Page Précédente

Turquie: la détention de l'opposant kurde Demirtas vise à "étouffer le pluralisme"


Mardi 20 novembre 2018 à 10h59

Strasbourg, 20 nov 2018 (AFP) — L'emprisonnement de l'opposant kurde Selahattin Demirtas, candidat malheureux à la présidentielle de juin en Turquie, vise à "étouffer le pluralisme" politique dans ce pays, a jugé jeudi la Cour européenne des droits de l'homme qui a condamné Ankara.

La CEDH a ainsi demandé à la Turquie de libérer "dans les plus brefs délais" le leader prokurde, un des chefs du Parti démocratique des peuples (HDP), détenu depuis novembre 2016.

La cour de Strasbourg "admet" que si M. Demirtas, 45 ans, a été arrêté pour des "raisons plausibles" car les autorités turques le soupçonnaient d'avoir commis une infraction pénale. Mais les motifs invoqués pour justifier la durée de sa détention ne sont pas "suffisants".

"Sa détention provisoire constitue une atteinte injustifiée à la libre expression de l'opinion du peuple et au droit du requérant d'être élu et d'exercer son mandat parlementaire", ont estimé les juges européens, saisis par M. Demirtas.

"Les prolongations de la privation de liberté de l'intéressé, notamment pendant deux campagnes électorales critiques, à savoir le référendum et l'élection présidentielle, poursuivaient un but inavoué prédominant, celui d'étouffer le pluralisme et de limiter le libre jeu du débat politique, qui se trouve au coeur même de la notion de société démocratique", a encore souligné la CEDH.

Celle-ci a condamné la Turquie à verser 10.000 euros au requérant pour dommage moral, et 15.000 euros pour frais et dépens.

Selahattin Demirtas, écroué depuis novembre 2016 pour des accusations d'activités "terroristes", est poursuivi dans de nombreux dossiers et encourt jusqu'à 142 ans de prison dans le cadre de son principal procès. Cela ne l'a pas empêché de recueillir 8,4% des voix à la présidentielle du 24 juin, remportée par Recep Tayyip Erdogan.

La cour européenne avait condamné la semaine passée la Russie pour des motifs similaires, reconnaissant le caractère "politique" des multiples arrestations de l'opposant numéro un à Vladimir Poutine, Alexeï Navalny.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.