Comment les États-Unis espionnent l’Iran


5 décembre 2007  | Georges Malbrunot

Depuis le fiasco des armes de destruction massive irakiennes, les Américains concentrent leurs efforts sur le renseignement humain.


Image satellite de l’usine d’enrichissement d’uranium de Natanz, découverte en 2002 au centre de l’Iran. Crédits photo : ASSOCIATED PRESS

Un rapport du renseignement américain publié lundi estime que l’Iran ne représente pas une menace imminente et que Téhéran a suspendu son programme nucléaire militaire depuis 2003. Pour arriver à ces conclusions surprenantes, les États-Unis affirment avoir utilisé de nouvelles méthodes de collecte de renseignements sur l’Iran. Quelles sont-elles ?

Les méthodes de collecte

L’essentiel du renseignement américain sur l’Iran est obtenu grâce à l’imagerie électronique, fournie par les satellites placés au-dessus du pays (modification dans la sécurité des sites nucléaires, repérage de travaux souterrains). «Une partie de cette information est communiquée aux Israéliens, qui n’ont pas le dispositif satellitaire suffisant, car celui-ci est actuellement concentré sur le Liban et la Syrie», affirme un responsable du ministère français de la Défense, qui souligne la bonne coopération entre les États-Unis et Israël face à la menace iranienne.

Depuis leur échec en Irak – où la CIA ne disposait, du temps de Saddam Hussein, que de très peu de sources humaines –, les services de renseignements américains ont mis l’accent sur ce renseignement humain (direct ou indirect) que la présence de 140 000 hommes aux portes de l’Iran a permis de renforcer. «Nous avons effectué plus d’analyses et plus de collectes, à partir d’informations qui étaient publiques et pertinentes», assurait le week-end dernier l’un des responsables de la CIA. Est-ce le résultat de cette nouvelle politique ? Ou plutôt de l’action d’un commando israélien ? Le 18 janvier dernier, le physicien Ardeshir Hassanpour, l’un des cerveaux du programme nucléaire iranien, mourait victime d’un empoisonnement en Iran. Le 7 février, Ali Reza Asgari, ancien responsable des gardiens de la révolution qui participent à la protection des sites nucléaires, faisait quant à lui défection pour se rendre aux États-Unis, via la Turquie ; et le 30 avril, c’était au tour de Hossein Moussavian, négociateur du nucléaire avec les Européens, d’être arrêté à Téhéran, qui l’accuse d’avoir transmis des renseignements sensibles aux Britanniques. Sans oublier plusieurs «accidents» subis par des hélicoptères transportant des gardiens de la révolution, qui viennent d’être inscrits sur la liste des organisations terroristes par les États-Unis.

Les agents sur place

Les opposants islamo-marxistes des Moujahidins du peuple, dans le camp d’Ashraf en Irak, à 50 km de l’Iran, ont longtemps été crédités d’un réseau d’informations en Iran. Ce sont eux qui ont révélé, le 14 août 2002, l’existence d’une usine d’enrichissement d’uranium à Natanz, et le projet de construction d’un réacteur à eau lourde à Arak. «Les Américains ont pu leur transmettre l’information pour aggraver le coup porté au régime iranien», observe toutefois un diplomate. Mais aujourd’hui, la capacité opérationnelle des moujahidins, vraisemblablement infiltrés par Téhéran, paraît réduite.

Reste les Kurdes, alliés de Washington, au nord de l’Irak. «Les Américains font pression pour que nous menions des opérations de déstabilisation en Iran, mais nous résistons», indique au Figaro un de leurs responsables. Dans ce nid à espions, le Mossad israélien, qui coopère de longue date avec les services du PDK de Massoud Barzani, peut recruter pour des repérages d’objectifs de l’autre côté de la frontière. Ou pour des opérations commando contre les «architectes» du programme nucléaire comme Hassanpour, que, fidèle à son histoire, le Mossad cherche inlassablement à éliminer.

«Les services britanniques, de leur côté, sont bien implantés dans le nord de l’Iran à majorité kurde», ajoute un ancien chef d’un service de contre-espionnage européen. Le déploiement des troupes de Londres au sud de l’Irak leur permet également d’infiltrer la province du Khouzistan, où se trouve la centrale de Bouchehr et où vit également la minorité «arabe», une province qui est régulièrement le théâtre de troubles ces dernières années.

Les contre-mesures iraniennes

Téhéran a assigné à la milice des bassidjis et aux pasdarans des missions de contrôle de la population, ce qui n’est pas leur vocation première. Mais ce n’est pas suffisant. Depuis 2005, Téhéran disposerait d’un nouveau service de renseignement, Oghab 2, exclusivement dédié à la protection de son programme nucléaire contre les opérations extérieures. Sa création aurait été décidée après l’arrestation de plusieurs agents, envoyés pour collecter des renseignements sur deux sites nucléaires qui n’avaient pas été découverts par l’Agence internationale à l’énergie atomique : Parshin (au sud-est de Téhéran) et Lavizan (au nord-est).

De combien d’hommes est composé Oghab 2 ? Ont-ils reçu une formation dans certains pays amis de l’Iran à l’étranger ? Difficile de le savoir avec certitude. En revanche, les spécialistes du renseignement sont unanimes sur un point : il est très difficile d’infiltrer l’Iran. «Les services étrangers ont traditionnellement peu de contacts à haut niveau en Iran», confie un ancien professionnel du contre-espionnage. Ce qui expliquerait la difficulté rencontrée par les «grandes oreilles» américaines pour établir leur surprenant rapport sur le nucléaire iranien.