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Kwasi Kwarteng: un ultralibéral à la tête du Trésor britannique


Mardi 6 septembre 2022 à 20h36

Londres, 6 sept 2022 (AFP) — Kwasi Kwarteng prend à 47 ans la tête du Trésor britannique avec la lourde tâche de tenter de sortir le Royaume-Uni d'une grave crise du coût de la vie sans faire plonger les finances publiques dans l'abysse.

"Il y a beaucoup de pression sur Kwasi Kwarteng", car la longévité politique de la nouvelle première ministre Liz Truss sera intimement liée à sa performance, estime Tony Travers, professeur à la London School of Economics (LSE), interrogé par l'AFP.

Ce partisan enthousiaste du Brexit et soutien de la première heure de Mme Truss - dont il est ami de longue date et voisin à Greenwich, au sud-est de Londres - est le premier Chancelier de l'Echiquier noir du pays.

Il prend la suite de Nadhim Zahawi, un Kurde né en Irak, qui lui-même succédait à Rishi Sunak, d'origine indienne, et à Sajid Javid, aux racines pakistanaises, incarnant un visage plus inclusif du parti conservateur.

Fils d'immigrés du Ghana arrivés au Royaume-Uni dans les années 60, celui qui était depuis janvier 2021 ministre des entreprises, de l'industrie et de l'énergie est aussi un libéral pur jus, apôtre d'impôts faibles et de l'économie de marché.

Vu son parcours au sein du parti conservateur, M. Kwarteng "ressemble à bien des égards à une sorte de Thatchérien militant", résume Tony Travers, en référence à l'ancienne première ministre ultralibérale Margaret Thatcher.

Le nouveau ministre des Finances avait co-signé en 2012, avec d'autres conservateurs dont Liz Truss, le livre "Britannia Unchained", qui prônait notamment un Etat au périmètre réduit et qualifiait les travailleurs britanniques de "pires fainéants du monde" - la Première ministre a fait des vagues pendant sa campagne en évoquant de nouveau un manque d'ardeur supposé au travail des Britanniques.

M. Kwarteng devra d'abord mettre en oeuvre les baisses d'impôts promises par Liz Truss. Elles permettront de "remettre de l'argent dans les poches des gens" et des entreprises pour raviver une économie au bord de la récession, assurait-il dans une tribune lundi dans le Financial Times.

- Orthodoxie budgétaire contrariée -

Mais ces mesures "profiteront surtout aux plus aisés et aux grandes entreprises" sans "aider les ménages à revenu faible ou les PME", prévient Jonathan Portes, professeur d'économie à King's College.

Sous pression, Liz Truss a déjà promis des aides immédiates pour les plus modestes, sans les détailler mais qui pourraient aller selon la presse jusqu'à un gel des tarifs de l'énergie, qui ont doublé en un an et doivent encore monter.

Kwasi Kwarteng "a peut-être commencé (sa carrière politique) en partisan d'un État plus petit et d'une économie plus déréglementée, mais il vit dans un monde où le grand public s'attend presque exactement au contraire", selon Tony Travers.

Quitte à creuser encore la dette publique, qui s'était déjà envolée avec les dépenses liées au Covid et représente plus de 95% du PIB.

M. Kwarteng s'est employé à rassurer les marchés inquiets: il mènera une politique "financièrement responsable" et assure qu'une fois le choc énergétique actuel passé, le gouvernement s'efforcera de réduire la dette - qui rapportée au PIB "est plus faible que pour les autres pays du G7, sauf l'Allemagne", fait-il valoir dans sa tribune.

Comme ministre de l'énergie, il s'était attiré les critiques de l'opposition et des ONG en dévoilant en avril une nouvelle stratégie britannique mettant l'accent sur le nucléaire, les renouvelables, mais aussi les énergies fossiles en mer du Nord.

M. Kwarteng, décrit comme brillant, très sûr de lui, affable, est né à Waltham Forest (nord-est de Londres) et il a vécu dans la capitale britannique la plus grande partie de sa vie. Il est marié à une avocate, Harriet Edwards, avec qui il a eu une fille l'an dernier.

Polyglotte - il se piquerait d'écrire de la poésie en latin - passionné d'histoire et de musique, le nouveau Chancelier est peu connu des Britanniques: moins d'un sur deux avait entendu parler de lui avant sa nomination, selon l'institut YouGov.

Il est aussi fan de cricket. "Si vous pouvez lui expliquer les choses par une analogie avec (ce sport), vous attirerez toujours son attention", assure au quotidien The Times le député Mark Fletcher, qui a travaillé avec lui.

Fils d'un économiste et d'une avocate, son parcours est typique de l'élite britannique: études secondaires à Eton grâce à une bourse, doctorat en histoire économique à l'université de Cambridge, après un passage à Harvard.

Il a travaillé comme analyste financier, chroniqueur dans la presse, avant d'être élu député de Spelthorne, au sud-ouest de Londres, en 2010.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.