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Les Kurdes de Syrie, longtemps marginalisés, à l'autonomie fragile dans le Nord


Vendredi 28 decembre 2018 à 13h24

Beyrouth, 28 déc 2018 (AFP) — Les Kurdes de Syrie, qui se rapprochent du régime de Damas face aux menaces d'offensive turque, ont instauré une autonomie fragile sur les territoires qu'ils contrôlent dans le nord du pays en guerre.

Ces régions, qui comptent notamment d'importants champs pétroliers, représentent près de 30% de la Syrie, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

- Discrimination -

Installés surtout dans le nord de la Syrie, les Kurdes, essentiellement sunnites avec des minorités non musulmanes et des formations politiques souvent laïques, représentent 15% de la population syrienne, selon les estimations.

Ils ont souffert de décennies de marginalisation et d'oppression et n'ont cessé de réclamer la reconnaissance de leurs droits culturels et politiques.

- Neutralité -

Dès le début du conflit déclenché en 2011 par la répression sanglante d'une révolte pacifique par l'armée, le régime fait un geste envers les Kurdes.

Le président syrien Bachar al-Assad naturalise 300.000 Kurdes "apatrides" après un demi-siècle d'attente et de protestations. Ces Kurdes de Syrie s'étaient vus retirer leur nationalité à la suite d'un recensement controversé en 1962.

Les Kurdes vont ensuite tenter de rester à l'écart du conflit. Ils adoptent une position "neutre" envers le pouvoir et la rébellion, essayant d'empêcher les rebelles de pénétrer dans leurs régions pour éviter des représailles du régime.

A la mi-2012, les forces gouvernementales quittent des positions dans le nord et l'est du pays, prises par les Kurdes. Ce retrait est perçu comme destiné essentiellement à encourager les Kurdes à ne pas s'allier aux rebelles.

- "Région fédérale" -

En 2013, le Parti de l'Union démocratique kurde (PYD, principal parti kurde syrien) proclame une semi-autonomie.

En 2016 est annoncée la création d'une "région fédérale". Celle-ci est composée de trois cantons: Afrine (nord-ouest) --dans la province d'Alep--, Euphrate (nord) --sur une partie des provinces d'Alep et de Raqa-- et Jaziré (nord-est) --qui correspond à la province de Hassaké--.

Cette initiative s'apparente à une autonomie de facto, qui reste fragile. Les Kurdes vont alors s'attirer l'inimitié des forces de l'opposition, en plus de l'hostilité de la Turquie voisine.

Ils se dotent d'un "contrat social", une sorte de Constitution. En 2017, les habitants des régions kurdes élisent leurs conseils municipaux.

- Antijihadistes -

L'aile armée du PYD, les Unités de protection du peuple (YPG), a été dès 2014 l'une des principales forces combattant le groupe jihadiste Etat islamique (EI) avec l'appui aérien de la coalition internationale conduite par les Etats-Unis.

Début 2015, les forces kurdes soutenues par les frappes de la coalition chassent l'EI de Kobané, à la frontière turque, après plus de quatre mois de violents combats.

En octobre 2015, les Forces démocratiques syriennes (FDS), composées de 25.000 Kurdes et 5.000 Arabes, tous Syriens, sont créées. Dominées par les YPG, les FDS vont recevoir une aide conséquente des Etats-Unis, en armement mais aussi en soutien aérien.

Deux ans plus tard, en octobre 2017, les FDS chassent l'EI de son fief de Raqa.

Aujourd'hui, elles continuent de combattre les jihadistes dans leurs dernières poches dans l'est du pays.

- Réaction turque -

Le 14 janvier 2018, la coalition antijihadiste annonce oeuvrer à la création d'une "force" frontalière de 30.000 hommes dans le nord de la Syrie, notamment constituée de membres des FDS.

Mais la Turquie considère les YPG, principale composante des FDS, comme l'extension en Syrie du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation kurde qui mène une guérilla contre Ankara depuis 1984 et qu'elle qualifie de "terroriste".

En août 2016, la Turquie avait d'ailleurs déjà mené une offensive dans le nord de la Syrie, officiellement pour repousser à la fois les milices kurdes et l'EI.

Le 20 janvier 2018, l'armée turque --aidée par des supplétifs rebelles syriens-- lance une offensive terrestre et aérienne meurtrière contre les YPG dans la région d'Afrine, dont elle prend le contrôle deux mois plus tard.

- Lâchés par Trump -

Donald Trump ordonne le 20 décembre le retrait prochain des quelque 2.000 militaires américains déployés en Syrie, combattant l'EI aux côtés des YPG.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan envoie dans les jours suivants des renforts militaires à la frontière entre la Turquie et les régions kurdes syriennes en préparation d'une éventuelle offensive après le retrait des troupes américaines.

Après un appel à l'aide des forces kurdes face à ces menaces, l'armée syrienne annonce le 28 décembre son entrée dans la ville clé de Minbej (nord du pays), à 30 km de la frontière turque. Les YPG affirment s'en être militairement retirés depuis l'été.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.