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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 57

57/5/1997

  1. TROISÈME ANNIVERSAIRE DE L'ARRESTATION DES DÉPUTÉS KURDES.
  2. BRAS DE FER ENTRE L'ARMÉE ET LE PARTI ISLAMISTE
  3. DES KURDES SONT UTILISÉS COMME DES DÉTECTEURS HUMAINS DANS DES OPÉRATIONS DE DÉMINAGE
  4. UNE REVUE DE FEMMES KURDES ROZA POURSUIVIE PAR LA JUSTICE TURQUE
  5. DEUX CHAÎNES DE TÉLÉVISION CONDAMNÉES POUR AVOIR DIFFUSÉ DES RÉVÉLATIONS SUR LE TRAFIC DE DROGUE
  6. LA TURQUIE APPELLE LES ETATS-UNIS À LEVER LES RESTRICTIONS SUR CERTAINS DE SES ACHATS D'ARMEMENTS
  7. ANKARA EXPULSE LE CONSUL D'IRAN À ERZURUM, TÉHÉRAN RIPOSTE
  8. MME. ÇILLER ÉCHAPPE UNE NOUVELLE FOIS À LA COUR SUPRÊME


TROISÈME ANNIVERSAIRE DE L'ARRESTATION DES DÉPUTÉS KURDES.


Il y a 3 ans, le 2 mars 1994, sur injonction du Conseil de sécurité nationale, le Premier ministre de l'époque, Mme. Çiller, avait fait voter en urgence la levée de l'immunité parlmentaire de 8 députés kurdes du Parti de la démocartie et les avait embastillés. Depuis, 4 de ces députés ont été remis en liberté mais Leyla Zana, Hatip Dicle, Orhan Dogan et Selim Sadak, condamnés à 15 ans de prison pour délit d'opinion, sont toujours détenus dans la prison centrale d'Ankara. Pour marquer ce 3ème anniversaire, une manifestation pacifique a eu lieu le 2 mars devant les portes de la prison. Les ex-députés Mahmut Alinak et Sedat Yurttas ont évoqué le sort de leurs cammarades détenus pour avoir lutté pacifiquement en faveur de la justice, de la démocratie et des droits des Kurdes. "Défendre les intérêts des faibles, des opprimés, des couches populaires est un jeu très risqué dans ce pays gouverné par des gangs" a notamment déclaré M. Alinak. "Dans un Etat de droit digne de ce nom, ce n'est pas Leyla Zana et ses amis qui devraient être en prison mais les chefs de gangs Agar (député, ex-ministre de l'Intérieur) et S. Bucak (chef d'une milice privée, député du DYP de Mme. Çiller)" a-t-il ajouté au cours d'une conférence de presse tenue devant la prison. Les manifestants ont déposé de nombreux bouquets de fleurs devant les portes de la prison. Cet anniversaire a également été commémoré dans plusieurs autres villes de Turquie.



BRAS DE FER ENTRE L'ARMÉE ET LE PARTI ISLAMISTE


La crise politique s'aggrave en Turquie où la haute hiérarchie militaire, au cours du Conseil de sécurité nationale (CSN) du 3 mars, a lancé un véritable ultimatum au parti islamiste du Premier ministre Erbakan "afin qu'il se conforme aux principes et réformes d'Ataturk". Cette réunion du CSN présentée comme "la plus critique de l'histoire de la République turque" a duré 9 heures. Auparavant, se faisant le porte-parole des "inquiétudes de l'armée", le président Demirel avait d'abord envoyé à son Premier ministre une longue lettre d'avertissement sur "les atteintes à la laïcité". Puis, il l'avait reçu, le 21 février, pendant 2,5 heures pour lui communiquer un "ultime message de mise en garde". Dans un pays où, en principe, existent un Parlement élu, un gouvernement élu investi de la confiance du Parlement et une Cour constitutionnelle chargée de veiller à la constitutionnalité des lois, l'armée par la voix de son chef d'état-major, le général Karadayi, s'est à nouveau proclamée "gardienne de la Constitution, des réformes d'Ataturk et de l'unité du pays". En visite aux États-Unis, le général Çevik Bir, chef adjoint de l'état-major des armées, avait, le 24 février, fait des déclarations similaires. Ces déclarations n'ont suscité des critiques que dans les rangs du parti islamiste et de l'opposition extraparlementaire. Les partis traditionnels se sont rangés, de gré ou de force, à la conception du président Demirel pour qui "le gouvernement est un organe politique chargé de la gestion, l'État c'est le Conseil de sécurité nationale (dominée par l'armée)".

C'est dans ce contexte de dramatisation et au milieu des rumeurs de coups d'État que le CSN s'est réuni. Dans cette instance de 10 membres où siègent 5 généraux, le président Demirel, Mme. Çiller et ses ministres de l'Intérieur et de la Défense, le Premier ministre Erbakan ne pouvait compter que sur sa propre voix. Mme. Çiller qui avait été reçue par M. Demirel a vite été convaincue de la nécessité de se montrer docile si tant est qu'elle en ait la moindre velléité de critiquer l'armée. Essayant d'expliquer au président turc que "l'armée ne peut pas faire un coup d'État alors que la situation économique s'améliore", elle s'est vue répondre par un Demirel déjà deux fois renversé par les militaires ce conseil paternel "Écoute, ma fille, alors que le taux de croissance de l'économie était de 7% et que l'inflation naviguait autour de 5%, les militaires ont posé devant moi leur ultimatum" (Coup d'État militaire du 12 mars 1971). Dûment avertis, Mme. Çiller et ses deux ministres du DYP ont su se tenir cois au cours de la réunion du CSN où chaque général a longuement pris la parole pour dresser un réquisitoire contre "les manquements à la laïcité" commis par les responsables du parti islamiste du Premier ministre dans la période récente. Le Secrétaire d'État aux services de renseignements (MIT), le Secrétaire d'État aux Affaires étrangères et le super-préfet de la région d'État d'urgence convoqués en qualité d'experts ont présenté des communications sur les conséquences à l'intérieur et à l'extérieur du pays des "menées islamistes". A la suite de cette longue réunion, le CSN a adopté, à l'unanimité moins une voix, celle du Premier ministre, une série de 20 mesures destinées à "la défense de la laïcité et des réformes d'Ataturk". Ces fameuses réformes décidées dans les années 1920-1930 interdisent les confréries et ordres religieux, les titres traditionnels de pacha, bey, efendi, agha et cheikh; instituant le système unique d'enseignement, imposent le port du chapeau, des vêtements et du calendrier occidentaux ainsi que le mariage civil. Si certaines de ces réformes comme le mariage civil, le calendrier, l'alphabet latin, les vêtements occidentaux bénéficient désormais d'un large consensus au sein de la société, d'autres comme le port du chapeau ou l'interdiction d'user de certains titres sont devenus caducs. Enfin, dans un pays où l'enseignement public, de contenu militariste et chauvin et de qualité pédagogique de plus en plus médiocre, pousse nombre de parents à envoyer leurs enfants vers les écoles et universités privées, dans un pays où on compte des dizaines de lycées étrangers et plusieurs universités américaines, "les réformes" invoquées par l'armée visent en fait à interdire la création d'écoles privées musulmanes ou kurdes. Cela alors que c'est le régime militaire de 1980 qui a fortement favorisé la création de centaines de lycées islamiques (Imam hatip) et d'écoles coraniques pour combattre l'emprise des mouvements de gauche et du nationalisme kurde dans la jeunesse. Quant aux "ordres religieux", si la loi turque était appliquée aux États-Unis ou en Europe tous les gourous, les chefs des églises parallèles ou des ordres mystiques déviant de la ligne majoritaire des trois grandes religions monothéistes devraient se retrouver en prison.

L'armée exige également un contrôle strict des fondantions et des média islamistes à qui sera désomrais interdit de recevoir des fonds de l'étranger. De même une loi doit interdire toute tenue islamique dans les écoles et les administrations et des officiers ou sous-officiers exclus de l'armée pour islamisme devraient être interdits d'emploi dans la fonction publique nationale ou municipale.

L'armée a accordé un délai de 2 mois à la coalition gouvernementale pour procéder à des modifications des lois nécessaires à la mise en oeuvre de ses "20 commandements". Voilà donc le parti islamiste le dos au mur. S'il se soumet à l'ultimatum militaire, il se retrouvera en porte-à-faux vis-à-vis de ses électeurs et de ses propres valeurs; on peut s'attendre alors à une dislocation de ce parti avec une aile radicale tentée par la violence et des éléments modérésr rejoignant les autres partis pour tenter de survivre à la tourmente. S'il ne se soumet pas, c'est l'épreuve de force avec l'armée avec le risque d'un coup d'État militaire déclaré conduisant à la dislocation du parti islamiste, à la condamnation de ses dirigeants et à une probable guerre civile à l'algérienne. Autre scénario possible, la rupture de la coalition actuelle par la défection de Mme. Çiller sur l'injonction des militaires. En ce cas, les islamistes qui en ces quelques mois de pouvoir ont eu le temps d'accumuler suffisamment de dossiers sur les affaires de corruption et de mafia impliquant Mme. Çiller et plusieurs de ses ministres n'hésiteront pas à s'en servir. Le thème d'une classe politique corrompue soutenue par une armée et une police corrompues ennemies de l'Islam a jusqu'ici fait des ravages dans nombre de pays.

Après mûre réflexion, les dirigeants du parti islamiste semblent décidés à ne pas se soumettre au diktat de l'armée. Le ministre d'État islamiste Abdullah Gul a déclaré que son gouvernement ne connaissait qu'un seul protocole, celui de la coalition investi de la confiance du Parlement, "Nous sommes les élus du peuple, nous ne soumettons qu'à la volonté du peuple et à aucune autre" a-t-il ajouté. Le secrétaire général du Refah, O. Asilturk, a également écarté toute soumission aux exigences des généraux tandis que le maire islamiste d'Istanbul, T. Erdogan, évoque le risque d'une évolution à l'algérienne. Le Premier ministre Erbakan a jusqu'ici refusé de contresigner le procès verbal de la réunion du CSN et cela malgré "la diplomatie de navette" du général Kiliç, secrétaire du CSN. M. Erbakan a d'abord consulté les leaders de tous les partis représentés au Parlement sur les moyens de surmonter la crise, une façon de mettre chacun devant ses responsabilités.

Les leaders du centre-gauche lui ont demandé de se soumettre ou de se démettre de ses fonctions, prenant ainsi le parti de l'armée. M. Yilmaz, président du parti conservateur ANAP l'a encouragé à provoquer des élections anticipées pour sortir de la crise. Quant à Mme. Çiller, elle a finalement décidé de "poursuivre la coalition" car "la population ne comprendrait pas qu'on poignarde dans le dos son partenaire gouvernemental". Grâce au soutien de ses députés, une motion de censure présentée par l'opposition a été rejetée le 4 mars. Fort de la confiance renouvelée du Parlement, M. Erbakan a déclaré qu'il ignorerait "les recommendations du CSN" et que "Nous avons un régime constitutionnel où la souveraineté appartient sans restriction ni condition au peuple et où le Parlement incarne la volonté du peuple. On ne peut pas transiger sur ce principe fondamental de la démocratie. En Turquie, les gouvernements sont formés au Parlement pas au CSN. C'est le Parlement qui fait les lois, pas le CSN. Le CSN ne petu enjoindre le Parlement ou le gouvernement de faire telle ou telle loi. Le CSN exprime ses vues, formule des recommendations sur les sujets concernant la sécurité nationale. La décision appartient au gouvernement qui est responsable devant le Parlement de la sécurité du pays". En faisant devant les caméras de télévision cette déclaration solennelle, M. Erbakan prend à témoin l'opinion publique nationale et étrangère. Plusieurs députés des formations d'opposition, rompant avec la prudence ou l'opportunisme de leurs dirigeants, ont exprimé leur soutien à ce défi au diktat de l'armée. Ainsi, pour le député ANAP de Manisa, Abdullah Akarsu "l'ère des ultimatums militaires doit être définitivement révolue. La société en a assez des chars, des fusils et de la violence. Le chef détat-major et les généraux ne doivent pas oublier qu'ils ne sont que des fonctionnaires de l'État. Le Conseil de sécurité nationale n'a pas sa place dans une démocratie. Il doit être dissout". A l'opposé, pour le général Gures, ancien chef d'état-major devenu député du DYP de Mme. Çiller, "Les décisions du CSN constituent une notification au gouvernement, et non pas de simples recommandations. Le Conseil détermine la politique de sécurité nationale du pays; et cette politique est le dieu, la constitution de toutes les autres politiques. Elle est incontestable; le gouvernement et le Parlement doivent exécuter en priorité ces décisions du CSN". Une conception qui semble être partagée par le président Demirel et plusieurs chefs de partis turcs. Le Conseil des ministres du 6 mars où les décisions du CSN vont être discutées en priorité constitue un test important pour l'avenir du régime turc.



DES KURDES SONT UTILISÉS COMME DES DÉTECTEURS HUMAINS DANS DES OPÉRATIONS DE DÉMINAGE


C'est ce qu'a déclaré, le 19 février, le député de Batman Musa Okcu au nom de la Commission parlementaire des droits de l'homme du Parlement turc appelée à mener une enquête sur cette affaire. L'affaire a eu lieu à la fin du mois de décembre dernier lorsque des soldats turcs ont contraint une cinquantaine d'hommes du village de Tekevler, dans le district de Sason, de les devancer dans leurs opérations de déminage dans cette région. Interrogé par Reuters, M. Okcu a déclaré que "les villageois m'ont expliqué que les forces de sécurité les ont forcés d'être leurs détecteurs humains". Les villageois ont porté plainte auprès du sous-préfet de Sason qui leur a déclaré "Je ne suis pas compétent pour intervenir dans les affaires des militaires". Selon le quotidien Ozgur Politika du 20 février, le 31 janvier des habitants des villages Gundê Nû et Kelhesna, toujours dans le district de Sason, ont subi le même sort.Ces paysans ont tous un point commmun: leur refus de devenir des protecteurs de village, malgré la menace de destruction de leurs villages par l'armée. Celle-ci semble vouloir les punir en les utilisant comme des cobayes.



UNE REVUE DE FEMMES KURDES ROZA POURSUIVIE PAR LA JUSTICE TURQUE


La rédactrice en chef et propriétaire, Fatma Kayhan, ainsi qu'une éditorialiste, Aysegül Karatas, de la revue Roza, une revue publiée par des femmes kurdes dont le siège se trouve à Istanbul, ont comparu devant la Cour de Sûreté de l'État N° 3 Istanbul, le lundi 24 février. Cette revue, qui entre dans sa deuxième année de publication, a publié à ce jour six numéros dont les thèmes portent sur la société kurde et la place de la femme au sein de cette société. Trois numéros sur les six publiés ont été saisis. Déjà, le 28 septembre dernier, les responsables de cette revue se sont trouvés devant la Cour de Sûreté de l'État d'Istanbul qui les a condamnés à une amende de 666.666 000 de livres turques et la rédactrice en chef à 14 mois de prison. Ce nouveau procès concerne le troisième numéro de la revue accusée de "séparatisme". A l'issue de l'audience du 24 février, Mme. Kayhan a affirmé que "l'article visé par la Cour ne contient aucun élément criminel et qu'elle ne trouve aucun inconvénient à le publier et a récusé les accusations de séparatisme" et d'ajouter que "cette répression contre nous fait partie d'une répression générale contre la liberté d'expression dans tout le pays". Par ailleurs, le 4 mars, la Cour de Sûreté de l'État d'Ankara a condamné à un an de prison l'éditrice turque Mme. Zarakoglu pour des propos "séparatistes" tenus lors du 5ème congrès de l'Association des droits de l'homme. Le président du Parti ouvrier, Dogu Perinçek a également été condamné à un an de prison pour "déclarations séparatistes".



DEUX CHAÎNES DE TÉLÉVISION CONDAMNÉES POUR AVOIR DIFFUSÉ DES RÉVÉLATIONS SUR LE TRAFIC DE DROGUE


Le Conseil supérieur de l'audiovisuel de Turquie a, le 24 février, condamné les chaînes de télévision privée Kanal D et Show TV à une interdiction de diffusion d'une journée pour avoir interviewé un baron de la drogue, H. Baybasin. Ce dernier, menacé de mort et actuellement réfugié aux Pays-Bas, avait, dans ces interviews diffusées, le 29. 12. 1996, fait des révélations retentissantes sur les ministres, hommes politiques et responsables de forces de sécurité turques impliqués dans le trafic de l'héroïne. Il avait en particulier expliqué comment depuis le début des années 1980 de hauts responsables policiers les avaient recrutés, organisés et protégés pour ce trafic, comment des voitures officielles et des passeports diplomatiques avaient été mis à leur disposition. Parmi les complices de ce trafic, le chef de police Agar, devenu plus tard ministre de la justice, puis ministre de l'Intérieur, un ministre d'État, un neveu du président Demirel, le super-préfet des provinces kurdes et plusieurs policiers et militaires de haut rang. A l'appui de ses dires, Baybasin avait produit dans les médias turcs, à une chaîne de télévision allemande et devant la justice néerlandaise des photos le montrant en compagnie de ces hauts responsables de l'État turc. Sans se prononcer sur la véracité de ces allégations, le Conseil supérieur de l'Audiovisuel turc condamne les deux chaînes privées pour atteinte à la réputation de l'État. En conséquence, Show TV devra cesser ses émissions le 13 mars à partir de minuit pour 24h et Kanal D est condamné à la même peine pour le 14 mars. Par ailleurs, le Conseil turc a condamné la télévision locale de Diyarbakir, Metro TV, à un mois de suspension de diffusion pour avoir permis "des émissions de nature à inciter la société à la violence, à la terreur, à la discrimination ethnique et à des sentiments de haine". Sok Radio, radio locale d'Içel, sur la côte méditerranéenne a été également interdite de diffusion pendant un mois pour "des émissions faisant l'éloge du séparatisme et dénigrant les forces de sécurité". Ces condamnations interviennent à la suite des mesures adoptées en décembre dernier par le Conseil de sécurité nationale pour "une surveillance plus étroite des médias". Dans le cadre de cette politique, la police et les soldats ont saisi et détruit des centaines d'antennes paraboliques dans les provinces kurdes arguant qu'elles étaient utilisées pour capter les émissions en kurde de Med-TV. Par ailleurs, le quotidien O. Politika publie dans son numéro du 27 février des extraits d'une circulaire "confidentielle" du Conseil de sécurité nationale enjoignant aux autorités civiles et militaires de "faire taire" 22 journaux et revues, 19 groupes de musique, 14 centres culturels, 11 associations, 11 radios locales et de surveiller de près certaines émissions de débats, des chaînes de télévision privées, d'interdire le passage sur les antennes des télévisions d'État de certains intellectuels et artistes suspectés de sympathies pro-séparatistes, comme Yachar Kemal, les journalistes M. Ali Birand et C. Candan ou les chanteuses Melike Demirag et Sezen Aksu. La circulaire donne à côté du nom de chaque publication, association ou groupe à faire taire un motif sommaire pour lequel il faudrait le faire taire ou entraver ses activités.

Par ailleurs, selon le Conseil de la presse, une association de défense des droits des journalistes basée à Istanbul, le bilan des atteintes contre les journalistes et les organes de presse du seul mois de février est comme suit: 2 revues saisies; perquisition par la police dans les locaux d'un journal et d'une chaîne de télévision; huit radios et chaînes de télévision interdites de diffusion et un journaliste attaqué.



LA TURQUIE APPELLE LES ETATS-UNIS À LEVER LES RESTRICTIONS SUR CERTAINS DE SES ACHATS D'ARMEMENTS


Après avoir signé au cours de ce mois-ci un contrat avec le consortium franco-allemand Eurocopter pour l'achat et la coproduction en Turquie de 30 hélicoptères Cougar, la Turquie a voulu envoyer un message aux États-Unis, montrant sa volonté de réduire sa dépendance des Américains en matière d'armement. Les États-Unis, principal fournisseur d'armes de la Turquie depuis que celle-ci est devenue membre de l'OTAN en 1952, s'étaient engagés à vendre à la Turquie dix hélicoptères de combat Super Cobra et trois frégates de la classe Perry. Mais, sous la pressions des organisations de défense de droits de l'homme et du lobby grec qui accusent la Turquie d'utiliser ce genre d'armes contre les civils kurdes dans la guerre du Kurdistan ou contre la Grèce, les États-Unis ont dû geler cette vente. Fort de l'ouverture vers les marchés européens d'armements, le ministre turc de la Défense, Turhan Tayan, de retour des États-Unis a déclaré, mardi 25 février, "j'ai exprimé au secrétaire à la Défense William Cohen que la suspension de certaines ventes à la Turquie, après les efforts de certains membres du Congrès, cause des préoccupations sur la fiabilité des États-Unis en tant que fournisseurs d'armes" avant d'ajouter que "l'administration américaine devrait définir sans délai sa position concernant les ventes d'armes à la Turquie".



ANKARA EXPULSE LE CONSUL D'IRAN À ERZURUM, TÉHÉRAN RIPOSTE


Après les événements de Sincan (voir notre bulletin N° 55) et le bras de fer engagé entre l'armée et le gouvernement de N. Erbakan, l'ambassadeur d'Iran à Ankara a été d'abord mis en demeure. Le consul iranien à Erzurum, Saïd Zare, qui avait tenu des propos considérés comme "insultants" par l'armée à son égard, a été déclaré persona non grata par le ministère des Affaires étrangères turc et lui demandé de quitter le pays dans les 48 heures, le jeudi 27 février. L'Iran, qui pensait trouver en la personne de N. Erbakan un allié de poids, a mis un certain temps pour riposter. Le dimanche, 2 mars, le ministère des Affaires étrangères iranien a demandé à Ankara de rappeler son ambassadeur à Téhéran ainsi que son consul à Ourmieh.



MME. ÇILLER ÉCHAPPE UNE NOUVELLE FOIS À LA COUR SUPRÊME


A trois reprises, le mardi 18 et le mercredi 19 février, le Parlement turc a rejeté par 270 contre 263 voix l'envoi de Mme. Çiller devant la Haute suprême. La motion déposée au vote par l'opposition devant le Parlement portait sur les malversations dans l'administration de la compagnie d'électricité Tedas ainsi que sur celles relevées dans la vente de parts étatiques de la compagnie automobile Tofas datant de l'époque où Mme. Çiller était Premier ministre. Ainsi, le parti de la prospérité du Premier ministre Erbakan, qui avait pourtant mené sa campagne électorale sur le thème de la lutte anticorruption, a joint ses voix à celles de ses partenaires du DYP de Mme. Çiller pour disculper celle-ci. Cette alliance cynique est de plus en plus mal ressentie par l'opinion publique turque. Pour se faire entendre une campagne civile a été lancé le 1er février intitulée "une minute dans le noir pour faire la lumière"; à 21 heures précises, des lumières s'éteignent dans l'ensemble de la Turquie. Ce mouvement populaire prends de plus en plus d'ampleur; dans les grandes villes les gens descendent dans les rues pour accompagner leur minute d'obscurité d'une cacophonie de couvercles de casserole, de Klaxons et de sifflet, empruntés aux manifestants de Belgrade. Par ailleurs, le Parlement turc a rejeté, le 25 février, une autre motion de censure présentée par deux partis d'opposition, le CHP de Deniz Baykal et DSP de Bulent Ecevit, contre le gouvernement de coalition. Les députés ont rejeté par 281 voix contre 246 cette motion accusant le gouvernement de "protéger les mouvements menaçant la structure laïque de l'État".