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Syrie: Pence à Ankara pour arracher un cessez-le-feu à Erdogan


Jeudi 17 octobre 2019 à 01h56

Ceylanpinar (Turquie), 16 oct 2019 (AFP) — Donald Trump a dépêché son vice-président Mike Pence en Turquie pour arracher un cessez-le-feu au président turc Recep Tayyip, qui a sommé mercredi les forces kurdes de déposer les armes et de se retirer du nord de la Syrie.

Une semaine jour pour jour après son déclenchement, l'offensive turque contre la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG) a déjà rebattu les cartes dans le nord de la Syrie, nouvel épicentre du conflit qui déchire ce pays depuis 2011.

A la faveur d'un accord avec les forces kurdes, le régime de Damas est en effet revenu dans des régions qui lui échappaient depuis des années et Moscou a commencé à remplir le vide laissé par le retrait des forces américaines.

Vivement critiqué à Washington pour avoir semblé donner son feu vert à l'opération turque, le président américain a depuis exhorté Ankara à stopper son offensive et autorisé des sanctions contre la Turquie.

Dans ce contexte, il a décidé d'envoyer en Turquie son vice-président Mike Pence et son secrétaire d'Etat Mike Pompeo avec pour mission d'obtenir un cessez-le-feu. M. Erdogan doit les recevoir jeudi.

"Notre mission est de voir si nous pouvons obtenir un cessez-le-feu, voir si nous pouvons négocier", a affirmé M. Pompeo à la presse avant de monter à bord de son avion.

Selon le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin, d'autres sanctions américaines sont en préparation en cas de non accord.

Le milliardaire américain a néanmoins brouillé les signaux en déclarant mercredi, avant le départ de MM. Pence et Pompeo, que "si la Turquie va en Syrie, c'est une affaire entre la Turquie et la Syrie, ce n'est pas notre problème". "Les Kurdes ne sont pas des anges", a-t-il ajouté.

En ce qui concerne une trêve, M. Erdogan a d'ores et déjà exclu de "s'asseoir à la table des terroristes", expression désignant les YPG, et soutenu que pour que l'offensive prenne fin, il faudrait que les forces kurdes désarment et reculent.

"Tout de suite, ce soir, que tous les terroristes déposent leurs armes et leurs équipements, détruisent toutes leurs fortifications et se retirent de la zone de sécurité que nous avons fixée", a-t-il déclaré.

L'objectif affiché de l'opération turque est la création d'une "zone de sécurité" de 32 km de profondeur le long de sa frontière, qui permettrait de séparer celle-ci des zones YPG et de rapatrier une partie des 3,6 millions de réfugiés syriens installés en Turquie.

- Bataille de Ras al-Aïn -

Ankara considère les YPG comme une "organisation terroriste" pour ses liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui livre une sanglante guérilla en Turquie.

Mais les pays occidentaux soutiennent la milice YPG, qui domine une coalition arabo-kurde nommée Forces démocratiques syriennes (FDS), pour son rôle de premier plan dans la lutte contre l'organisation jihadiste Etat islamique (EI).

Une semaine après le début de l'opération, les combats continuent de faire rage, en particulier à Ras al-Aïn, ville située à la frontière turque où les combattants kurdes tentent de repousser l'assaut des forces d'Ankara.

Un reporter de l'AFP près de Ras al-Aïn a vu des colonnes de fumée s'élever de la ville pendant que l'écrasant tonnerre de l'artillerie turque emplissait l'air. Afin d'aveugler les avions d'Ankara, les combattants kurdes brûlaient des pneus.

Un responsable des FDS a déclaré que les combattants kurdes étaient "prêts à se battre jusqu'au bout" à Ras al-Aïn. "Nous ne sommes pas encore passés à l'attaque (...) La véritable bataille n'a pas encore débuté", a-t-il averti.

Accusant M. Trump, dont la décision de retirer des militaires américains a laissé le champ libre à l'assaut turc, de les avoir trahies, les forces kurdes ont appelé à la rescousse Damas, qui a déployé des troupes à Minbej et à Ras al-Aïn, entre autres.

Les combattants kurdes, appuyés par les forces syriennes, sont entrés mardi dans une base fraîchement vidée par les Américains, devançant les rebelles soutenus par Ankara qui voulaient s'en emparer, selon une ONG, l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

- Rencontre Erdogan-Poutine -

Profitant du retrait des Américains, et afin d'éviter un affrontement d'envergure entre les forces de Damas et les militaires turcs appuyés par leurs supplétifs syriens, la police militaire russe mène des patrouilles dans le secteur de Minbej, selon Moscou.

M. Erdogan, qui avait dénoncé mardi le "sale marché" conclu entre les forces kurdes et le régime de Bachar al-Assad, a déclaré mercredi que peu lui importait "qui des Russes ou du régime" fasse "sortir les YPG de Minbej".

Le Kremlin a annoncé mardi que le président russe Vladimir Poutine avait invité M. Erdogan en Russie.

La rencontre entre les deux hommes aura lieu le 22 octobre dans la station balnéaire de Sotchi, a précisé mercredi la présidence dans un communiqué.

En sept jours, 71 civils, 158 combattants des FDS ainsi que 128 combattants proturcs ont été tués, d'après l'OSDH. Ankara a déploré la mort de six soldats en Syrie ainsi que de 20 civils par des tirs de roquettes des combattants kurdes sur des villes turques.

De plus, l'offensive a provoqué l'exode de 160.000 personnes dans le nord de la Syrie, d'après l'ONU.

Par ailleurs, le Conseil de sécurité de l'ONU s'est inquiété mercredi "du risque de dispersion" des jihadistes retenus prisonniers dans le nord-est de la Syrie, sans toutefois réclamer la fin de l'offensive militaire turque contre les Kurdes.

S'exprimant séparément devant la presse, l'ambassadrice américaine à l'ONU, Kelly Craft, a aussi insisté sur le danger jihadiste: "L'offensive militaire de la Turquie dans le nord-est de la Syrie compromet la campagne menée pour vaincre le groupe Etat islamique, met en danger des civils innocents et menace la paix, la sécurité et la stabilité dans la région".

A Bruxelles, deux députés belges ont affirmé à l'AFP que deux jihadistes belges qui étaient emprisonnés dans le nord-est de la Syrie s'étaient échappés "ces derniers jours".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.