Avoir 20 ans… en Irak

mis à jour le Mardi 26 mai 2009 à 13h48

Telerama.fr | Thierry Leclère

LE FIL IDéES - Pour la deuxième fois, l’ONG Alterdoc organise un atelier de cinéma documentaire au kurdistan irakien. Le but ? Initier 23 jeunes stagiaires, déjà sensibilisés aux métiers de la télévision, aux techniques du cinéma du réel. Fil rouge de cette session : 20 ans est-il le plus bel âge de la vie ? Un blog suit leur progression. Ce samedi, on visionne les rushes…

Monter un atelier de cinéma documentaire en Irak ? Vu de Paris, l’expérience paraît plutôt osée, même en s’installant au Kurdistan, région du nord nettement plus calme que Bagdad. Après une première expérience réussie en février-mars 2008 à Souleimaniye, deuxième ville de la région et principal fief du président irakien Jalal Talabani, l’équipe d’Alterdoc, une ONG française, poursuit pourtant l’aventure avec un atelier en cours de réalisation.

Depuis fin novembre, le blog de cette session, baptisée DoKu 2 – comme Documentaire au Kurdistan d’Irak –, permet de suivre, jour après jour, les joies et les galères (problèmes d’autorisations, ennuis avec la police, problèmes techniques…) des 23 stagiaires sur le terrain. Tous, hommes et femmes, avaient déjà une petite expérience, puisqu’ils ont été recrutés au sein de différentes télés du Kurdistan. Mais beaucoup découvrent à cette occasion l’art d’écrire un documentaire, de raconter une histoire, avec un point de vue, en sortant des codes du journal télévisé.

20 ans est-il le plus bel âge de la vie ? Les jeunes Irakiens interrogés sur cette question, qui sert de fil rouge au stage, ne sont pas loin de rejoindre Paul Nizan lorsqu’il écrivait dans son roman Aden Arabie : « J’avais 20 ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. »

« Quand tu as 20 ans, tu n’es pas libre, dit l’un. Tu es obligé de te marier pour être avec une fille. Comme si tu avais 50 ans… »
Samedi dernier, premiers encouragements et/ou premières déceptions avec la projection des « ours » – les montages bout à bout – des films en construction. Dans quelques jours, les stagiaires boucleront leurs films de 15 à 20 minutes. Dans J’existe, l’un des doc en finition, on suit deux jeunes hommes de Souleimaniye, Ahmed et Zmnako, deux garçons joyeux et ambitieux qui achètent et vendent du matériel informatique. Pierre raconte les rêves brisés de Sartchel, un jeune qui travaille dans une carrière de pierre, près de Souleimaniye. Le sourire de Puschen montre comment Khanda, une jeune institutrice, bouleverse la vie de Puschen, un petit village des montagnes kurdes. Avec son mari, Pshwan, également instituteur, cette jeune femme fait de l’alphabétisation et bouscule les traditions. Dans Roukhsar, on suit l’histoire de Loukman, une adolescente de 17 ans, exilée du Kurdistan iranien, qui vit dans un camp de réfugiés près de Souleimaniye.

Cet atelier de cinéma documentaire, qui bénéficie de l’appui de l'Institut kurdo-français de Souleimaniye et de différents soutiens en France, comme l'université de Provence, est encadré par le réalisateur Baudouin Koenig, qui sillonne la région depuis une vingtaine d’années (il a réalisé notamment, pour Arte, Du Golfe au Kurdistan, des hommes abandonnés de Dieu). Baudouin Koenig, qui, en ardent défenseur du cinéma du réel, veut faire du documentaire « un outil de démocratie », et de ce stage une étape, aussi modeste soit-elle, dans la constitution de la mémoire de ce pays.

Baudouin Koenig qui a eu l’idée de cet atelier avec une autre réalisatrice vivant en France, Fulvia Alberti (auteur de Mgr Rabban, évêque en Irak, pour France2 , et La télé des Kurdes d'Irak pour Arte ) connaît les difficultés de démarrage de ce genre de stage (« au début, les stagiaires ont l’impression qu’ils savent tout. Il faut les envoyer tourner pour qu’ils se plantent… et pour discuter ensuite, à partir de cas concrets »), mais il est revenu enthousiasmé par sa première expérience (http://atelier-kurdistan.le-blog.info/categorie-58614.html).
Dans quelques jours, quand le stage sera terminé, on lui demandera de faire le bilan de cette deuxième aventure.

En attendant, vous pouvez visionner quelques-uns des films réalisés lors de la première session, en février-mars 2008 :

DaBa, la ville des Bidons, de Marywan Rauf.

La vie quotidienne des laissés pour compte, à Souleimaniye, qui recyclent des bidons pour vendre de l’essence à la sauvette.

La Prison rouge, d’Ismaeel Omar Ali



La « prison rouge » est l'endroit dans lequel les opposants au régime de Saddam Hussein étaient enfermés et torturés. Un homme revient sur les lieux pour livrer son témoignage.

Rojgar, de Salar Fatah

L'histoire d'une fillette déchirée entre la famille de sa mère et son père, qui n'arrive pas à trouver du travail.

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