Monsieur Macron, la France doit sauver nos alliés kurdes !

mis à jour le Mardi 8 octobre 2019 à 18h59

Lefigaro.fr | Par HUGUES DEWAVRIN

FIGAROVOX/TRIBUNE - Les États-Unis trahissent les femmes et les hommes qui ont permis de vaincre l’État islamique en Syrie. Cependant pareille honte peut encore être évitée, juge le président de la Guilde européenne du Raid.

Ce dimanche soir, Donald Trump s’est entretenu avec Recep Tayyip Erdogan le président turc.

En ce funeste 6 octobre, il ne s’agissait pas d’une énième partie de poker menteur politico-commercial qui enflamme le cynisme du président américain, non, bien au contraire, en contradiction avec tous les engagements pris par son Administration, le locataire de la Maison-Blanche annonçait au monde, officiellement, avec précision, qu’il lâchait ses alliés, nos alliés, les Kurdes, épine dorsale de la Fédération démocratique syrienne, ceux qui se sont battus au sol contre l’État islamique en envoyant à la mort des milliers de jeunes gens.

Je cite le communiqué officiel de la Maison-Blanche « les forces américaines ne seront plus à proximité ». Un bel euphémisme. Traduire: on plie bagage. Débrouillez-vous. La voie est ouverte. Les chars d’Edogan massés derrière ce mur long de 500 kilomètres vont pouvoir pénétrer au Rojava. M. Trump aura bientôt du sang sur les mains.

Ou sont donc passés les États-Unis, la patrie des boys qui sont venus mourir sur les plages normandes pour nous délivrer ? Cette Amérique que nous admirions, aimions avec passion ? Cette Amérique n’est plus. C’est une tragédie. Nous allons, nous devons, désormais faire sans. Et aussi sans l’Europe encore et toujours aux abonnés éternellement absents.

Recep Tayyip Erdogan a maintenant les mains libres. En difficulté dans son propre pays il va trouver dans cette invasion meurtrière, autorisée par l’ex-gendarme du monde, une belle occasion de renouer avec une opinion publique qui lui échappait. Donald Trump lâche ses alliés et prolonge la vie politique d’un dictateur. Une incroyable infamie.

Quelques Français dont je m’honore de faire partie ont fait le voyage de Qamishlo, de Kobané, de Raqqa. Nous avons vu ces tombes alignées à l’infini, étrangement semblables à celles du cimetière américain de Colleville-sur-Mer. Chacun d’entre nous, ému aux larmes, s’est juré que le sacrifice de ces très jeunes femmes et hommes ne pouvait souffrir d’aucune amnésie. Cette trahison nous est insupportable. Comme, sans doute, pour l’immense majorité de nos compatriotes qui n’ont pas oublié les exactions de Daech sur notre sol.

Reste donc la France, notre pays. Désormais seule. Et notre président qui depuis le premier jour a fait preuve d’un courage politique exemplaire en envoyant nos forces spéciales sur le terrain afin de sanctuariser le nord-est de la Syrie, en recevant, officiellement, les délégations des FDS, en assumant tous les risques diplomatiques avec panache.

Une délégation de nos amis kurdes est attendue dans les heures qui viennent à Paris. Elle va encore une fois frapper à la porte du président de la république. À notre porte. À celle de la France des Lumières, de la liberté.

Emmanuel Macron a rendez-vous avec l’histoire. La grande histoire, celle qui engage l’avenir des peuples. Que peut-il faire ? Les recevoir bien sûr, mais surtout exiger, en urgence, la convocation du Conseil de sécurité des Nations unies. Le seul organe à ce jour en capacité de mettre un point d’arrêt à l’imminence de cette invasion.

Il y a un an tout juste, j’ai serré dans mes bras un jeune combattant kurde dans un village à côté de Kobané. Il avait perdu ses mains et l’audition dans les combats. Une bombe était tombée à ses pieds. Ses frères l’avaient ramené du champ de bataille comme mort. Il a survécu.

Nous nous sommes parlé par signes. J’ai réussi à lui faire comprendre que j’étais français. Ses yeux se sont mis à briller avec une incroyable intensité.

Ce jeune homme, je voudrais pouvoir à nouveau le regarder droit dans les yeux avec fierté.

Ne détournons pas le regard. Sauvons les Kurdes.

* La Guilde européenne du Raid, organisation non gouvernementale créée en 1967, est reconnue d’utilité publique. Dans son comité d’honneur ont siégé Hergé, Henry de Monfreid, Pierre Guillaume et Pierre Schoendoerffer. Parmi ses membres actuels figurent, entre autres éminentes personnalités, l’acteur, réalisateur et producteur Jacques Perrin.

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