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Meurtre de Julien Videlaine: Muhittin Ulug condamné à 20 ans de réclusion pour un "acte barbare"


Jeudi 22 septembre 2022 à 14h27

Beauvais, 22 sept 2022 (AFP) — Muhittin Ulug, un restaurateur franco-kurde, a été condamné jeudi à 20 ans de réclusion criminelle pour avoir massacré le petit ami de sa fille à coups de couteau en 2014, après avoir surpris le couple nu au domicile familial.

La cour d'assises de l'Oise n'a pas suivi l'avocat général, qui avait requis 30 ans pour un acte "barbare" qui "questionne la promesse républicaine".

"Ce 24 juillet 2014, Muhittin Ulug s'est comporté comme un barbare", avait lancé Michel Mazars, face à un accusé tête basse, sanglotant dans le box, pour la première fois depuis l'ouverture du procès lundi.

A 52 ans, il comparaissait pour avoir tué Julien Videlaine, 20 ans, dans un "véritable déchaînement de violence", le frappant de "19 coups de couteau", même "lorsqu'il était à terre", pour "la simple raison (...) qu'il venait sans doute d'avoir des relations sexuelles avec sa fille", résume M. Mazars.

Même le directeur d'enquête de la Police judiciaire "n'avait jamais été confronté à une telle scène", et "ne savait pas que le corps humain pouvait renfermer autant de sang".

"Ce dossier brasse de vrais enjeux de société", qui ont "trait à la place des femmes, la question du vivre ensemble (...) C'est la promesse républicaine que ça questionne", avait lancé l'avocat général aux jurés.

- Amour interdit -

L'accusé, lui, assurait depuis son arrestation qu'il a cru protéger sa fille d'un agresseur. "J'ai perdu l'esprit", croyant ma fille "en danger", a-t-il encore répété mercredi, racontant être rentré plus tôt, dans leur pavillon de Nogent-sur-Oise, car la jeune femme de 19 ans ne répondait pas au téléphone. Trouvant les portes fermées et une fenêtre ouverte, il aurait "paniqué".

Mais à son entrée "il prend la précaution de se déchausser", "de s'armer d'un couteau". Il "entend des voix, une discussion normale. Pas de scène de désordre, pas de traces d'effraction, pas d'appel aux secours", réplique Michel Mazars. "Lorsqu'il voit sa fille, elle n'est pas agressée" et Julien Videlaine, "est nu, désarmé".

La vérité, "elle est dans la parole de sa fille" après le drame, tranche-t-il. Blessée à la main, cette dernière jure alors aux policiers avoir tenté de s'interposer entre son père et Julien, qu'elle aimait et voyait contre la volonté de ses parents.

Elle évoque alors le traditionalisme de son père, qui interdisait à ses filles toute relation amoureuse, et l'avait menacée de mort si elle désobéissait. Placée sous protection policière, elle a un temps vécu en foyer.

A la barre, elle s'est accablée mercredi, affirmant, en larmes, être la "seule responsable" pour n'avoir "pas fait les choses dans les règles" de sa famille. "Tu n'es pas coupable", lui a répondu Anaïs, la soeur de Julien.

- "Devenu fou" -

Muhittin Ulug s'est comporté "comme un lâche" en fuyant en Turquie, dont il ne sera extradé qu'en 2019 après un long combat de la famille Videlaine, assène encore l'avocat général.

Au moment du drame, lui et son épouse "savent" que leur aînée est, selon leur conception, "en train de sortir du droit chemin". Il s'en prend alors à celui "qui vient matérialiser" cette perte de contrôle.

"C'est l'acte d'un homme qui est devenu fou", en voyant sa fille "nue avec un inconnu", qui a voulu "effacer cette scène", a plaidé en défense Frank Berton.

"On est le produit de sa culture", tente-t-il d'expliquer. Dans la conception de l'accusé, "on respecte la femme à partir du moment où elle respecte les traditions".

"Il est fruste. Une +capacité intellectuelle limitée+", insiste-t-il encore. "On parle de +crime d'honneur+, mais il n'y a pas d'honneur à tuer un homme". Dans le box, l'accusé acquiesce, en larmes.

"Les Kurdes n'ont pas armé M. Ulug. Heureusement les cultures évoluent", et la vision qu'a l'accusé de "traditions ancestrales qui n'ont plus lieu d'être" n'est "pas celle des Kurdes", mais un "dévoiement", tranche l'avocat général.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.