Général Abdi : « Il faut une zone d’exclusion aérienne »

mis à jour le Samedi 12 octobre 2019 à 00h41

Le Figaro | Par Georges Malbrunot | le 12/10/2019

LE GÉNÉRAL Mazloum Abdi est le commandant des Forces démocratiques syriennes, l’alliance kurdo-arabe, alliée des Occidentaux contre Daech, cible depuis lundi de l’offensive turque contre le Nord-Est syrien.

LE FIGARO.- Quelle est la situation dans le Nord-Est syrien, en particulier dans les villes de Tall Abyad et de Ras al-Aïn ?

Général Mazloum ABDI.- Cela fait plus de trois jours que la Turquie et ses alliés attaquent ces villes en essayant de les assiéger. Les Turcs sont aidés par des extrémistes racistes, les groupes islamistes qui ont combattu avant avec Daech et al-Nosra (l’ex-branche syrienne d’al-Qaida, NDLR) et vous ont également attaqués, vous autres Français, dans le passé. Les Turcs soutiennent leur avancée au sol par des frappes aériennes et des tirs d’artillerie, mais ils ne peuvent pas avancer. Sur la frontière, Tall Abyad et Ras al-Aïn ne sont pas assiégées, mais elles sont sous le contrôle turc en raison de ces frappes. À cause de ces bombardements intensifs, nous avons perdu beaucoup de civils, et nous comptons également des pertes parmi les combattants. La Turquie a bombardé d’autres villes : Qamishlo, Amoudé, Aïn Issa, Kobané, Derick. En fait, toute la zone kurde est visée. La Turquie cherche à éliminer les Kurdes, à effacer toute présence kurde à leur frontière, et tous ceux qui collaborent avec nous.

Êtes-vous prêts à accepter la médiation américaine, après l’offre faite par Donald Trump ?

Nous acceptons la proposition américaine de jouer un rôle entre nous et les Turcs. Nous demandons aux Américains d’arrêter cette guerre qui nous est livrée par la Turquie.

Vous sentez-vous trahis par les États-Unis ?

Si la guerre n’est pas arrêtée, nous nous sentirons trahis par les États-Unis. À l’heure actuelle, nous sommes déçus. À nos yeux, la crédibilité des Américains s’est détériorée.

Où en êtes-vous de vos contacts avec le pouvoir syrien ? Appelez-vous Damas à venir à votre secours ?

Nous avons des contacts avec tout le monde. Si les Américains ne parviennent pas à faire cesser cette guerre, nous serons contraints de chercher des alternatives. Mais le régime syrien manœuvre quand leur ministre des Affaires étrangères dit qu’il ne veut pas discuter avec nous. Damas agit ainsi pour nous faire souffrir, mais nous sommes toujours en contact avec lui.

Qu’attendez-vous de l’Europe et de la France en particulier ?

Nous attendons que l’Europe, et donc la France, impose une zone d’exclusion aérienne sur notre région du nord-est de la Syrie. Si les Turcs continuent de pouvoir nous attaquer depuis l’espace aérien, nos femmes et nos enfants seront tués par les frappes turques. Nous serons massacrés dans une guerre qui va durer longtemps et sera très dure.

La France est inquiète pour la sécurité des centres où vous détenez des djihadistes étrangers. Allez-vous continuer de sécuriser ces prisons ?

La protection des prisons où sont détenus les djihadistes étrangers n’est plus notre priorité. Notre première priorité maintenant est de défendre notre peuple. Jusqu’à maintenant, il n’y a pas de problèmes avec ces centres de détention. Mais si la guerre se durcissait, je ne peux pas vous dire ce qui se produirait dans les prisons. Ces derniers jours, nous avons assisté à un début d’émeutes dans certains centres de détention de djihadistes. Jeudi, l’aviation turque a frappé le camp de Mabrouka, près de Seykan, qui abrite des familles de djihadistes et des civils. Cela a provoqué la fuite de djihadistes et leurs familles.

Demandez-vous à la France de faire comme les États-Unis, d’exfiltrer les plus dangereux de ses djihadistes ?

Comme je vous ai dit, la sécurité des djihadistes en prison n’est pas notre priorité. Nous n’avons pas le temps de s’occuper de ce sujet. Pour nous, ce dossier est gelé.

Au sein des Forces démocratiques syriennes que vous dirigez, les Arabes se battent-ils contre la Turquie et les rebelles syriens ?

Ce n’est pas exact de dire que la composante arabe des FDS ne se bat pas avec nous. Des brigades de Raqqa et de Deir Ez-zor sont venues nous prêter main-forte, toutes les composantes des FDS combattent l’agression turque.