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Militantes kurdes tuées à Paris en 2013: les proches veulent qu'un juge enquête


Vendredi 16 mars 2018 à 16h25

Paris, 16 mars 2018 (AFP) — Les familles de trois militantes kurdes tuées en 2013 réclament qu'un juge d'instruction soit saisi pour identifier d'éventuelles complicités liées aux services secrets turcs dans cette affaire où le seul suspect est décédé, a indiqué vendredi à l'AFP un de leurs avocats.

Le Turc Omer Güney avait été renvoyé devant la cour d'assises spéciale de Paris pour ces assassinats mais il est mort, à 34 ans, en prison fin 2016 avant son procès.

Il était accusé d'avoir tué le 9 janvier 2013 les militantes kurdes Sakine Cansiz, fondatrice du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), Fidan Dogan et Leyla Saylemez dans les locaux du Centre d'information du Kurdistan à Paris.

Son décès avait entraîné de fait l'extinction de l'action publique à son encontre. Mais, début 2017, les familles avaient demandé la poursuite d'investigations pour identifier d'éventuels complices ou coauteurs.

Leurs avocats avaient alors déposé une première plainte auprès du parquet de Paris en y joignant des documents en turc. Une enquête préliminaire a été ouverte au printemps dernier pour assassinats terroristes et association de malfaiteurs terroriste criminelle, notamment pour procéder à la traduction de ces pièces.

Un an après, les familles ont déposé lundi une nouvelle plainte, avec constitution de partie civile, pour qu'un juge d'instruction soit saisi. "Il faut que la justice française ait le courage de continuer l'enquête pour identifier des complices et éviter l'impunité de ces crimes", a déclaré à l'AFP Me Antoine Comte, avocat de la famille de Fidan Dogan.

Si Omer Güney, qui clamait son innocence, était le seul accusé, les enquêteurs avaient à l'époque pointé "l'implication" de membres des services secrets turcs, le MIT, dans ce triple assassinat, sans désigner de commanditaires, selon une source proche du dossier.

Les investigations n'avaient pas permis d'établir si ces agents avaient agi "avec l'aval de leur hiérarchie" ou "à l'insu de leur service afin de discréditer (le MIT, ndlr) ou de nuire au processus de paix", entamé à l'époque entre Ankara et le PKK.

Le MIT avait officiellement démenti toute implication en janvier 2014. Des médias turcs avaient diffusé un enregistrement d'une conversation entre un homme présenté comme Omer Güney et deux agents des services, ainsi qu'un document s'apparentant à un "ordre de mission" pour Güney.

Dans leur plainte, dont l'AFP a eu connaissance, les familles font valoir l'existence de nouveaux éléments, transmis au parquet de Paris, et renforçant selon elles la thèse d'une "opération mûrement planifiée par les services secrets" turcs.

Elles produisent notamment les déclarations en janvier 2018 attribuées à deux responsables du renseignement arrêtés par les forces kurdes en Irak et dans lesquelles ils auraient identifié de possibles commanditaires au sein des services secrets.

Les avocats soulignent par ailleurs qu'une procédure judiciaire turque a montré qu'Omer Güney avait dans son téléphone un numéro attribué à la direction du MIT. Ils affirment aussi que la justice française a été informée d'une enquête à Bruxelles révélant selon eux de possibles liens entre le triple assassinat et un projet d'attentat contre des personnalités kurdes en Belgique.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.