«L’Institut kurde a besoin d'un rétablissement des subventions»

mis à jour le Lundi 13 octobre 2014 à 16h06

Liberation.fr

QUESTIONS À KENDAL NEZAN *

Jamais l’enjeu kurde n'aura été aussi évident au Moyen-Orient mais Paris est en train de se priver d'un fondamental relais d'influence en laissant dépérir l'Institut kurde. D’où l’alarme de son président, Kendal Nezan.

«L’Institut kurde a besoin d'un rétablissement des subventions»

Jamais l’enjeu kurde n'aura été aussi évident au Moyen-Orient mais Paris est en train de se priver d'un fondamental relais d'influence en laissant dépérir l'Institut kurde. D’où l’alarme de son président, Kendal Nezan.

• Que représente l'Institut kurde?
Depuis maintenant trente-deux ans, cet institut, le premier du genre, a été la voix de ce peuple de 30 millions de personnes toujours privé d'un Etat propre. C'est la plus ancienne institution kurde en Europe. Il a été créé en février 1983 par volonté de François Mitterrand, avec le soutien actif de Jack Lang et Régis Debray. Le Quai d'Orsay estimait alors que les relations de la France avec l'Irak et la Turquie étaient suffisamment solides pour que la diplomatie tricolore puisse se permettre ce supplément d'âme. En 1993, le gouvernement de Lionel Jospin lui a octroyé le statut de fondation reconnue d'utilité publique, en raison notamment de sa contribution à l'intégration des Kurdes en France. Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, ces subventions ont été supprimées. Nous essayons depuis deux ans qu’elles soient rétablies car les seuls dons et contributions privés ne suffisent pas à nous permettre de continuer nos activités

• Quelles sont -elles?
Il y a l'aide à la recherche sur le monde kurde avec la plus importante bibliothèque d’Occident sur le sujet, en bonne partie déjà numérisée. Depuis le début, nous sommes engagés pour la défense des droits culturels et politiques des Kurdes et sommes sur le sujet les interlocuteurs des principales ONG de défense des droits de l'homme. Non partisan, l'Institut est ouvert à toutes les composantes politiques, culturelles et artistiques du monde kurde. C'est ce qui permet notre indépendance. Nous sommes aussi engagés depuis le début pour favoriser dans les pays respectifs un dialogue pour une solution politique de la question kurde et nous avons été ainsi à l'initiative du premier dialogue en 1995 entre militants kurdes et autorités turques avec le soutien du gouvernement norvégien. Nous menons aussi une activité de formation et avons déjà accueilli plus de 4500 boursiers en France, dont 44 % de femmes devenues depuis députées, ambassadeures, universitaires dans leurs pays respectifs.

• Qu'attendez-vous des autorités françaises?
La situation est absurde car l'importance du facteur kurde est toujours plus évidente dans la donne régionale. La France, grâce à ses engagements, mais aussi grâce notre institut, bénéficie d'un grand prestige parmi les Kurdes. L’ancien ministre des affaires étrangères Hubert Védrine, qui est un ami de l'institut, s'inquiète comme beaucoup d'autres que la logique comptable puisse primer sur la vision politique.

Recueilli par MARC SEMO
PHOTO FRÉDÉRIQUE LE BRUN