Combats entre l'armée turque et le PKK après une embuscade meurtrière des rebelles kurdes


22 octobre 2007 | Istanbul, correspondance | Guillaume Perrier

La tension est encore montée d'un cran en Turquie, dimanche 21 octobre, au cours d'une journée qui restera comme l'une des plus meurtrières depuis 1984, date à laquelle les membres du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, séparatiste) avaient déclenché la lutte armée contre l'Etat turc. Au moins 44 personnes ont été tuées dans les montagnes de la région d'Hakkari, proche de la frontière irakienne.


AFP
La journée du dimanche 21 octobre restera comme l'une des plus meurtrières depuis 1984, date à laquelle les membres du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, séparatiste) avaient déclenché la lutte armée contre l'Etat turc.

C'est l'attaque à l'arme lourde d'un convoi de militaires en mission nocturne, dans la nuit de samedi à dimanche, qui en est à l'origine. Douze soldats turcs ont été tués dans cet assaut et 17 autres blessés. Le PKK, par la voix de son agence de presse, Firat, a affirmé que les rebelles avaient réussi à capturer plusieurs soldats. Le ministre turc de la défense, Vecdi Gönül, a démenti cette information.

En représailles, les forces turques ont donné la chasse aux assaillants, tuant au moins 32 "terroristes", selon le bilan fourni par l'état-major. Elles ont également affirmé avoir bombardé plus de 60 cibles, en Turquie et en Irak. Un pont reliant deux villes de la région d'Amadya, à l'extrême nord de l'Irak, aurait été détruit, selon les autorités du Kurdistan autonome.

Rentré précipitamment à Ankara, le premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, a convoqué en urgence un minisommet antiterroriste, dimanche soir, réunissant les principaux responsables de l'état-major autour d'Abdullah Gül, le président de la République, pour décider de la riposte.

"ZONE TAMPON"

Les ministres ont essayé de temporiser. En visite à Kiev, en Ukraine, où il a rencontré le secrétaire d'Etat américain à la défense, Robert Gates, M. Gönül a reconnu que "nous avons des projets d'incursion de l'autre côté de la frontière", mais qu'une telle opération "n'était pas prévue de façon urgente".

La pression de l'opinion publique devient difficilement tenable pour le gouvernement turc, également sommé par l'armée de lancer la chasse aux rebelles du PKK réfugiés dans le nord de l'Irak. Le 17 octobre, le Parlement a autorisé pour une période d'un an les troupes turques à mener une opération transfrontalière d'envergure. Et dimanche, des manifestations ont été organisées dans plusieurs villes du pays pour dénoncer les "attaques terroristes".

Quelques centaines de militants ultranationalistes, membres de l'organisation de jeunesse des Loups gris, ont défilé dans le centre d'Istanbul pour exiger une offensive contre le PKK. "Nous allons attaquer le Parlement et pendre tous les terroristes", hurlaient certains d'entre eux, ivres de rage. Selon différents commentateurs politiques interrogés sur les chaînes d'informations, Ankara étudierait la possibilité d'envoyer des troupes à 40 km à l'intérieur des frontières irakiennes pour y établir une "zone tampon".

La Maison Blanche a "fermement" condamné les nouvelles attaques du PKK. La Turquie demande, depuis des mois, à Washington d'intervenir pour démanteler les camps des rebelles kurdes en Irak. Mais M. Gates a précisé dimanche qu'il était "essentiel de collecter des renseignements qui nous permettent de trouver ces gens". Ces derniers jours, le secrétaire américain à la défense avait évoqué une possible opération conjointe des Etats-Unis avec les forces irakiennes.

Le président irakien, Jalal Talabani, a exhorté les rebelles du PKK à "déposer les armes ou à quitter le territoire irakien", au cours d'une conférence de presse commune avec le président kurde, Massoud Barzani. Mais ce dernier a mis en garde la Turquie contre toute tentation va-t-en-guerre : "Nous nous défendrons face à toute agression si la région kurde est visée", a-t-il assuré.