« Je refuse une Union, club de l’Occident chrétien »


23 mars 2007

Feleknas Uca, membre d’origine turque du comité directeur du Linkspartei allemand et de l’eurogroupe GUE-GVN.

Rarement dans l’histoire de l’Union européenne, un sujet a mobilisé les gouvernements et les peuples comme la possible admission de la Turquie au sein de l’Union. Pour nous aussi, en tant que gauche européenne, la question de l’entrée de la Turquie a constitué un thème difficile et controversée. Le groupe parlementaire GUE-GVN s’est prononcé à une large majorité pour l’admission de négociations d’adhésion.

Je suis résolument contre une conception de l’Union européenne, club de l’Occident chrétien. L’Europe que je défends est basée sur des valeurs démocratiques, sociales et écologiques, place le bien-être des hommes au centre de sa politique et fonde ses actes sur des droits de l’homme indivisibles, sur la paix et la solidarité. La question de savoir si la Turquie doit entrer dans l’Union européenne ou non s’évalue à la façon dont elle partage ces critères. Depuis l’ouverture des négociations d’adhésion, la Turquie a mis en place de très importantes réformes. Il n’en subsiste pas moins de très graves problèmes en ce qui concerne les droits de l’homme et ceux des minorités. Irrésolue, la question kurde se pose comme un des problèmes les plus urgents. La liberté d’opinion et de la presse et le contrôle civil et parlementaire de l’armée ne sont pas appliqués dans la réalité. La torture dans les prisons continue à être à l’ordre du jour. La situation sociale et économique dans le pays est dramatique. Il est sans équivoque que la Turquie ne peut pas devenir membre de l’Union européenne si elle ne change pas sa politique en profondeur et si elle ne satisfait pas aux critères de Copenhague.

Malgré tout, nous devons résister aux préjugés religieux, culturels ou racistes. Nous ne devons pas accepter que les ressentiments à l’égard de l’entrée de la Turquie dans l’UE. Il faut avant tout faire en sorte qu’il n’y ait pas de recul des progrès démocratiques. Il faut poser des exigences quantifiables et définies. Cela implique de laisser des observateurs indépendants contrôler ce processus. Nous avons besoin de négociations honnêtes reconnaissant pleinement la capacité de la Turquie à intégrer l’UE.

Et il faut sans doute, avant tout, que la propension de l’UE à s’ouvrir à d’autres cultures, d’autres traditions soit la plus forte, que l’Europe accorde les mêmes droits à ses nouveaux membres. Cela signifie que l’UE se mette elle-même à la hauteur des défis de l’intégration, qu’elle en fasse un grand projet social et solidaire dans un monde qui se transforme, et donc qu’enfin elle mette en oeuvre rapidement les indispensables réformes démocratiques de ses propres institutions.