Mercredi 23 octobre 2019 à 04h04
Sotchi (Russie), 23 oct 2019 (AFP) — La Turquie a annoncé mardi soir qu'elle ne reprendrait pas son offensive militaire contre les forces kurdes dans le nord de la Syrie car ces dernières se sont retirées des zones frontalières, conformément à l'accord arraché il y a cinq jours par le vice-président américain Mike Pence.
De leur côté, les présidents russe et turc, acteurs centraux du conflit syrien, se sont accordés dans la journée sur une prise de contrôle en commun de la majeure partie de cette zone en proie à un conflit croissant entre Ankara et combattants kurdes.
"A ce stade, il n'existe pas de besoin de mener une nouvelle opération", a fait savoir le ministère turc de la Défense dans un communiqué.
La Turquie a lancé le 9 octobre une offensive dans le nord de la Syrie. Baptisée "Source de paix", cette opération visait la milice kurde syrienne des Unités de protection du peuple (YPG), considérée comme "terroriste" par Ankara.
Puis, en vertu d'une trêve obtenue par Mike Pence, Ankara avait accepté le 17 octobre de suspendre son offensive pendant cinq jours, délai qui a expiré mardi à 19H00 GMT.
Cet accord prévoit la mise en place d'une "zone de sécurité" de 32 km de largeur en territoire syrien.
"Au terme de la période de 120 heures, les Etats-Unis ont annoncé que le retrait des YPG de la zone est achevé", a précisé le ministère turc dans son communiqué.
Selon une source diplomatique turque, ce retrait kurde a été confirmé au téléphone par le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo à son homologue turc Mevlut Cavusoglu.
- Assad refuse "toute invasion" -
Après six heures de négociations à Sotchi, dans le sud-ouest de la Russie, Recep Tayyip Erdogan et Vladimir Poutine ont décidé dans un premier temps de déployer des patrouilles militaires russes et syriennes dans les secteurs de la bande frontalière bordant la zone où l'armée turque a déclenché début octobre une opération militaire. Puis, "150 heures" plus tard, des patrouilles communes, cette fois russo-turques, évolueront dans la zone.
La Turquie gardera néanmoins la haute main sur la zone située entre la ville de Tal Abyad, qu'elle a prise au début de l'offensive, et celle de Ras al-Aïn, dont les derniers combattants kurdes se sont retirés dimanche. Soit une zone de sécurité d'une longueur de 120 kilomètres sous son contrôle direct, sur les 440 qu'elle réclamait à l'origine.
Redur Khalil, l'un des commandants des Forces démocratiques syriennes (FDS, dominées par les combattants kurdes) a pour sa part assuré que le retrait de "tous nos combattants et forces sécuritaires de la zone d'opérations militaires allant de Ras al-Aïn à Tal Abyad" avait été achevé.
De facto, la Turquie et la Russie contrôleront ainsi la majeure partie de la frontière turco-syrienne.
"Avec M. Poutine, nous avons conclu un accord historique", a insisté le président turc.
"Ces décisions sont selon moi très importantes, voire décisives, et vont permettre de régler une situation très tendue", a pour sa part dit son homologue russe.
Dans un appel téléphonique passé à Vladimir Poutine, le président syrien Bachar Al-Assad a pour sa part estimé que "ceux qui ont des desseins séparatistes étaient responsables des événements qui se sont produits", faisant allusion aux Kurdes, a annoncé mardi l'agence de presse officielle syrienne SANA.
Il a en outre rappelé "son total refus de toute invasion de terres syriennes sous aucun nom ou sous aucun prétexte".
Bachar Al-Assad a répété à maintes reprises qu'il rétablirait au final le contrôle de son gouvernement sur l'ensemble du territoire de la Syrie.
- Retour des réfugiés -
Depuis le 9 octobre, l'opération militaire turque a provoqué le déplacement de centaines de milliers de civils dans le nord de la Syrie.
Dans le mémorandum signé mardi à Sotchi, MM. Poutine et Erdogan se sont par ailleurs entendus pour faciliter le retour "volontaire" en Syrie de réfugiés, la Turquie disant vouloir que deux millions d'entre eux retournent en Syrie dans la zone de sécurité qu'elle est en passe de mettre en place.
Le chef de l'Etat russe a quant à lui insisté sur la lutte contre le "terrorisme", citant le groupe Etat islamique (EI), les pays occidentaux et la Russie craignant qu'une opération militaire turque n'aboutisse à la libération des milliers de jihadistes détenus par les Kurdes.
L'offensive turque a commencé à la suite de l'annonce du retrait militaire des Etats-Unis du Nord-Est syrien, abandonnant leur allié kurde dans la lutte contre l'EI. La Turquie qualifie pour sa part de "terroristes" ces Unités de protection du peuple (YPG). Donald Trump a annoncé qu'il ne restait désormais qu'un "petit" nombre de soldats américains en territoire syrien, mais loin de la zone où l'armée turque est déployée.
Le président russe a répété mardi comprendre les intérêts de sécurité nationale" de la Turquie, tout en insistant sur l'intégrité territoriale de la Syrie.
Si ces négociations entre MM. Erdogan et Poutine ont eu lieu, c'est aussi parce que Moscou a de facto freiné l'avancée turque, en encourageant depuis le 9 octobre un dialogue entre le régime de Damas et les Kurdes.
Appelées à la rescousse par les Kurdes, les forces syriennes, accompagnées de patrouilles militaires russes, avaient repris certaines zones sous contrôle kurde, contrecarrant ainsi les plans d'Ankara de constituer une "zone de sécurité" de 444 km le long de sa frontière avec la Syrie.
Sur un autre théâtre du conflit syrien, Bachar al-Assad a effectué une visite inédite près de la ligne de front à Idleb, une province contrôlée par des rebelles et des jihadistes dans le nord-ouest que le régime entend bien reprendre.
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Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.