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La statue de Kawa le forgeron, pourfendeur de tyrans, détruite à Afrine


Lundi 19 mars 2018 à 20h14

Qamichli (Syrie), 19 mars 2018 (AFP) — En s'emparant dimanche de la ville d'Afrine, dans le nord-ouest de la Syrie, des combattants participant à l'offensive turque ont concentré leur colère sur un homme hors du commun: Kawa le forgeron, dont la statue a été déboulonnée.

Qui est ce héros mythologique adulé par les Kurdes, et que symbolise-t-il?

- Défier le tyran -

Kawa le forgeron, en référence à sa profession, est un héros adoré des Kurdes qui, selon la légende, a pris la tête d'une révolte contre un roi tyrannique.

Son nom est aujourd'hui étroitement associé aux célébrations de Norouz, le nouvel an kurde, organisé le 21 mars pour marquer l'arrivée du printemps.

Dimanche, sa statue sur une place d'Afrine, le représentant marteau à l'épaule, a été mise à bas et réduite en morceaux par des combattants qui venaient de prendre le contrôle de la ville kurde.

D'après le mythe, alors que le tyran réclamait la mort de deux jeunes hommes par jour, le valeureux forgeron a rassemblé tous les jeunes hommes dans les montagnes environnantes. Il leur a fabriqué des épées et le groupe a attaqué le palais du roi et l'a incendié.

Kawa avait donné le signal de l'assaut en allumant un feu, symbole sacré jusqu'à ce jour chez les Kurdes.

La légende a été rapportée au fil des siècles et reprise par différents peuples, notamment par les Perses.

- Norouz -

Dans l'imaginaire kurde, la figure de Kawa le forgeron symbolise notamment "le dur labeur", mais aussi "la liberté, l'émancipation de l'esclavage, la révolte contre l'injustice et la tyrannie", indique à l'AFP le chercheur et historien kurde Fares Othmane.

La destruction de la statue "est une agression contre tout ce qu'il symbolise et le retour à la tyrannie, l'ignorance et l'obscurantisme", souligne-t-il.

Le nom de Kawa le forgeron revient régulièrement dans les chants folkloriques kurdes, mais aussi dans les histoires et les contes transmis de génération en génération.

La destruction de la statue a provoqué la colère des Kurdes, qui ont partagé sur les réseaux sociaux les images du drame, soulignant qu'il intervenait trois jours seulement avant le nouvel an kurde Norouz.

Lors de ces célébrations, les Kurdes revêtent leurs habits traditionnels fleuris, et brûlent des petits feu -à l'instar de Kawa.

- Incidents similaires -

Depuis le début en 2011 du conflit qui ravage la Syrie, plusieurs statues ont été détruites par les belligérants, en particulier les jihadistes du groupe Etat islamique (EI) qui s'en sont pris aux joyaux de l'antiquité en Syrie et en Irak voisin.

En octobre 2013, dans la ville de Raqa (nord), des jihadistes qui devaient plus tard former l'organisation EI ont détruit une statue du célèbre calife abbasside Haroun al-Rachid, y voyant une "idole".

Et des combattants de l'ex-branche syrienne d'Al-Qaïda ont décapité en février 2013 la statue d'un célèbre poète et philosophe de l'époque abbasside, Abou al-Alaa al-Maari, dans sa ville natale de Maaret al-Noomane (nord-ouest).

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.