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En Syrie, les forces antijihadistes se préparent à l'assaut final


Jeudi 28 février 2019 à 13h25

Champ pétrolier d'Al-Omar (Syrie), 28 fév 2019 (AF — Les forces arabo-kurdes soutenues par la coalition internationale se préparent à l'assaut final contre les jihadistes encore présents dans l'ultime réduit du groupe Etat islamique (EI) dans l'est de la Syrie, en attendant la fin des difficiles évacuations de civils.

Plusieurs milliers de personnes, des femmes et des enfants notamment, ont déjà quitté la dernière poche jihadiste, réduite à moins d'un kilomètre carré, lors de cinq vagues d'évacuation depuis mercredi dernier.

Les forces démocratiques syriennes (FDS), engagées depuis septembre dans une bataille décisive contre cette dernière enclave de l'EI en Syrie, avaient suspendu leurs opérations il y a plus de deux semaines pour éviter un bain de sang, accusant les jihadistes jusqu'au-boutistes d'utiliser les civils comme "boucliers humains".

"Nous souhaitons que les opérations d'évacuation s'achèvent dans les plus brefs délais pour passer à la deuxième étape, celle de la guerre ou de la capitulation des combattants" de l'EI, a déclaré jeudi à l'AFP Adnane Afrine, un porte-parole des FDS.

La Coalition arabo-kurde estime entre plusieurs centaines et quelques milliers le nombre de personnes encore présentes à l'intérieur de l'ultime réduit, confiné à quelques pâtés de maisons accolées à un camp informel.

"Nous ne savons pas le nombre exact de civils encore à l'intérieur, mais chaque jour nous sommes surpris par le nombre de personnes quittant (le réduit), on ne s'y attendait pas", ajoute M. Afrine.

Jeudi, les FDS ont annoncé avoir "évacué des milliers de civils" et "libéré 24" de leurs combattants enlevés auparavant par l'EI.

Les jihadistes sont retranchés dans la périphérie Est du village de Baghouz, situé sur la rive orientale du fleuve Euphrate, non loin de la frontière irakienne.

Ils sont encerclés au nord et à l'ouest par les FDS, au sud par les forces pro-régime syrien et à l'est par les forces et les milices irakiennes antijihadistes.

"Nous attendons depuis longtemps l'arrivée des véhicules pour sortir", raconte à l'AFP Nadia al-Hamid, originaire de la ville syrienne de Mayadine, au point érigé par les FDS.

"Certains combattants de l'EI disent nous voulons mourir ici, ajoute-t-elle.

"Il ne reste plus que des +mouhajirat+ à l'intérieur", poursuit-elle, en allusion aux étrangères ayant rallié l'EI ou épousé des jihadistes.

Ces dernières semaines, les journalistes de l'AFP ont pu voir ou interroger plusieurs femmes sur place originaires, entre autres, de France, d'Allemagne, de Turquie et de Russie.

- Blessés -

Certaines femmes ayant réussi à s'extirper de l'ultime poche jihadiste racontent avoir maintes fois tenté de fuir par le passé. En vain. "Dans l'Etat (islamique), ils ne laissaient personne sortir. Les routes étaient fermées et ils nous disaient qu'il ne fallait pas sortir, que c'était un péché", raconte l'une d'elles, sous le couvert de l'anonymat.

La situation semble toutefois avoir évolué depuis une semaine, l'EI autorisant, selon divers récits d'évacués, les personnes qui le souhaitent, notamment les femmes et les blessés, à quitter l'enclave.

Mercredi, 15 camions transportant des centaines de personnes ont encore atteint la position des FDS, selon une journaliste de l'AFP.

Parfois en béquille ou en chaise roulante, les blessés, touchés par des bombardements ou l'explosion de mines, ont débarqué par centaines ces derniers jours.

Après les fouilles--qui ne font aucune exception parmi les arrivants--, destinées à identifier les jihadistes dissimulés parmi la foule, les FDS transfèrent les femmes et les enfants vers le camp de déplacés d'Al-Hol, dans le nord-est de la Syrie, tandis que les jihadistes présumés sont envoyés dans des centres de détention pour des interrogatoires poussés.

- Affamés -

A leur arrivée, les évacués sont souvent épuisés et affamés, les femmes cherchant à la ronde nourriture, eau et couches pour enfants.

Près d'une ambulance, une femme turque fond en larmes alors que son nouveau-né fébrile est transporté par des secouristes. "Il n'a pas mangé depuis plusieurs jours", clame-t-elle.

A quelques mètres, Marwa, une Irakienne de 19 ans, dit rêver d'un coca-cola et d'un biscuit en s'enfilant un bout de poulet à travers son niqab, un pot de riz posé sur ses jambes.

Les boissons gazeuses "n'existaient pas" en terre du "califat", rappelle-t-elle.

Si les conditions sont déplorables à l'arrivée, le camp d'Al-Hol abrite lui plus de 50.000 personnes dans des conditions décriées par plus d'une ONG comme "rudes", face à l'impuissance des autorités kurdes, débordées par l'afflux exceptionnel de déplacés.

Mercredi soir, un porte-parole des FDS, Moustafa Bali, a dit regretter dans un tweet la "destruction par l'EI de l'avenir de toute une génération", évoquant l'existence de "milliers d'orphelins" dans les camps.

Selon l'ONG Save the Children, 2.500 enfants étrangers issus de 30 pays vivent aujourd'hui dans trois camps de déplacés dans le nord-est de la Syrie.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.