Ankara indignée après un vote du Congrès américain sur le génocide arménien

avec Reuters et AFP, 11 octobre 2007

La commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants états-unienne a approuvé, mercredi 10 octobre, par vingt-sept voix contre vingt et une, une résolution qualifiant de génocide les massacres d'Arméniens par les Turcs en 1915. La résolution va désormais être présentée devant la Chambre des représentants en séance plénière, où, selon les dirigeants démocrates, un vote aura lieu d'ici à la mi-novembre. Une résolution similaire, et purement symbolique, circule au Sénat.
La Maison Blanche avait averti, avant le vote, qu'une telle résolution ferait un "grand tort" aux relations avec la Turquie, important allié de Washington au sein de l'OTAN. Ankara rejette la position arménienne, soutenue par de nombreux historiens occidentaux, selon lesquels 1,5 million d'Arméniens ont été massacrés durant la première guerre mondiale.

Dès que le résultat du scrutin a été connu, le gouvernement américain a exhorté son allié turc à ne pas exercer de représailles. Le sous-secrétaire d'Etat Nicholas Burns a déclaré que l'administration Bush était "très déçue" par ce vote, qui survient à un moment délicat dans les relations turco-américaines.

"INACCEPTABLE"

Ankara a néanmoins confirmé que son gouvernement envisageait de solliciter l'autorisation du Parlement d'effectuer une incursion militaire dans le nord de l'Irak pour y attaquer des bases de la rébellion séparatiste kurde. Washington s'y oppose par crainte de voir la région – à dominante kurde – déstabilisée.

Le président turc, Abdullah Gül, a jugé le texte "inacceptable" et accusé des hommes politiques à Washington d'avoir sacrifié de graves problèmes à "leurs petites manœuvres".

"Nous espérons beaucoup que cette déception se limitera à des déclarations et ne comprendra rien de concret qui altérerait la très bonne manière que nous avons de travailler avec la Turquie depuis des années", a déclaré Nicholas Burns. "Nous devons continuer à pouvoir travailler ensemble de manière efficace", a insisté le sous-secrétaire d'Etat.

Huit anciens secrétaires d'Etat avaient écrit à la présidente de la Chambre des représentants, la démocrate Nancy Pelosi, favorable à la résolution, pour s'opposer au texte en brandissant un risque de mise en danger de la sécurité nationale américaine.

La Turquie, qui fait partie de l'OTAN, est un précieux allié des Américains. Le gros des troupes américaines en Irak transite par la base aérienne d'Incirlik. Nicholas Burns a indiqué que la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice prévoyait de téléphoner, jeudi, à son homologue turc. "Nous insisterons manifestement auprès des dirigeants turcs sur notre profonde déception et le fait que nous nous sommes opposés à cette résolution et que l'administration a travaillé très dur pour aboutir à un autre vote", a-t-il dit.

Avant le vote, le président George Bush avait déclaré à des journalistes que cette résolution n'était pas "la bonne réponse à ces tueries massives et historiques". Selon Burns, le gouvernement américain estime qu'il y a de meilleurs moyens de traiter une question aussi délicate et relève que la Turquie a offert d'ouvrir les archives de l'Empire ottoman, ainsi que de former des commissions conjointes d'historiens avec le gouvernement arménien. "Nous sommes convaincus que c'est une manière meilleure et plus productive d'avancer", a-t-il dit.