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Syrie: Erdogan appelle les forces kurdes à désarmer et exclut toute trêve


Mercredi 16 octobre 2019 à 21h36

Ceylanpinar (Turquie), 16 oct 2019 (AFP) — Le président turc Recep Tayyip Erdogan a sommé mercredi les forces kurdes de déposer les armes et se retirer du nord de la Syrie, rejetant l'appel au cessez-le-feu de Donald Trump qui a dépêché en Turquie son vice-président pour arracher un accord.

Une semaine jour pour jour après son déclenchement, l'offensive turque contre la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG) a déjà rebattu les cartes dans le nord de la Syrie, nouvel épicentre du conflit qui déchire ce pays depuis 2011.

A la faveur d'un accord avec les forces kurdes, le régime est en effet revenu dans des régions qui lui échappaient depuis des années, et Moscou a commencé à remplir le vide laissé par le retrait des forces américaines, alliées ces dernières années aux forces kurdes dans leur combat contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI).

Le président américain Donald Trump a nié mercredi avoir donné son feu vert à l'offensive turque, ce qui avait été interprété ainsi avec le retrait des troupes dans le nord syrien.

- "Menace terroriste" -

Il a par ailleurs estimé que le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui mène une sanglante guérilla contre la Turquie et qui est considéré comme proche des YPG, était "probablement" une plus grande "menace terroriste" que l'EI.

Pour tenter d'obtenir un cessez-le-feu, M. Trump a décidé d'envoyer en Turquie son vice-président Mike Pence et son secrétaire d'Etat Mike Pompeo. M. Erdogan doit les rencontrer jeudi, selon la présidence turque.

Mais en ce qui concerne une trêve, M. Erdogan a d'ores et déjà exclu de "s'asseoir à la table des terroristes", expression désignant les YPG.

"Tout de suite, ce soir, que tous les terroristes déposent leurs armes et leurs équipements, détruisent toutes leurs fortifications et se retirent de la zone de sécurité que nous avons fixée", a-t-il déclaré.

Sur le terrain, les combats font rage, en particulier aux abords de Ras al-Aïn, ville située à la frontière turque où les combattants kurdes tentent de repousser l'assaut des forces d'Ankara.

Un reporter de l'AFP près de Ras al-Aïn a vu des colonnes de fumée s'élever de la ville pendant que le tonnerre de l'artillerie turque emplissait l'air. Afin d'aveugler les avions d'Ankara, les combattants kurdes brûlaient des pneus.

Un membre des supplétifs syriens des troupes turques a indiqué que les forces d'Ankara tentaient de couper les voies d'approvisionnement des combattants kurdes depuis Hassaké, une autre ville du nord-est de la Syrie.

En sept jours, 72 civils, 185 combattants des FDS, 164 combattants proturcs et trois soldats syriens ont été tués, d'après l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Ankara a fait état de la mort de six soldats en Syrie ainsi que de 20 civils par des tirs de roquettes des combattants kurdes sur des villes turques.

L'offensive a provoqué l'exode de 160.000 personnes dans le nord de la Syrie, d'après l'ONU.

- Erdogan bientôt à Moscou -

L'objectif affiché de l'opération turque est la création d'une "zone de sécurité" de 32 km de profondeur le long de la frontière côté syrien, qui permettrait de séparer celle-ci des zones YPG et de rapatrier une partie des 3,6 millions de réfugiés syriens installés en Turquie.

Accusant Washington de "trahison" après le retrait de ses troupes, les forces kurdes ont appelé à la rescousse Damas, qui a déployé des hommes dans le nord du pays, notamment à Minbej et à Ras al-Aïn.

D'après l'OSDH, les combattants kurdes, appuyés par les forces syriennes, sont entrés mardi dans une ancienne base américaine située entre Kobané et Aïn Issa, devançant les rebelles soutenus par Ankara qui voulaient s'en emparer.

Les troupes du régime et des soldats russes sont par ailleurs entrés à Kobané, selon l'OSDH.

Afin d'éviter un affrontement d'envergure entre les forces de Damas soutenues par Moscou et les militaires turcs appuyés par leurs supplétifs syriens, la police militaire russe mène "des patrouilles le long de la ligne de contact" à Minbej, selon Moscou.

La Turquie a prévenu mercredi qu'elle n'accepterait pas que les forces kurdes restent à Minbej sous la protection des Russes.

Elle a par ailleurs annoncé une visite de M. Erdogan le 22 octobre en Russie où il rencontrera son homologue russe Vladimir Poutine.

Plusieurs pays européens ont dit craindre, outre une crise humanitaire, la fuite massive de jihadistes de l'EI détenus par les Kurdes à la faveur de cet assaut.

En raison de l'opération turque, les FDS ont par ailleurs annoncé mercredi avoir gelé leurs opérations de traque contre l'EI qui a développé des cellules dormantes en Syrie après la chute de son "califat" autoproclamé en mars.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.