'est la bonne.

"Ils nous ont toujours menacées, en Iran ils disaient qu'ils nous tueraient si on protestait. Tous les Iraniens qui ont quitté le pays vivent dans la peur. Ils nous recherchent et menacent de tuer nos familles", souligne Rara.

En Turquie, qui partage une frontière avec l'Iran à l'est, les assassinats d'opposants iraniens et les incursions des services de sécurité ne sont pas rares.

"Beaucoup ne sont pas venus, à cause de cette peur", ajoute la jeune femme, blouson ouvert sur une rose tatouée entre les seins, le ventre dénudé, tatoué lui aussi. Arrivée d'Iran en Turquie pour ses études d'architecture il y a huit ans, elle n'en est jamais repartie.

"Ça fait 40 ans qu'ils nous menacent et que personne ne peut protester. Mais cette fois, le monde entier nous entend" veut se convaincre Rara en brandissant le portrait de la jeune Kurde de 22 ans, morte peu après son arrestation, pour avoir contrevenu aux codes vestimentaire des mollahs.

"Ils ont tué Mahsa Amini en frappant sa tête contre les murs : le sang coulait de ses oreilles. C'est pour ça que j'ai peint (les miennes) en rouge, comme si elles saignaient", explique-t-elle.

"Quand j'étais à l'université là-bas, j'avais sans cesse des ennuis: mes cheveux mal couverts, mes tatouages, mes ongles vernis... On pouvait aller en prison pour avoir écouté de la musique, ou participé à une fête. Ou être fouettées".

"Mais nous sommes là. Vous ne nous ferez jamais taire. Si vous me tuez, les voix d'autres filles prendront le relais", affirme-t-elle.

"Ce dictateur, ces brutes doivent partir" reprend-elle à propos du président Ebrahim Raïssi et des autorités dont la répression a déjà fait des dizaines de morts dans les rangs des manifestants en Iran.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.