Bombardements turcs en Syrie : 100 000 personnes en fuite, les kurdes résistent

mis à jour le Samedi 12 octobre 2019 à 01h02

L'Express Actu | le 12/10/2019

Au moins 41 combattants kurdes ont déjà été tués dans l'assaut turc en Syrie depuis mercredi, dont 17 civils, a déclaré l'Observatoire syrien des droits de l'Homme.

Les combattants kurdes résistent. Ce vendredi, les forces turques et leurs alliés envoyés par Recep Tayyip Erdogan tentent de progresser dans le nord de la Syrie, mais font face à une farouche résistance, au troisième jour de l'offensive ayant provoqué la fuite de 100 000 civils, selon l'ONU.

L'offensive, lancée mercredi, a suscité un tollé international, plusieurs pays, notamment européens, s'inquiétant du sort des civils mais aussi des nombreux djihadistes détenus par les forces kurdes, qui contrôlent de vastes régions dans le Nord syrien, et qui pourraient s'enfuir. Selon un dernier bilan de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), 41 combattants kurdes et 17 civils ont été tués dans l'assaut depuis mercredi. Ankara a annoncé la mort d'un de ses soldats dans les combats et de huit civils, dont un bébé et une fillette, dans la chute de roquettes kurdes tirées sur des villes frontalières en Turquie.

De violents combats continuent d'opposer les Forces démocratiques syriennes (FDS) aux troupes turques et leurs supplétifs syriens, a ajouté l'OSDH. Les affrontements se concentrent dans une bande de 120 kilomètres, le long de la frontière syro-turque. "Il y a d'intenses combats (...) sur plusieurs fronts, principalement de Tal Abyad à Ras al-Aïn", villes frontalières, d'après la même source.

Les FDS, qui utilisent des tunnels et des tranchées pour se défendre, luttent pour freiner l'avancée des forces turques, qui ont pris le contrôle jeudi de 11 villages, dont deux ont été depuis repris par les forces kurdes, a poursuivi l'ONG syrienne. Les forces turques et leurs alliés ont recours à des frappes aériennes, à l'artillerie lourde et à des tirs de roquettes, selon l'OSDH.

Les villes de Tal Abyad et Ras al-Aïn, presque entièrement désertées par leurs habitants, sont les plus touchées, selon un centre de presse affilié aux autorités kurdes locales. Certaines tribus arabes ont rejoint les rangs des forces turques et mené des attaques à l'intérieur des lignes kurdes en activant des cellules dormantes, selon la même source.

L'ONU estime que 70 000 personnes ont fui les combats en direction de l'est, vers la ville syrienne de Hassaké, une ville épargnée par les combats. "Que veut de nous Erdogan? [...] C'est juste parce que nous sommes kurdes ?", demande une femme qui a trouvé refuge avec sa famille dans une école de Hassaké. Médecins sans frontières (MSF) a indiqué avoir été contraint de fermer un hôpital que l'ONG soutenait à Tal Abyad. Les bombardements ont obligé à fuir les patients et les membres du personnel soignant, selon MSF.

D'autres ONG ont mis en garde contre un nouveau désastre humanitaire en Syrie, où la guerre implique depuis 2011 plusieurs grandes puissances régionales et internationales.

D'après les médias turcs, Ankara souhaite prendre le contrôle de la bande entre Ras al-Aïn et Tal Abyad afin d'éloigner de la frontière la principale milice kurde syrienne, les Unités de protection du peuple (YPG), épine dorsale des FDS et principal acteur de la défaite du groupe État islamique (EI). La Turquie espère via cette offensive créer une "zone de sécurité" où pourront être installés une partie des 3,6 millions de réfugiés syriens vivant sur son sol.

En réponse aux critiques européennes contre l'offensive, le président turc Recep Tayyip Erdogan a d'ailleurs menacé d'envoyer en Europe des millions de réfugiés syriens accueillis par son pays. "Nous n'accepterons jamais que les réfugiés soient utilisés comme arme et pour nous faire chanter", lui a rétorqué ce vendredi le président du Conseil européen Donald Tusk.

Le feu vert donné de facto par les États-Unis à l'opération turque - en annonçant le retrait de soldats américains stationnés côté syrien de la frontière - a été perçu comme une trahison par les forces kurdes, jusqu'alors alliées de la coalition internationale anti-djihadistes menée par Washington. Les États-Unis tentent cependant d'arranger un cessez-le-feu. Ce vendredi, le chef du Pentagone Mark Esper a mis en garde la Turquie contre de "graves conséquences" si elle n'interrompait pas son assaut. Mais il a aussi dit que les Turcs ne montraient aucun signe en vue d'un arrêt de leur offensive alors que le chef d'état-major de l'armée américaine Mark Milley estimait de son côté que l'offensive turque était "relativement limitée".

À New York, les cinq pays européens siégeant au Conseil de sécurité de l'ONU (Paris, Berlin, Bruxelles, Londres, Varsovie) ont exigé l'arrêt de l'offensive. La France a déclaré que les Européens examineraient "la semaine prochaine" la possibilité de sanctions contre Ankara.

Le président russe Vladimir Poutine, dont le pays est allié au régime syrien, a dit craindre que l'offensive ne provoque une résurgence de Daech vaincu en mars dernier en Syrie par les FDS avec l'aide de la coalition internationale. La guerre complexe en Syrie, où interviennent de nombreux acteurs régionaux et internationaux, a fait plus de 370 000 morts depuis 2011.