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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 69

23/7/1997

  1. LA NOUVELLE COALITION DIRIGÉE PAR M. YILMAZ OBTIENT LE VOTE DE CONFIANCE DU PARLEMENT
  2. L'ANCIEN MAIRE DE DIYARBAKIR MEHDI ZANA CONDAMNÉ À 10 MOIS DE PRISON
  3. UNE COMMISSION SUR "LA MIGRATION" DU SUD-EST CRÉÉE PAR LE PARLEMENT TURC
  4. UNE DÉLÉGATION DE PLUSIEURS ORGANISATIONS DE DÉFENSE DE LA LIBERTÉ DE LA PRESSE REÇUE PAR LES DIRIGEANTS TURCS


LA NOUVELLE COALITION DIRIGÉE PAR M. YILMAZ OBTIENT LE VOTE DE CONFIANCE DU PARLEMENT


La coalition dirigée par Mesut Yilmaz a obtenu le vote de confiance, samedi 12 juillet, par 281 voix contre 256 avec 2 abstentions sur un ensemble de 550 voix. Cette cession de vote a à plusieurs reprises été reportée en raison des échauffourées à coups de poings entre les députés déclenchées lorsqu'un député de la majorité a traité son collègue islamiste de "maquereau"; un certain nombre de députés ont tiré leurs pistolets sans toutefois faire feu. D'entrée de jeu, le Premier ministre s'est attelé à l'application des mesures exigées par l'armée, qui a forcé à la démission l'ancien Premier ministre Erbakan et a permis à M. Yilmaz de prendre les rênes du pouvoir. Parmi les toutes premières mesures à prendre: une épuration dans l'administration envers les islamistes accusés de noyautage. La deuxième mesure concerne l'éducation dans les écoles religieuses "Imam Hatip" et exigée elle aussi par l'armée a été approuvée, mardi 22 juillet, par les différents partis de la coalition; celle-ci permettra la fermeture de centaines d'écoles religieuses. Cette mesure a été qualifiée par l'ancien Premier ministre Erbakan d'"exemple de fascisme pro-laïc". Selon lui, le nouveau gouvernement conduit le pays vers "le chaos et la confusion".

Par ailleurs, un tribunal militaire turc a ouvert une enquête sur les allégations d'une éventuelle collaboration de l'ancien vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères Mme. Çiller avec la CIA. Cette enquête a été ordonnée après des allégations faites par le dirigeant du petit parti ouvrier turc, Dogu Perincek, connu pour ses liens étroits avec l'armée. Celui-ci a affirmé être en possession de documents démontrant que Mme. Çiller travaillait comme un agent de la CIA sous le nom de code "la rose d'Istanbul" contre un salaire annuel de $100 000. Mme. Çiller avait dans le passé fait l'objet de plusieurs enquêtes parlementaires pour des affaires de corruption. En formant une coalition gouvernementale avec les islamistes, elle avait pu échapper à la justice. L'actuel Premier ministre et rival de toujours de Mme. Çiller semble décidé à la faire condamner. De son côté, l'armée très mécontente d'une tentative d'espionnage de l'état-major organisée par l'ancien ministre de l'Intérieur, une proche de Mme. Çiller, apparaît désireuse de faire payer celle dont elle s'est pendant longtemps servie comme "mannequin politique".



L'ANCIEN MAIRE DE DIYARBAKIR MEHDI ZANA CONDAMNÉ À 10 MOIS DE PRISON


La Cour de Sûreté de l'État d'Istanbul a condamné, le lundi 14 juillet, M. Mehdi Zana à 10 mois de prison et à une amende de $ 540. L'ancien maire de Diyarbakir et époux de Mme. Zana, a déjà passé plus de 15 ans de prison dans les geôles turques (ces années de prison sont relatées dans son livre préfacé par Elie Weisel :La prison N° 5. édition Arléa). La Cour de Sûreté motive sa sentence par le caractère "séparatiste" d'un livre de poésie écrit par M. Zana, publié par la maison d'édition Belge. L'éditrice du livre, Mme. Aysenur Zarakoglu, a elle aussi été a condamnée à une amende de $ 270. Depuis sa libération en décembre 1995, Mehdi Zana a déjà été condamné à 4,5 ans de prison pour ses écrits. Il vit actuellement en exil en Suède.



UNE COMMISSION SUR "LA MIGRATION" DU SUD-EST CRÉÉE PAR LE PARLEMENT TURC


Les effets dévastateurs de la politique de terre brûlée pratiquée par l'armée turque au Kurdistan turc auparavant dénoncés par le milieu des droits de l'homme et corroborés par les rapports des organisations internationales sont désormais officieusement admis par les autorités. En effet, une Commission parlementaire sur "la migration" va essayer d'établir un bilan en matière de destruction et d'évacuation de villages ainsi que de la politique de déplacements forcés de la population kurde. Dans un premier temps, cette Commission se fixe comme objectif d'étudier les raisons de "migrations internes". Ensuite, les membres de cette Commission se rendront dans les provinces affectées à savoir Hakkari, Van, Diyarbakir et Sirnak, située toutes dans les régions kurdes. Cette Commission est présidée par le député du parti Refah de la ville de Cizre Seyyit Hasim Hasimi et comprenant parmi ses membres l'ancien ministre des droits de l'homme Algan Hacaloglu et ses huit autres membres sont originaires des villes du Sud-Est. "Notre première tâche sera d'évaluer le nombre des migrants établis dans les villes de l'ouest de la Turquie" a déclaré M. Hasimi le 13 juillet. "L'État et le PKK sont à l'origine des évacuations des villages dans les provinces du Sud-Est, cela a causé une migration vers les villes de l'Ouest. Il y a une troisième raison: les villageois ont quitté leurs villages afin de sauver leurs vies. Selon les statistiques du Bureau de l'état-major, datant de 1996, 2614 villages sont évacués. Un certain nombre des personnes dont les villages ont été évacués sont partis pour des pays comme l'Allemagne, la Suède, la Belgique et le Pays-Bas. Nous avons demandé à l'Allemagne de nous fournir des statistiques concernant l'immigration originaire du Sud-Est. En Turquie, les migrants des provinces du Sud-Est sont établis dans les villes méditerranéennes telles que Mersin, Adana, et dans les grandes métropoles comme Istanbul et Ankara." a encore ajouté M. Hasimi. Concernant la politique menée par son parti le Refah dans ce domaine pendant qu'il était au pouvoir, M. Hasimi a avoué que rien n'a été accompli mais que le Premier ministre Necemettin Erbakan "évoquait à chaque réunion du Conseil de sécurité nationale la question du retour volontaire des personnes déplacées dans leurs villages d'origine. Mais nous étions au gouvernement sans avoir le pouvoir, rien ne pouvait se faire concernant ce fléau social".



UNE DÉLÉGATION DE PLUSIEURS ORGANISATIONS DE DÉFENSE DE LA LIBERTÉ DE LA PRESSE REÇUE PAR LES DIRIGEANTS TURCS


Dirigée par le vice président du Comité pour la protection des journalistes, Terry Anderson, cette délégation comprenait Peter Arnet représentant du CNN, Robert Ménard du Reporters sans frontières et Johann Fitz président de l'Institut international de la Presse, basé à Vienne. Elle d'abord tenu à mettre en mains propres le Prix international de liberté de la presse à l'éditeur Yurtçu Isik du journal pro-kurde Özgur Gundem, aujourd'hui interdit, dans sa prison à l'ouest du pays où il purge une peine de prison de 15 ans pour "propagande séparatiste". Ce Prix a été remis au journaliste turc en présence de nombreux journalistes et du romancier Yachar Kemal qui a déclaré que "les démocrates de Turquie ne se sentent pas seuls. On devient nombreux et nos actions deviennent agissantes". "Vous luttez pas seulement pour vous mais pour vos collègues persécutés ici aussi" a déclaré T. Anderson lors de la remise du Prix. La délégation a rencontré dans sa visite de cinq jours le président S. Demirel, le Premier ministre, le vice Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères. Lors de sa rencontre avec M. Yilmaz, M. Anderson lui a indiqué qu'"il y a plus de journalistes emprisonnés en Turquie (au nombre 78) que le total des journalistes emprisonnés en Éthiopie, en Chine, au Koweït et en Birmanie". L'ensemble des dirigeants turcs ont promis d'améliorer la situation dans le domaine de la liberté d'expression. Néanmoins, juste au lendemain de la visite de la délégation, une Cour de Sûreté d'État a condamné Mehdi Zana à 10 mois de prison pour un recueil de poésie !

A la veille de cette visite, la presse américaine avait publié des éditoriaux critiques vis-à-vis du régime turc dont celui percutant du New York Times qui commence ainsi : "La Turquie a la distinction honteuse d'emprisonner plus de journalistes que n'importe quel autre pays du monde"