Ainkawa, une ville d’Irak où l’on célèbre Pâques

De nombreux chrétiens ont trouvé refuge au Kurdistan irakien, dans la ville sanctuaire d’Ainkawa. Pris au piège par la guerre, les jeunes Chaldéens disent leurs craintes et leurs espoirs. 
AINKAWA

© Crédit photo | CHORALE Savio, au piano, répète avec le chœur de jeunes pour la messe de Pâques. Etre chrétien en terre musulmane ne semble pas leur poser problème, même si beaucoup aimeraient partir à l’étranger.

ÉGLISE CHALDÉENNE DE SAINT-GEORGES, AINKAWA, LE 4 AVRIL 2007 | OLIVIER VOGELSANG

Fusil en bandou lière, il barre l’accès à l’église Saint-Joseph. «Je peux vous aider?» Pure politesse. Pas question d’entrer. La messe n’est pas terminée. A quelques pas de là, l’accueil est heureusement plus décontracté dans l’enceinte de l’église Saint-Georges. Passée la guérite du service de sécurité, on entend une chorale répéter les chants de Pâques. Accompagnés au piano électrique et à la guitare. Ce sont les jeunes de la paroisse.

Bienvenue à Ainkawa, ville chrétienne à seulement 10 km d’Erbil, la capitale de l’Etat régional du Kurdistan irakien. Ici, c’est un monde à part. Dans les rues, de jeunes femmes vaquent à leurs occupations, les unes habillées à l’occidentale, les autres portant un léger voile coloré. Ne leur demandez pas si elles sont Kurdes ou Arabes! Neuf habitants sur dix sont Chaldéens. Une minorité ethnique de langue assyrienne et de confession catholique. Ils reconnaissent en effet l’autorité du pape à Rome.

Etre chrétienne en cette terre musulmane? Ce n’est vraiment pas un problème, assure Dilan, 23 ans. Comme ses camarades, la jeune femme porte une simple blouse et un jeans. Elle se dit parfaitement intégrée. Sa formation d’économiste à l’Université d’Erbil à peine terminée, la voilà déjà engagée au ministère régional de l’Economie. Bien sûr, elle se verrait bien poursuivre ses études à l’étranger. En Europe. Mais c’est pour mieux revenir au pays, assure-t-elle. Au pays? Mais lequel? L’Irak ou un Etat kurde indépendant? «Je me sens Irakienne, pas Kurde. Je ne veux pas que la région se sépare.»

Soit. Il reste que Dilan ne s’aventure jamais hors du Kurdistan. Certainement pas à Mossoul, une ville peuplée d’Arabes sunnites à seulement 100 km à l’ouest d’Erbil. Mais pas non plus à Kirkouk, aussi à 100 km mais vers le sud, centre économique où vivent Kurdes, Turkmènes et Arabes.

Beaucoup aimeraient partir à l’étranger

Savio, 21 ans, y a vécu une grande partie de son enfance. Pourtant il n’y retourne jamais. «Là-bas, les gens vivent dans la peur. Ils n’osent pas s’avouer chrétiens. Comme à Bagdad», explique le jeune pianiste, qui se demande s’il parviendra à vivre de sa musique dans les frontières étriquées de son Kurdistan natal.

«Des réfugiés chrétiens, il en arrive chaque semaine. Une simple étape. Beaucoup voudraient partir à l’étranger. Ici tout le monde connaît quelqu’un qui héberge un déplacé», enchaîne Rebwar, 26 ans. Interprète de formation, il parle l’assyrien bien sûr, mais aussi le kurde, l’arabe, l’anglais et même le français. Il travaille pour les troupes coréennes de la coalition américaine, postées près de l’aéroport d’Erbil. Un bon job, dit-il. Seulement voilà, maintenant il est grillé partout ailleurs en Irak. Il a travaillé avec «l’ennemi».

L’avenir attendra. L’urgence est ailleurs. La chorale doit être prête pour la messe de Pâques. L’église sera bondée. Dilan, Savio et Rebwar rejoignent leurs camarades. La répétition reprend. Les chants de paix emplissent la salle. Ils résonnent dans la cour. Puis se perdent dans les rues d’Ainkawa.