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Syrie: l'armée du régime dans la région de Minbej après un appel à l'aide des Kurdes


Vendredi 28 decembre 2018 à 14h37

Beyrouth, 28 déc 2018 (AFP) — L'armée de Bachar al-Assad est entrée vendredi dans la région de Minbej, dans le nord de la Syrie, en réponse à un appel à l'aide des forces kurdes, illustrant un revirement d'alliance accéléré par l'annonce du retrait des forces américaines.

Ankara, qui avait menacé de lancer une offensive avec des supplétifs syriens contre les forces kurdes, a réagi avec colère, estimant que celles-ci n'avaient "pas le droit" de faire appel à Damas et mettant en garde contre toute "provocation".

Le retour des forces syriennes à Minbej, pour la première fois en six ans, intervient au moment où le régime a le vent en poupe. Il a multiplié les victoires militaires et semble sur la bonne voie pour briser son isolement diplomatique, comme le montre la réouverture jeudi à Damas de l'ambassade des Emirats arabes unis.

Il survient aussi après l'annonce des Etats-Unis sur un retrait des troupes américaines de Syrie qui a pris de court leurs alliés kurdes.

"Des unités de l'armée arabe syrienne sont entrées à Minbej", a annoncé un porte-parole de l'armée à la télévision officielle.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), l'armée et des milices alliées se sont déployées dans des secteurs au nord et à l'ouest (bien: ouest) de la ville, créant une "zone-tampon" entre les territoires tenus par les rebelles pro-Ankara et Minbej.

Plus de 300 combattants des forces pro-régime ont été déployés dans la région de Minbej, selon l'Observatoire.

- "Synchroniser les actions" -

Plus tôt, les Unités de protection du peuple (YPG), principale milice kurde de Syrie, avaient demandé à l'armée de déployer ses troupes à Minbej, après avoir affirmé s'en être retirées.

Noura al-Hamed, vice-présidente au sein des autorités locales de Minbej, a assuré que les négociations avec le pouvoir de Damas avaient eu lieu "sous l'égide de la Russie".

"Les forces du régime ne vont pas entrer dans la ville, elles vont se déployer sur la ligne de démarcation" qui sépare Minbej des territoires pro-Ankara, a-t-elle souligné.

La coalition internationale emmenée par Washington, qui soutient les forces kurdes dans la lutte contre les jihadistes du groupe Etat islamique (EI), a des troupes stationnées dans le secteur, notamment américaines et françaises selon l'OSDH.

"Les forces de la coalition sont toujours présentes à leurs positions et mènent leurs patrouilles", a souligné Mme Hamed.

Soutenu militairement par ses alliés indéfectibles, l'Iran et la Russie, le régime d'Assad a multiplié les victoires face aux rebelles et aux jihadistes. Il a ainsi repris le contrôle de près des deux-tiers du pays morcelé par une guerre ayant fait plus de 360.000 morts depuis 2011.

Le Kremlin a jugé "positive" l'entrée de l'armée à Minbej, estimant que cela allait "dans le sens d'une stabilisation de la situation".

La question sera discutée samedi lors d'une visite à Moscou des ministres turcs des Affaires étrangères et de la Défense, qui doit "apporter de la clarté" et permettre de "synchroniser les actions" entre la Russie et la Turquie, selon le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

- Diplomatie régionale -

Début 2019, un sommet sur la Syrie réunissant les présidents de la Russie, de l'Iran et de la Turquie est aussi prévu dans le cadre du processus d'Astana, mis en place par les parrains des belligérants en Syrie pour trouver une issue au conflit.

Depuis la mi-décembre, Ankara promettait de lancer une nouvelle offensive contre les forces kurdes, massant des renforts à sa frontière et dans le nord syrien.

Des menaces d'autant plus inquiétantes pour les Kurdes, que le président Donald Trump avait annoncé le 19 décembre le retrait de quelque 2.000 militaires américains déployés en Syrie.

Il a cependant souligné que ce désengagement serait "lent et extrêmement coordonné" avec la Turquie.

L'entrée du régime à Minbej illustre aussi un revirement inédit des relations complexes entre les forces kurdes et le pouvoir de Damas, qui était allé jusqu'à les qualifier parfois de "traîtres".

La minorité kurde, opprimée pendant des décennies par Damas, a profité du conflit pour grignoter une autonomie de facto dans des régions du nord et du nord-est, soit près de 30% du pays.

Les Kurdes contrôlent toujours de vastes territoires dans le nord et nord-est, et tiennent notamment la ville de Raqa, arrachée à l'EI, ainsi que d'importants champs pétroliers.

Sur le plan diplomatique, le pouvoir de Damas semble aussi sur la bonne voie pour briser son isolement au plan régional. Jeudi, les Emirats arabes unis ont annoncé la réouverture de leur ambassade dans la capitale syrienne, après sept années d'absence.

Quelques heures plus tard, un autre pays du Golfe, Bahreïn, annonçait la "poursuite" des travaux dans son ambassade en Syrie, signifiant son intention de la rouvrir.

Premier chef d'Etat arabe à se rendre en Syrie depuis 2011, le président soudanais Omar el-Béchir avait par ailleurs rencontré le M. Assad à Damas le 16 décembre.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.