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En Irak, l'influent leader Moqtada Sadr appelle à élargir la contestation


Lundi 1 août 2022 à 12h08

Bagdad, 31 juil 2022 (AFP) — L'influent leader chiite Moqtada Sadr a appelé dimanche à élargir la contestation en Irak et à soutenir les manifestants qui occupent le Parlement, n'offrant aucun signe de désescalade dans un pays plongé dans la crise.

Samedi, pour la deuxième fois en moins d'une semaine, des milliers de partisans de Moqtada Sadr ont envahi le siège du Parlement, dans la Zone verte ultrasécurisée de Bagdad, pour protester contre un candidat au poste de Premier ministre proposé par leurs adversaires.

Au second jour du sit-in, les manifestants semblent déterminés à rester au Parlement, après y avoir emmené matelas et couvertures. Des volontaires ont distribué des repas chauds et balayé dans les jardins les monceaux d'ordures pour les charger dans des camionnettes.

Depuis les législatives d'octobre 2021, l'Irak connaît une paralysie politique totale. Des mois de tractations interminables entre les grands partis n'ont toujours pas permis d'élire un nouveau Président de la République ou un nouveau chef du gouvernement.

Première force au Parlement issu des législatives, le courant de M. Sadr a finalement fait démissionner en juin ses 73 députés après avoir été incapable de rassembler la majorité nécessaire pour désigner un Premier ministre.

Dimanche, Moqtada Sadr, le trublion de la politique irakienne, a appelé sur Twitter à poursuivre la mobilisation.

Il a salué une "révolution spontanée et pacifique qui a libéré la Zone verte--une première étape", y voyant "une opportunité extraordinaire pour un changement fondamental du système politique".

Il a appelé "tout le monde, y compris nos tribus, nos forces de sécurité, et les membres du Hachd al-Chaabi (ex-paramilitaires pro-Iran intégrés aux forces régulières) à soutenir les révolutionnaires".

- "Escalade continue" -

Ses adversaires du "Cadre de coordination", alliance de factions chiites pro-Iran regroupant le Hachd al-Chaabi, ont réagi dans un communiqué en réitérant "l'appel au dialogue avec toutes les forces politiques, en particulier le courant sadriste".

L'alliance -qui a désigné le candidat au poste de Premier ministre rejeté par M. Sadr- a dans le même temps déploré "une escalade continue", accusant indirectement M. Sadr d'appeler à un "coup d'Etat" contre les institutions étatiques après son tweet.

Le Cadre de coordination englobe aussi la formation de l'ex-Premier ministre Nouri al-Maliki -ennemi historique de M. Sadr.

L'alliance avait proposé de confier les rênes du nouveau gouvernement à Mohamed Chia al-Soudani, un ancien ministre de 52 ans.

Au siège du Parlement, des haut-parleurs ont diffusé dimanche des chants religieux traditionnels à l'occasion de Mouharram, le mois lunaire qui vient de débuter et durant lequel les chiites marqueront l'Achoura, la commémoration du martyre de l'imam Hussein, petit-fils du prophète Mahomet et figure centrale du chiisme.

Réclamant "un gouvernement sadriste", Dhorgham Abdallah, un travailleur journalier de 30 ans a fait cinq heures de route depuis Amarah (sud-est) pour rallier le sit-in. Il veut aussi "une dissolution du Parlement".

"Je participe au sit-in pour déraciner les corrompus", a-t-il lancé.

Qu'importe si des responsables fidèles à Moqtada Sadr occupent également les plus hauts échelons dans les ministères, ses partisans le voient en figure d'opposition et héraut de la lutte contre la corruption.

- "Pouvoir de la rue" -

Dimanche, les manifestants ont reçu des instructions du courant sadriste: ils peuvent installer des caravanes et sont appelés à préserver la propreté des lieux et à se relayer pour garantir la continuité du sit-in. Les femmes, elles, sont interdites d'y passer la nuit.

Célèbre pour ses volte-face, M. Sadr maintient aujourd'hui la pression sur ses adversaires alors qu'il leur avait pourtant laissé la tâche de former un gouvernement après la démission de ses députés.

Initialement, le Courant sadriste avait pour ambition de nommer le Premier ministre et former un gouvernement "de majorité" notamment avec ses alliés kurdes et sunnites.

Désormais "le message que Sadr envoie à ceux qui sont impliqués dans la formation du gouvernement est qu'il a le pouvoir de la rue", résumait récemment à l'AFP Renad Mansour, du centre de réflexion Chatham House.

"Il espère utiliser ce pouvoir pour contrecarrer les tentatives de ses adversaires de former un gouvernement."

sf-lk/tgg/tp

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.