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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 54

27/1/1997

  1. UN JUGE ALLEMAND MET MME. ÇILLER EN CAUSE DANS LE TRAFIC DE DROGUE VERS L'EUROPE
  2. LA POPULATION PÉNITENTIAIRE EN TURQUIE
  3. 10 JEUNES, DONT PLUSIEURS LYCÉENS, CONDAMNÉS À UN TOTAL DE 76 ANS ET 3 MOIS DE PRISON
  4. LE GOUVERNEMENT TURC POURSUIVI POUR VIOL, TORTURES ET INCENDIES DEVANT COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME
  5. 1996: UNE MAUVAISE ANNÉE POUR LES JOURNALISTES TURCS
  6. CAMPAGNE POUR LA LIBÉRATION D'UN JOURNALISTE EMPRISONNÉ EN TURQUIE
  7. LE PATRONAT TURC DÉNONCE "L'HÉGÉMONIE DES GANGS ET DES CONFRÉRIES" ET PROPOSE "UN PROJET DE DÉMOCRATISATION"
  8. PARUTION DE LA TRADUCTION ALLEMANDE DES "ÉCRITS DE PRISON" DE LEYLA ZANA
  9. UTILISATION DES "REPENTIS" DANS LES ASSASSINATS POLITIQUES


UN JUGE ALLEMAND MET MME. ÇILLER EN CAUSE DANS LE TRAFIC DE DROGUE VERS L'EUROPE


À l'issue du procès de 3 trafiquants de drogue se déroulant depuis octobre dernier devant la 17ème chambre du Tribunal de Francfort, le président de cette Cour, le juge Rolf Schwalbe, en annonçant le verdict, a notamment déclaré: "Le trafic de drogue de Turquie vers l'Allemagne et vers les autres pays européens est organisé par les familles Senoglu et Baybasin et ces familles, selon les dépositions des témoins, sont protégées par le gouvernement turc et cela rend difficile de faire apparaître toute l'étendue de ce trafic. On affirme que ces deux familles de trafiquants ont des relations extrêmement étroites avec un ministre turc féminin". A la question de savoir qui est cette dame, le juge allemand a répondu: Tansu Çiller. La dépêche de l'agence allemande DPA datée du 21 janvier qui donne cette information indique que selon la Cour, ce réseau a introduit au moins 100 kg d'héroïne en Allemagne et en Belgique et que l'enquête sur les ramifications du réseau se poursuivait. Les trois membres de ce réseau arrêtés à Francfort, un Turc, un Italien et un Belge, ont été respectivement condamnés à 9 ans, 7 ans et 2 mois et 4 ans et 11 mois de prison.

La mise en cause du gouvernement turc en général et de Mme. Çiller en particulier dans le trafic de drogue a été largement répercutée par les média allemands et turcs. Une télévision allemande, NTV, a diffusé l'information dans ses bulletins avec l'image choc d'une seringue d'héroïne sur fond de drapeau turc. Mme. Çiller a écrit à son homologue allemand, M. Kinkel, pour "protester contre ces accusations sans fondements" et le porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères a qualifié "d'inconvenantes et contraires aux usages diplomatiques les déclarations du juge allemand". Celui-ci a refusé de recevoir le consul général turc à Francfort mais il a confirmé au quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung les informations diffusées par DPA. De son côté, le juge M. Dox Nevelling, porte parole du juge Schwalbe, a indiqué à l'AFP que l'enquête avait établi des liens entre les trafiquants de drogue et le gouvernement turc et que des éléments révélés par l'instruction ont tout à fait convaincu la Cour à ce sujet. A la question de savoir si les graves accusations lancées par la Cour n'allaient pas engendrer des réactions politiques, le juge répond "Cela se peut. Mais nous n'avons peur de rien. La justice allemande est indépendante". En Turquie, la nouvelle de la mise en cause de Mme. Çiller ne semble pas surprendre outre mesure les journaux. Dans son éditorial du 23 janvier, E. Özkök, directeur de Hürriyet, rappelle que déjà l'année dernière deux tribunaux allemands, ceux de Hannover et de Trier, avaient accusé le gouvernement turc de "soutenir les trafiquants de drogue. Cette fois-ci, la nouveauté est que le juge met en cause nommément Tansu Çiller (..) Quand on voit le lendemain sur la chaîne de télévision privée Kanal D l'étrange photo d'un extrémiste de droite, recherché pour meurtre par l'État et pour trafic de drogue par la communauté internationale, en compagnie de policiers officiels de l'État (..), quand on voit un certain Yasar Öz, porteur d'un passeport vert (de service) fourni par l'État, négocier aux États-Unis la vente d'héroïne avec des limiers du Bureau des narcotiques, quelles explications pourrons-nous donner? (..) Désormais, le nom de notre pays figure d'une part aux côtés des États terroristes comme l'Iran, la Syrie et la Lybie, et d'autre part aux côtés des narco-Etats comme l'Équateur, le Pérou et le Guatemala. Le pire est qu'il n'y a pas un autre État impliqué à la fois dans le trafic de stupéfiants et dans la terreur". Son collègue Oktay Eksi, écrit dans le même quotidien, que "cette infamie salit le nom de tout le pays" et que "tous les porteurs de passeports turcs sont considérés par les douaniers comme des trafiquants de drogue potentiels". Il rappelle que l'Allemagne n'est pas le seul pays à pointer du doigt le gouvernement turc. "Notre journal avait, dans son numéro du 27 décembre 1996 écrit que les Pays-Bas n'avaient aucunement l'intention d'extrader vers la Turquie Husseyin Baybasin (NDLR. L'un des gros bonnets de la mafia) (..) Selon une conviction qui n'est pas exprimée officiellement, la Turquie est un pays où le trafic de drogue est mené par l'État lui-même. C'est pourquoi ils ne vont pas faire confiance à la Turquie pour lui renvoyer Baybasin. La politique pratiquée suit quasiment le principe suivant: au lieu de laisser le PKK tirer profit du trafic de drogue, profitons-en nous-mêmes. D'autant que nous disposons de tous les moyens de l'État. Il suffirait de s'assurer que la drogue transportée d'une frontière à l'autre ne soit pas saisie. Qui pourrait nous tenir tête?"

Le Milliyet du 24 janvier annonce en gros titre "le piège des trafiquants qui se referme sur la Turquie". Il fait état de l'information du Daily Telegraph du 23 janvier indiquant que "80% de l'héroïne vendue en Grande-Bretagne provient de la Turquie" et d'un rapport du Département d'État rappelant que "la plus grosse partie du trafic d'héroïne en Europe est contrôlée par les trafiquants turcs". L'influent éditorialiste Cengiz Çandan affirme dans le Sabah du 25 janvier que "L'Occident assiège la Turquie sur la drogue". Selon lui si le 23 janvier la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants des États-Unis a tenu sur ce sujet une audition à huis clos avec des chefs de la CIA, du DEA (Drug Enforcement Agency) et des responsables du Département d'État c'est que la situation est très grave. A qui la faute ? ajoute-t-il. "Nous n'avons pas pris au sérieux les avertissements précédents des tribunaux allemands de Trier et de Hannover sur les liens des trafiquants de drogue avec le gouvernement turc. En outre, récemment, une fuite (de source gouvernementale allemande) a conduit plusieurs publications, dont l'hebdomadaire allemand Focus, à écrire qu'un dénommé Hüseyin Duman, recherché pour trafic de matériaux nucléaires, a rencontré à Baden Baden Özer Çiller (époux de Mme. Çiller). Le message politique de Bonn était clair: l'Allemagne a mis une croix sur le nom de Çiller. Voilà pourquoi le chancelier Kohl refuse avec insistance tout rendez-vous avec Çiller"



LA POPULATION PÉNITENTIAIRE EN TURQUIE


Selon les données rendues publiques par le ministère de la Justice, au 1er 1997 la Turquie comptait 56 082 détenus dans ses 562 prisons. 24 992 de ces derniers sont en détention préventive dans l'attente de la conclusion de leurs procès. Les prisonniers politiques, au nombre de 9241, constituent environ un cinquième de la population pénitentiaire du pays. Le ministère classe 523 de ces prisonniers politiques à droite, les 8713 restants à gauche. 2920 prisonniers politiques ont été jugés, 6321 sont en détention préventive.



10 JEUNES, DONT PLUSIEURS LYCÉENS, CONDAMNÉS À UN TOTAL DE 76 ANS ET 3 MOIS DE PRISON


16 jeunes originaires de la ville turque de Manisa ont comparu, le 17 janvier, devant la Cour de Sûreté de l'État d'Izmir, pour appartenance à une organisation illégale et slogans hostiles à l'État. A l'exception d'un enseignant de 32 ans, ces jeunes sont actuellement âgés de 15 à 24 ans avaient été arrêtés le 24 décembre 1995 par la section anti-terroriste de la Sûreté générale de Manisa qui les suspecte d'appartenance à une organisation turque d'extrême gauche, DHKP-C, et qui les avait sévèrement torturés. La torture infligée, pendant les 12 jours de garde-à-vue, à ces jeunes Turcs, dans une ville de l'Ouest turc, non soumis à l'état d'urgence, avait à l'époque choqué l'opinion publique. Au cours du procès, l'accusation n'a pu apporter la moindre preuve des allégations d'appartenance à une organisation illégale. La défense a, de son côté, dénoncé "la dérive d'un système qui veut condamner ces jeunes gens, qui ne sont même pas porteurs d'un canif pour appartenance à une organisation illégale et arméee sur la base de simples dénonciations sans aucune preuve". Appelés à la barre, les prévenus ont déclaré qu'ils ne comprenaient toujours pas ce qu'ils leur arrivaient, qu'ils étaient innocents et qu'ils souhaitaient que le cauchemar qu'ils vivent depuis un an prenne fin. L'un d'eux, Hüseyin Korkut, actuellement étudiant à l'université d'Istanbul, a déclaré, en pleurs, avant de s'évanouir sous le coup de l'émotion: "Après ma remise en liberté, j'ai déménagé à Istanbul pour essayer d'oublier tout cela. Mais là-bas aussi j'ai été en butte à la persécution de la police, il y a 3 jours, les policiers sont venus perquisitionner une nouvelle fois chez nous, en mettant tout sens dessus dessous. Ils m'ont à nouveau gardé à vue. Et pendant la garde à vue, ils m'ont menacé: "tu crois que vous allez en arriver à quelque chose en suivant ces avocates p... et ce député, Sabri Ergül (député CHP d'Izmir). Sais-tu combien d'individus comme toi nous avons fait disparaître?". La Cour a acquitté 5 des 16 prévenus. 10 prévenus ont été condamnés à des peines de prison allant de 2,5 à 12,5 ans de prison. Parmi eux, trois lycéennes âgées de 18 et 19 ans ont été condamnées à 2,5 ans de prison. Le dossier d'un lycéen âgé de 15 ans, M. G, sera transmis à une autre juridiction. Le verdict a suscité de vives réactions de la salle qui a protesté aux cris: "Justice, policiers-tortionnaires même combat". Il a été également mal accueilli par une large fraction de l'opinion. Tandis que Bulent Ecevit critique "le triste dysfonctionnement d'une justice qui condamne à 12 ans de prison ces jeunes gens dont le seul crime est d'avoir crié des slogans", le député d'Istanbul, E. Karakas, déclare que " la conscience publique est choquée par ces lourdes condamnations alors que les gangs et la mafia courent librement nos rues". Les avocats vont faire appel devant la Cour de cassation et envisagent de saisir ensuite la Cour européenne des droits de l'homme.



LE GOUVERNEMENT TURC POURSUIVI POUR VIOL, TORTURES ET INCENDIES DEVANT COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME


Deux plaintes contre le gouvernement turc ont été examinées à la Cour européenne des droits de l'homme, basée à Strasbourg, pour viol, tortures et incendies déposées par des femmes kurdes. La première plainte concerne Mme. Sukran Aydin, originaire de la ville de Derik dans la province de Mardin, aujourd'hui âgée de 20 ans, qui se plaint d'"avoir été battue, déshabillée, arrosée d'eau sous pression à la gendarmerie de Derik et violée par un gendarme, en juin 1993". La Commission européenne des droits de l'homme, avant de transmettre la plainte à la Cour, avait conclu qu'il y avait eu "violation des articles 3 (interdiction de la torture) et 6.1 (droit à la liberté) de la Convention européenne des droits de l'homme" par les autorités turques. L'autre plainte déposée par quatre femmes kurdes concerne leur village de Saggoze, dans la province de Diyarbakir, "incendié et dévasté en 1993 par des gendarmes par mesure de représailles, à la suite d'une attaque contre la gendarmerie locale par les maquisards kurdes". Les arrêts de la Cour concernant ces deux affaires sont attendus d'ici trois à quatre mois.



1996: UNE MAUVAISE ANNÉE POUR LES JOURNALISTES TURCS


Dans un communiqué rendu public le 17 janvier, l'Union des journalistes turcs déclare que " l'année 1996 était une année pleine de restrictions, d'arrestations et de condamnations dans le domaine de média". Selon cette association, en 1996, 209 journalistes ont été gardés à vue ou arrêté et 90 parmi eux ont été attaqués physiquement alors qu'ils étaient dans l'exercice de leur profession. Quant aux événements importants qui ont jalonné 96, ce sont: "la condamnation de Yasar Kemal, la poursuite en justice de Çetin Altan, le procès de 1079 écrivains éditeurs du livre "la liberté de pensée" et l'arrestation de l'artiste Senar Yurdatapan". Le projet de loi visant à restreindre la relative liberté de presse en Turquie, mis en place par la coalition gouvernementale, et appelé communément "la loi de la censure" a également été critiqué par l'Union des journalistes turcs.



CAMPAGNE POUR LA LIBÉRATION D'UN JOURNALISTE EMPRISONNÉ EN TURQUIE


Lancée par le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), une pétition, appelant à la libération du journaliste Ocak Isik Yurtçu, signée par plus de 300 journalistes et défenseurs de droits de l'homme américains a été remise à l'ambassadeur turc à Washington, le jeudi 23 février. M. Yurtçu, en prison depuis trois ans, était rédacteur en chef du journal pro-kurde Ozgur Gundem, aujourd'hui banni par les autorités turques. Il a été condamné à 15 de prison pour avoir écrit des articles couvrant la guerre du Kurdistan. "Ocak Isik Yurtçu a été poursuivi et emprisonné pour avoir mené à bien sa mission de journaliste", a déclaré à la presse la présidente du CPJ,Kati Marton, qui a remis la pétition. Parmi les signataires figurent notamment Terry Anderson, Tom Brokaw, Tina Brown, ainsi que le Prix nobel de la paix Elie Wiesel.



LE PATRONAT TURC DÉNONCE "L'HÉGÉMONIE DES GANGS ET DES CONFRÉRIES" ET PROPOSE "UN PROJET DE DÉMOCRATISATION"


Selon son président, le patronat turc a " honte de ce qui se passe chaque jour dans le pays". Il a "honte de l'hégémonie des gangs et des confréries". Et pour sortir le pays de cet engrenage destructeur, le rapprocher de ses partenaires occidentaux le patronat (TUSIAD) propse un vaste "projet de démocratisation" que son président Halis Komili, a, le 20 janvier, solennellement remis au président de l'Assemblée nationale, Mustafa Kalemli, ainsi qu'au général Karadayi, chef d'état-major général des armées. Dans sa conférence de presse du 21 janvier à laquelle les médias turcs consacrent une large place (1, 5 p. dans le quotidien Milliyet), M. Komili ne mâche pas ses mots sur la gravité de la situation, sur "le manque de confiance de tous les secteurs de la société dans le système actuel" et appelle à la mobilisation de tous pour engager rapidement les réformes indispensables pour "une démocratie à l'européenne". Rappelant que "l'économie de marché ne peut se développer sans la stabilité politique" que "la politique ne doit pas être considérée comme l'apanage de certains milieux mais l'affaire de tous". M. Komili a souligné que le pays avait besoin d'un "véritable régime civil". "Actuellement le Conseil de Sécurité nationale (organe non élu à dominante militaire) est élevé au rang du conseil des ministres. C'est une situation qu'on ne rencontre que dans des pays comme la Corée du Sud et l'Algérie alors que dans les pays démocratiques comme la France, l'Italie et les États-Unis ce genre de conseils ne sont formés que de techniciens" a-t-il ajouté. Un régime civil, cela notamment veut dire que l'état-major des armées doit être placé sous l'autorité du ministère de la défense, et non plus sous celle, théorique, du Premier ministre a poursuivi M. Komili pour résumer les grandes lignes des réformes proposées par le patronat. Parmi les mesures les plus significatives du patronat: abolition des articles 26 et 28 de la Constitution sur "les langues interdites" afin de permettre aux citoyens kurdes le libre usage de leur langue dans tous les domaines de la vie; liberté pour les Kurdes de donner à leurs enfants des noms de leur choix et d'utiliser, à la place des appellations turques imposées, les noms kurdes de leurs villes, villages et de lieux géographiques; abolition de l'article 8 de la loi anti-terreur et refont des articles 158, 159, 311 et 312 du Code pénal afin d'assurer une véritable liberté d'expression; refonte de la loi électorale et de la loi sur les partis et les associations de façon à assurer effectivement la liberté d'association et une représentations équitable des citoyens; refonte de l'actuelle loi sur les prérogatives de la police héritée de la période du parti unique (1924-1945) afin de garantir le droit à la vie et l'intégrité physique des citoyens. Enfin, le patronat estimant que le concept même d'une "idéologie officielle de l'État" est incompatible avec une véritable démocratie pluraliste qui doit être fondée sur la neutralité de l'État vis-à-vis de toute idéologie et de toute religion, demande la suppression du 5ème paragraphe du Préambule de la Constitution qui institue "le nationalisme d'Ataturk, les valeurs historiques et morales de la turquicité" en une idéologie officielle qui ne saurait en aucune manière être remise en cause. L'article 14 de la Constitution qui restreint gravement la liberté d'expression "afin d'empêcher un mauvais usage des libertés" doit également être abolie, souligne le "projet de démocratisation" du patronat qui, par ailleurs, demande une décentralisation des structures de l'État.

La démarche du patronat turc est saluée par la plupart des commentateurs comme "une action de salut public" bienvenue. Le président du Parlement s'est engagé à soumettre ces idées aux délibérations des députés. Cependant, l'état-major des armées a fait savoir que "ce projet est étranger aux réalités du pays", tandis que certains éditorialistes proches de l'armée raillent "ces patrons qui se mettent à la mode des intellectuels libéraux coupés des réalités du pays pour se faire bien voir de l'Europe".



PARUTION DE LA TRADUCTION ALLEMANDE DES "ÉCRITS DE PRISON" DE LEYLA ZANA


Les "Écrits de prison", parus d'abord en français, en novembre 1995, aux éditions des Femmes, viennent d'être publiés en allemand sous le titre "Eine Kurdin meldet sich zu Wort Leyla Zana, Briefe und Schriften aus dem Gefängnis" aux éditions Montage Verlag, Dötlingen, Allemagne, 122p. Nos amis et partenaires germanophones peuvent commander cet ouvrage directement au CILDEKT. Notre Comité dispose également du film documentaire "Leyla Zana, la Pasionaria des Kurdes", 18 minutes, qui est disponible pour les réunions d'information sur Leyla Zana et ses amis députés emprisonnés et sur le sort des Kurdes en Turquie. L'édition anglaise des "Écrits de prison", actuellement en cours de réalisation, paraîtra au printemps prochain. C'est également au printemps, plus précisément le 24 avril 1997 à 9h qu'aura lieu à Strasbourg l'audience de la Cour européenne des droits de l'homme sur la première partie de l'affaire de Leyla Zana et de ses amis. La Cour statuera d'abord sur la légalité et la durée excessive ( de 12 à 15 jours) de la garde-à-vue et sur la détention préventive des députés kurdes. Ensuite, dans quelques mois, elle examinera le fond de l'affaire, à savoir la compatibilité du verdict des tribunaux turcs avec la Convention européenne des droits de l'homme dont la Turquie est consignataire.



UTILISATION DES "REPENTIS" DANS LES ASSASSINATS POLITIQUES


Les organisations turques de défense des droits de l'homme dénoncent depuis plusieurs années l'utilisation par la police et la gendarmerie des "repentis" du PKK dans nombre d'exécutions extrajudiciaires commises dans les provinces kurdes. Les autorités concernées rejettent toujours de telles accusations. Les aveux à la presse de Kahraman Bilgiç, repenti du PKK devenu membre du gang de Yukeskova, formé de policiers et de militaires opérant à la jonction des frontières de la Turquie avec l'Iran et l'Irak, viennent de relancer cette question. Ce gang accusé d'un vaste trafic d'héroïne est également impliqué dans le meurtre de plusieurs dizaines de civils. Les victimes avaient été présentées dans les laconiques communiqués militaires les unes comme de "terroristes", les autres comme de "paysans abattus sauvagement par le PKK". Or le repenti K. Bilgiç, supposé purger dans une prison sa peine, réduite en raison des dispositions de la loi sur les repentis, servait en fait dans ce gang récemment révélé qui a fait en octobre dernier l'objet d'une enquête parlementaire. Il reconnaît avoir pris part à de nombreux "meurtres mystérieux", dont 15 ont à ce jour ont pu être éclaircis, commis par son gang. Poussé par une presse, prise enfin d'un accès de curiosité sur les années sombres et sanglantes que le pays vient de vivre, le ministre islamiste de la Justice avait, en novembre dernier, demandé à la Cour de Sûreté de l'État de Diyarbakir, qui a compétence pour l'ensemble de la région kurde d'état d'urgence, de lui faire savoir combien de repentis sont actuellement dans les prisons de la région et où sont les autres. Cette cour a écrit à tous les directeurs de prison et les procureurs de la région de son ressort. Selon Milliyet du 22 janvier, les réponses tardent à venir. Ce journal publie cependant la photographie de la lettre du directeur de la prison de Batman indiquant que le repenti Felemez Tokan, incarcéré à Batman, a été remis le 18. 6. 1996 au commandement départemental de la gendarmerie, à la demande de celui-ci. Batman est, avec Silvan et Diyarbakir, l'une des villes formant le "triangle infernal" des meurtres mystérieux. Milliyet indique également qu'un autre repenti, Mesut Mehmetoglu, est sorti en toute illégalité de sa prison. On ne sait toujours pas combien des 71 repentis recensés et supposés être en prison le sont effectivement; des témoins affirment avoir croisé certains des plus notoires dans les palaces d'Ankara, d'Istanbul et de la côte égéenne. Après la révélation des tribulations d'Abdullah Çatli, recherché par la justice turque pour 7 meurtres et par plusieurs pays européens pour trafic de drogue, recruté et employé par la police pour ses basses opérations avec rang et passeport de "haut fonctionnaire de police", l'opinion turque ne s'étonne plus guère de ces révelations sur les exactions des gangs.