Dimanche 28 mars 2021 à 14h08
Beyrouth, 28 mars 2021 (AFP) — Les forces kurdes en Syrie ont lancé dimanche une opération de sécurité dans le camp de déplacés d'Al-Hol secoué par des meurtres en série, une ONG rapportant des dizaines d'interpellations parmi des résidents soupçonnés d'appartenance au groupe Etat islamique (EI).
L'opération des Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par des combattants kurdes, s'étalera sur plusieurs jours et bénéficie du soutien de la coalition internationale antijihadistes emmenée par Washington.
L'ONU a maintes fois mis en garde contre une détérioration de la situation sécuritaire à Al-Hol, devenu une véritable cité de tentes où vivent près de 62.000 personnes, dont 93% de femmes et d'enfants, dans le nord-est de la Syrie en guerre.
Au moins 40 personnes y ont été tuées depuis le début de l'année, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Qualifié de "poudrière jihadiste" par des observateurs, Al-Hol accueille des familles syriennes, irakiennes mais aussi des étrangères d'Europe ou d'Asie avec leurs enfants.
Dimanche à l'aube, les forces kurdes ont lancé "une importante opération sécuritaire (...) contre l'organisation Etat islamique" dans le camp et le village voisin, où des opérations de ratissage ont été menées, a indiqué l'OSDH.
"Soupçonnés de soutenir l'EI, une trentaine de femmes et d'hommes ont été interpellés", a précisé à l'AFP le directeur de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane, selon qui "les arrestations se poursuivent".
- "Entraver Daesh" -
La milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG) et la police locale participent à l'opération, selon M. Abdel Rahmane.
L'objectif est "d'entraver les activités de Daech (EI) dans le camp pour assurer la sécurité de ses résidents", a indiqué à l'AFP le porte-parole de la coalition internationale, le colonel Wayne Marotto.
Il a évoqué un soutien en matière de "renseignements, surveillance et reconnaissance", pour cette opération destinée aussi à renforcer la sécurité afin de permettre aux ONG de fournir "les aides essentielles" au camp.
Médecins sans frontières (MSF) avait d'ailleurs annoncé début mars la suspension temporaire de ses activités à Al-Hol, après la mort d'un de ses employés qui vivait dans le camp avec sa famille.
Le camp a été secoué par plusieurs incidents impliquant parfois des partisans de l'EI, dont des tentatives d'évasion et des attaques contre des gardes ou des employés d'ONG.
Les responsables kurdes pointent du doigt des cellules de l'EI pour les meurtres menés depuis le début de l'année, mais une source humanitaire avait aussi évoqué des tensions tribales.
Fer de lance de la lutte anti-EI en Syrie, les FDS avaient annoncé le 23 mars 2019 la chute du "califat" de l'EI, avec la conquête de l'ultime bastion de Baghouz.
Mais deux ans plus tard, si le groupe jihadiste a renoué avec la clandestinité, il continue de revendiquer des attentats sanglants en Syrie, mais aussi en Afrique de l'Ouest ou encore en Afghanistan.
- "Dernier vestige du +califat+" -
Et c'est sans compter les 11.0000 jihadistes détenus dans les prisons kurdes en Syrie, selon l'ONU, ou les femmes et enfants retenus dans des camps, que certains considèrent comme de véritables bombes à retardement.
"Certains détenus perçoivent Al-Hol comme le dernier vestige du +califat+", soulignait en février un rapport onusien, selon lequel environ 10.000 femmes et enfants étrangers vivent dans une annexe qui leur est réservée.
"Des cas de radicalisation, de formation, de collecte de fonds et d'incitation à des opérations extérieures ont été signalés", ajoutait le rapport. "Certains mineurs seraient endoctrinés et préparés pour devenir de futurs combattants" de l'EI.
Les autorités kurdes locales réclament le rapatriement des femmes et des enfants. Cependant, la plupart des pays, notamment européens, rechignent à reprendre leurs citoyens. Certains, dont la France, ont rapatrié un nombre limité d'enfants orphelins.
"Le danger de l'EI ça reste les milliers de détenus et les milliers de familles dans les camps d'Al-Hol et de Roj, qui gardent l'idéologie extrémiste", ont averti mardi les FDS, déplorant "le manque d'action sur la scène internationale pour résoudre ce dossier".
Au total, quelque 43.000 étrangers sont toujours retenus par les Kurdes dans le nord-est de la Syrie, des hommes dans les prisons, des femmes et des enfants dans les camps, selon Human Rights Watch (HRW).
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.