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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 50

12/12/1996

  1. LE COMITÉ EUROPÉEN CONTRE LA TORTURE DÉNONCE LA TURQUIE
  2. 10 DÉTENUS DE LA PRISON DE DIYARBAKIR ONT BIEN ÉTÉ TUÉS PAR DES GARDIENS ET DES SOLDATS, AFFIRME LA MISSION D'ENQUÊTE DU PARLEMENT TURC
  3. DES JEUNES ÉTUDIANTS CONDAMNÉS À PLUS DE 18 ANS DE PRISON
  4. LA COUR DE SÛRETÉ D'ÉTAT D'ANKARA POURSUIT 4 ANCIENS DÉPUTÉS KURDES
  5. CAMPAGNE POUR LA LIBÉRATION DE LA DÉPUTÉE KURDE LEYLA ZANA
  6. "LES MÈRES DU SAMEDI" REÇOIVENT UN PRIX INTERNATIONAL DES DROITS DE L'HOMME
  7. LA REQUÊTE DE 16 AVOCATS KURDES JUGÉE EN PARTIE RECEVABLE PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME
  8. LE DANEMARK EXIGE DE LA TURQUIE LA LISTE ROUGE DE DANOIS "INDÉSIRABLES"
  9. 58 OFFICIERS ET SOUS-OFFICIERS ISLAMISTES RADIÉS DE L'ARMÉE
  10. LA PRESSE TURQUE APPELLE LE PARLEMENT EUROPÉEN AU SECOURS
  11. LIBÉRATION DE SIX SOLDATS TURCS PAR LE PKK
  12. LES DOCUMENTS SECRETS DE MESUT YILMAZ


LE COMITÉ EUROPÉEN CONTRE LA TORTURE DÉNONCE LA TURQUIE


Il est extrêmement rare que le Comité européen contre la Torture (CPT) sorte de sa réserve et dénonce publiquement un pays. Cet organe du Conseil de l'Europe, basé à Strasbourg, a dénoncé, dans un communiqué rendu public le vendredi 6 décembre, la pratique "fréquente" et "inacceptable" de la torture en Turquie, appliquée tant à des détenus politiques qu'à des suspects de droit commun. De retour d'une mission d'enquête à Adana, Bursa et Istanbul et après avoir visité des centres de police dans ces villes et rencontré d'anciens prisonniers, le Comité a dénoncé la police turque dans les termes suivants: " Un nombre considérable de personnes examinées par les trois médecins légistes (du CPT) présentaient des lésions ou d'autres signes médicaux prouvant qu'elles avaient reçu des coups sur la plante des pieds, la paume des mains ou qu'elles avaient été longuement suspendues par les bras". Deux des personnes examinées ont perdu l'usage des deux bras, des séquelles qui pourraient se révéler "irréversibles" selon le CPT. Le Comité a, par ailleurs, trouvé dans les locaux de la police d'Istanbul du matériel de torture servant notamment à des électrochocs et à la suspension au plafond par les bras. Selon le Comité, le gouvernement turc était au courant de l'existence de ces matériels mais ne s'est jamais montré "apte à reconnaître la gravité de la situation". "Il appartient à l'État de se faire respecter" a encore ajouté le Comité et "en aucune circonstance la lutte contre la violence de la guérilla ne justifie la torture ou d'autres mauvais traitements". Il y a quatre ans le Comité avait déjà publié un communiqué dans le même sens. Il avait demandé, en vain, au gouvernement turc de "remédier à la situation" en réduisant notamment la durée de la garde-à-vue pour les "les suspects de terrorisme". Ceux-ci peuvent être maintenus au secret jusqu'à 15 jours, et même 30 jours dans les régions kurdes soumises à l'état d'urgence. C'est pendant la garde à vue que les "suspects" sont systématiquement torturés. Le Comité, composé d'experts indépendants (juristes, médecins...), effectue des visites-surprises dans les endroits où des personnes sont détenues par la force publique en Europe, et n'adopte la procédure de la "déclaration publique" que si l'État concerné refuse de coopérer ou d'apporter les améliorations préconisées.



10 DÉTENUS DE LA PRISON DE DIYARBAKIR ONT BIEN ÉTÉ TUÉS PAR DES GARDIENS ET DES SOLDATS, AFFIRME LA MISSION D'ENQUÊTE DU PARLEMENT TURC


Une mission d'enquête parlementaire composée de députés Demir Berberoglu (DYP), Sabri Okçu (RP), Hakan Tartan (DSP) et Sabri Ergül (CHP), au terme de deux mois d'investigations, a présenté à la Commission des droits de l'homme du Parlement son rapport sur la mort de 10 détenus kurdes le 24 septembre dernier à la prison de Diyarbakir. Après avoir longuement débattu des conclusions de ce rapport, la Commission a, le 3 décembre, décidé à l'unanimité de le rendre public. Ce rapport est accablant pour les autorités pénitentiaires car il affirme clairement que "ces détenus ont été battus à mort pendant la mutinerie" et même, pour 8 entre eux, "pendant leur transport à l'hôpital". Selon les rapports d'autopsie révélés par la mission d'enquête, l'un des détenus, Mehmet Aslan, est mort sur place d'un traumatisme crânien le 24 septembre, 8 autres le lendemain à l'hôpital, également de traumatisme crânien, et le dixième, Kadri Gumus, deux jours après, lors de son transport à l'hôpital d'Antep situé à environ 350 km de Diyarbakir. La mission parlementaire demande au parquet de Diyarbakir d'engager des poursuites judiciaires contre 30 soldats et 38 matons et policiers impliqués dans cette tuerie. Selon les députés, ces 68 personnels de sécurité devraient être poursuivis pour "coups et blessures ayant entraîné la mort", crime puni de peines allant jusqu'à 12 ans de prison selon le Code pénal turc. "Même pendant une mutinerie ceux qui sont au service de l'État n'ont pas le droit d'agir par vengeance" a déclaré, Sabri Ergül, député CHP, membre de la mission d'enquête. Son collègue Sevki Yilmaz, du parti islamiste, a, de son côté, estimé que "les employés de l'État ne peuvent pas assumer le rôle des procureur, juge et justicier" et tuer des détenus suspectés d'appartenance au PKK.

Ce rapport d'une extrême gravité a eu un certain retentissement dans les média. Mais le Parquet de Diyarbakir n'a encore ouvert aucune information contre les soldats et policiers incriminés. D'ailleurs selon la loi turque sur le jugement des fonctionnaires (Memurin Muhakemat Kanunu) aucune poursuite ne peut être engagée contre des fonctionnaires de l'État sans l'autorisation du préfet du lieu où des crimes ont été commis. Dans plusieurs affaires où des fonctionnaires ont été impliqués dans des meurtres d'opposants les préfets ont refusé au Parquet l'autorisation d'engager des poursuites. Les cas les plus connus sont l'assassinat sous la torture, à Bitlis, du journaliste Seyfettin Tepe et le meurtre en pleine rue, à Istanbul, par des policiers du vendeur de journaux Irfan Dagdas. Les préfets de ces deux villes ont pris des décisions de "refus de poursuites" (men'i muhakeme) et ces deux crimes sont restés impunis.

Dans son éditorial du 3 décembre intitulé "Où est l'État ?" le journaliste libéral Hasan Cemal écrit dans le quotidien Sabah: " L'information a fait la manchette du Milliyet du samedi (30 novembre) sous le titre "barbarie de la torture !" Un sous-titre en caractères frappants précisait: "Des rapports d'autopsie établissent que des détenus tués lors des affrontements survenus à la prison de Diyarbakir sont morts à la suite de la torture". Le récit se poursuit ainsi: "Les investigations de la mission d'enquête de la Commission des droits l'homme du Parlement dépêchée dans la région révèlent une vérité tenue secrète. Des rapports d'autopsie communiqués à la Commission établissent que la mort des 10 détenus est due aux lésions cérébrales causées par la torture. Les rapports qui ont éclairé les travaux de la Commission indiquent que les détenus ont été battus même lors de leur transport à l'hôpital". Cette information terrible sur la torture est parue samedi. Depuis, il s'est passé 3 jours. Aucune réaction en Turquie! N'est-ce pas une situation terrible ? Je regarde le Premier ministre Erbakan qui déclare à la télévision: "La punition d'une femme médecin pour port de foulard à l'université d'Istanbul est une torture inhumaine" Soit. Mais que dites-vous de la mort sous la torture (de 10 détenus), Maître? Dans un pays normal une telle information aurait provoqué un tollé général. Mais en Turquie, hélas, pas la moindre réaction! Mais où est donc passé l'État? Regardez aussi le scandale Goktepe ! Rappelez-vous ce jeune collègue, Metin Göktepe, battu à mort lors de sa garde à vue. Il y a 48 policiers prévenus dans ce procès. 11 policiers sont tenus pour responsables de la mort de Goktepe. Le procès a d'abord commencé à Istanbul. Puis, sous prétexte de sécurité, il a été transféré à Aydin. Les avocats des policiers prévenus ont invoqué le même prétexte de sécurité et obtenu le transfert à Afyon. Le procès devait commencer enfin dans cette ville la semaine dernière mais affirmant ne pas avoir reçu le dossier, la Cour l'a reporté. Il s'est passé 11 mois. Les 11 policiers impliqués dans ce meurtre n'ont toujours pas comparu devant une Cour. Où est donc la Justice? Où est l'État?"



DES JEUNES ÉTUDIANTS CONDAMNÉS À PLUS DE 18 ANS DE PRISON


Suite aux manifestations-monstres des étudiants, protestant contre l'augmentation des frais d'inscription aux universités, en mars dernier plusieurs étudiants avaient été gardés en détention préventive. La comparution de ceux-ci le 6 décembre devant la Cour de Sûreté d'État d'Ankara a donné lieu à une audience pour le moins très houleuse. Plusieurs d'entre eux ont été condamnés à plus de 18 ans de prison. Quatre autres ont été condamnés à des peines allant de 3 à 12 ans. La police est intervenue très violemment pour disperser les familles et les proches des étudiants: une ancienne députée présente à l'audience a dû être hospitalisée avec une fracture à la jambe, à la suite de l'intervention musclée de la police.



LA COUR DE SÛRETÉ D'ÉTAT D'ANKARA POURSUIT 4 ANCIENS DÉPUTÉS KURDES


La Cour de Sûreté d'État d'Ankara a lancé, lundi 2 décembre, une information judiciaire contre 4 anciens députés kurdes du Parti de la Démocratie (DEP, interdit depuis 1994): Mehmet Emin Sever, Mahmut Uyanik, Muzaffer Demir et Abdülkerim Zilan. Les chefs d'accusation retenus par les juges turcs sont: "propagande séparatiste" (il s'agit de l'appel lancé par les députés kurdes du DEP à l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) afin d'envoyer un comité d'observation permanent dans le Sud-Est kurde de la Turquie); "grève de la faim" observée par les députés lors de l'opération de grande envergure lancée par les forces de sécurité turques dans le Sud-Est de la Turquie ainsi qu'au Kurdistan d'Irak en 1992 ou encore "une conférence de presse" lors de laquelle les députés kurdes avaient mentionné l'existence du peuple kurde en Turquie. Les peines encourues par les ex-députés kurdes vont de 4,5 à 7,5 ans de prison. Alors que la justice turque poursuit de ses foudres ces 4 ex-députés kurdes "coupables de délit d'opinion", un autre député kurde, Sedat Bucak, chef d'une armée privée de 10.000 miliciens, et impliqué dans nombre de crimes et meurtres, coule de jours tranquilles à Ankara. Son mentor Mme. Çiller le qualifie de "héros national" pour "services rendus à l'État".



CAMPAGNE POUR LA LIBÉRATION DE LA DÉPUTÉE KURDE LEYLA ZANA


Nous avons déjà signalé notre précédent bulletin l'initiative "Une journée en prison pour Leyla Zana". Une délégation de sept femmes, en majorité allemandes, a demandé lundi 9 décembre à Ankara la libération de Mme. Zana et a appelé les pays européens à "arrêter leur soutien économique et politique" au gouvernement d'Ankara. L'initiatrice de cette campagne, Florence Hervé, journaliste et universitaire, a déclaré dans une conférence de presse, que les femmes signataires de son appel étaient "prêtes à passer chacune une journée en prison à Ankara pour écourter le temps de prison que Leyla Zana doit encore purger, 4745 jours, soit 13 ans". Mme. Hervé a présenté une pétition de plus de 2000 signatures, dont celle de la présidente de notre Comité, Mme. Mitterrand, de personnalités soutenant leur campagne dans 11 pays européens, aux États-Unis et au Canada. Dans le cadre de cette mission à Ankara, la délégation souhaitait rencontrer Mme. Zana dans sa prison ainsi que le président du Parlement turc pour lui remettre la pétition. Mais les autorités turques ont interdit à la délégation l'accès de la prison. Les femmes solidaires de Leyla Zana ont manifesté devant la prison, puis donné une conférence de presse au siège de l'Association turque des droits de l'homme. Après avoir protesté contre le refus des autorités turques de les recevoir et de les laisser rendre visite à Leyla Zana, Mme. Hervé a notamment déclaré: "Leyla Zana est un symbole. Le symbole de la lutte du peuple kurde pour la paix, pour la démocratie et pour le respect des droits de l'homme. En ce jour marquant le deuxième anniversaire de sa condamnation nous demandons sa libération et celle de ses collègues détenus".



"LES MÈRES DU SAMEDI" REÇOIVENT UN PRIX INTERNATIONAL DES DROITS DE L'HOMME


La ligue des droits de l'homme allemande a accordé son prix cette année aux mères des "disparus" en Turquie appelées communément "les mères du samedi" d'après leur rassemblement hebdomadaire tous les samedis à Istanbul. En recevant le Prix au nom des "mères du samedi" Mme. Nimet Tanrikulu a déclaré à la presse: "C'est un soutien chaleureux qui va au-delà des frontières; ce Prix a donné du retentissement à notre voix". Amnesty International et Reporters sans frontières ont participé à la cérémonie de la remise de ce Prix nommé Carl von Ossietzsky, du nom du journaliste allemand qui a lutté contre le nazisme et qui avait reçu le Prix Nobel en 1935.



LA REQUÊTE DE 16 AVOCATS KURDES JUGÉE EN PARTIE RECEVABLE PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME


La plainte de 16 avocats kurdes arrêtés en 1993, qui ont passé entre 7 et 25 jours en prison à Diyarbakir, dans le Kurdistan turc, a été jugée en partie recevable, le lundi 2 décembre, par la Commission européenne des droits de l'homme. Toutefois, celle-ci n'a pas précisé quels sont les points de la requête jugés recevables et ceux qui ne le sont pas. Les avocats se plaignent, pour leur part, d'avoir été détenus parce qu'ils ont défendu des clients suspects d'être des membres du PKK, parce qu'ils ont porté l'affaire de certains de leurs clients devant la Commission européenne des droits de l'homme et à cause du rôle qu'ils ont joué dans des procès politiques en Turquie. Ils affirment, par ailleurs, qu'ils ont subi en prison de mauvais traitements. La Commission va tenter de chercher un arrangement à l'amiable entre les parties. Si, comme c'est très probable, elle n'y parvient pas, l'affaire sera déférée à la Cour européenne des droits de l'homme.



LE DANEMARK EXIGE DE LA TURQUIE LA LISTE ROUGE DE DANOIS "INDÉSIRABLES"


A la suite de l'arrestation et de l'expulsion d'un député danois, M. Soeren Soendergaard, le vendredi 29 novembre à Ankara, le ministre danois des Affaires étrangères Niels Helveg Petersen a exigé que le gouvernement turc lui remette "la liste rouge" de ressortissants danois jugés "indésirables" par Ankara. "Nous avons demandé des explications au gouvernement turc sur cette interpellation du député danois et nous allons suivre de près cette affaire" a indiqué le ministre danois. Le député en question s'était rendu à Ankara pour assister au procès d'un Danois d'origine kurde. L'ambassadeur turc à Copenhague, Turan Morali, a été convoqué pour donner des explications au ministère danois des Affaires étrangères sur le cas de ce député. Deux autres députés danois sociaux-démocrates siégeant à l'assemblée de Strasbourg, Freddy Blak et Kirsten Jensen, ont demandé que cette affaire soit soulevée rapidement au Parlement européen. "Ce cas est encore un argument pour geler les quelque 2,5 milliards de couronnes (425 millions de dollars) promis à la Turquie dans le cadre des accords douaniers entre ce pays et l'Union européenne" ont-ils souligné. Le mardi 10 décembre, le ministre danois des Affaires étrangères a, en marge de la réunion des ministres de l'OTAN, rencontré son homologue turc, Mme. Tansu Çiller, à qui il a rappelé l'affaire de la "liste rouge" en disant: "J'espère vraiment qu'Ankara renoncera à cette liste car son maintien est tout à fait déraisonnable". Quatre politiciens de gauche et un responsable du Centre danois, connus pour leur défense des droits de l'homme, ont été déclarés persona non grata en Turquie à la suite de leurs déclaration en faveur des droits du peuple kurde.



58 OFFICIERS ET SOUS-OFFICIERS ISLAMISTES RADIÉS DE L'ARMÉE


Le Conseil militaire suprême, réuni les 8 et 9 décembre à Ankara, avec la participation des principaux généraux turcs, a décidé de radier de ses cadres 69 sous-officiers et officiers, dont 58 suspectés de tendance islamiste. Les 11 autres seraient de tendance "séparatiste" (pro-kurde) ou d'extrême gauche. Le Premier ministre islamiste Erbakan, théoriquement président de ce Conseil, aurait, selon la presse, tenté de s'opposer à ces radiations mais les chefs militaires n'auraient tenu aucun compte de ses objections. Après cet exercice rituel d'exorcisme, les généraux accompagnés d'Erbakan se sont rendu au mausolée d'Ataturk pour lui rendre l'hommage également rituel et obligatoire. Théoriquement ces radiations devaient être soumises à l'approbation du président Demirel avant d'être rendues publiques. Mais le secrétariat du chef d'état-major a annoncé la nouvelle sans attendre cette formalité superflue. Leur porte-parole s'est contenté de cette explication laconique: "Nos décisions sont communiquées au président de la République pour information; elles ne nécessitent pas son approbation". En Turquie, après Dieu, l'armée est un maître absolu qui ne souffre ni contrôle ni tutelle! Sur sa demande le Premier ministre islamiste, et qui est très anti-israélien, a dû approuver la signature, jeudi 5 décembre, d'un accord turco-isaélien d'un montant de 600 millions de dollars pour la modernisation de 54 F-4 de l'armée turque par Israeli Aircraft Industries.



LA PRESSE TURQUE APPELLE LE PARLEMENT EUROPÉEN AU SECOURS


Menacée dans sa très relative liberté d'expression par un projet de loi draconien, la presse turque se met depuis quelques semaines à alerter des institutions européennes comme le Parlement européen, le Conseil de l'Europe, l'OSCE que pendant des années elle n'a eu de cesse de décrier comme "anti-turques" lorsque celles-ci dénonçaient les violations des droits de l'homme perpétrées par les autorités turques notamment envers la population civile kurde et les députés kurdes. Après les Kurdes, après les journalistes et les intellectuels de l'opposition, les grands journaux, qui se croyaient tout puissants, sont à leur tour dans le collimateur d'un pouvoir politique vindicatif qui ne tolère pas la timide" campagne pour une société propre" (Temiz toplum) lancée par des quotidiens proches des milieux d'affaires pro-européens. Ainsi, les patrons des quotidiens Hürriyet, Milliyet, Sabah, Cumhuriyet et Yeni Yüzyil se sont rendus personnellement à Strasbourg pour s'exprimer dans un débat organisé le 10 décembre par plusieurs groupes du Parlement européen sur le sort de la presse en Turquie. Ces journaux qui jusqu'à récemment passaient sous silence les prises de position des eurodéputés rendent désormais compte de toute critique visant le gouvernement dans les limites du nationalisme turc dominant, c'est-à-dire à condition que ces critiques n'invoquent pas le sort des Kurdes.



LIBÉRATION DE SIX SOLDATS TURCS PAR LE PKK


Six soldats turcs capturés lors des combats entre les troupes turques et les maquisards du PKK, il y a 18 mois, et qui étaient détenus par ces derniers dans leurs camps en territoire irakien ont été libérés dimanche 8 décembre. Un comité formé par un député islamiste, Fethullah Erbas, de deux militants des droits de l'homme ainsi que des proches des soldats turcs s'était rendu le 6 décembre en territoire irakien pour récupérer ceux-ci. Le PKK affirme avoir consenti à ce "geste humanitaire" à l'occasion de la journée mondiale des droits de l'homme.



LES DOCUMENTS SECRETS DE MESUT YILMAZ


Depuis plus d'un mois le chef de l'opposition de droite affirme détenir des "documents secrets explosifs" sur les ramifications de la mafia dans l'appareil d'État turc. Ces documents qu'il refuse de divulguer pour l'instant, "au nom de la sécurité d'État", consisteraient, selon le Milliyet du 3 novembre, en 3 cassettes d'interrogatoires de certains responsables policiers et une vingtaine de dossiers. Il y aurait également une cinquantaine de pages d'aveux de deux fonctionnaires impliqués dans un meurtre qui expliqueraient en détails le mécanisme des entreprises criminelles menées au nom de l'État. Après avoir reçu M. Yilmaz, le président Demirel a trouvé ces accusations "précises et très graves" et demandé au Premier ministre de diligenter des poursuites. De son côté, Mme. Çiller a obtenu de sa collègue et complice Aksener, ministre de l'Intérieur, de suspendre le directeur de la police d'Istanbul, Yazicioglu, et son adjoint, qui auraient communiqué ces dossiers compromettants à M. Yilmaz. Selon l'éditorialiste Yavuz Donat du Milliyet (30. 11. 96) "l'analyse de ces documents révéle une structure secrète à 4 niveaux: au sommet, des haut responsables politiques, puis un niveau de coordination, formé de hauts responsables policiers qui donne des instructions aux gens du 3ème niveau qui sont des chefs de gang mafieux, lesquels font exécuter les ordres reçus, moyennant compensations financières, par des tueurs qui forment le quatrième niveau et la base de cette organisation criminelle". Dans le Hurriyet du 9 décembre, le journaliste Ismet Berkan, qui affirme avoir eu accès à un document confidentiel du Conseil de Sécurité nationale sans pouvoir le photocopier, retrace l'histoire de ce "Gladio turc". Selon lui "Tout a commencé au début 1992. L'état-major de l'armée a alors procédé à une modification radicale de sa stratégie de lutte contre le PKK". Après avoir décidé de faire évacuer les villages pour priver le PKK de toute base logistique, l'état-major a alors programmé l'élimination de tous ceux qui étaient susceptibles de contribuer financièrement ou par la propagande aux actions du PKK. Une organisation spéciale incluant le chef mafieux Abdullah Çatli et ses hommes et des policiers des équipes spéciales (Özel Tim) a été conçue. Lors du premier examen de ce projet, le président Ozal et le général Esref Bitlis, commandant en chef de la gendarmerie, s'opposèrent à la coopération de l'État avec des éléments extérieurs. Cela peut-être n'a rien à avoir avec ces objections mais, par une coïncidence étrange, d'abord le général Bitlis puis le président Ozal sont morts. L'un dans un accident, l'autre d'une crise cardiaque. S. Demirel est devenu président et T. Çiller son Premier ministre (..) D'abord très modérée sur la question du Sud-Est, Çiller est devenue le plus dur des faucons (..) Constatant qu'il n'y avait plus d'opposants à son projet, le Conseil de Sécurité national (CSN) l'a adopté en automne 1993. Et ce que vous pourrez appeler "Gladio" et que j'appellerai "organisation spéciale" a ainsi été officiellement créé par une décision du CSN. La Turquie dépensait alors 8 milliards de dollars par an dans la lutte contre le PKK. Le budget de guerre du PKK était évalué à l'époque par les autorités à 3 milliards de dollars par an (..) Vous vous souvenez des déclarations de Tansu Çiller affirmant que les sources de financement du PKK allaient être taries. Behçet Canturk, Savas Buldan, Yusuf Ekinci, Haci Karay, Adnan Yildirim, Medet Serhat et dernièrement Ö. Topal (tous suspectés de financer le PKK) ont été tués (..) Le siège et les bureaux de province du quotidien Ozgure Ülke, considéré comme l'organe du PKK, ont été plastiqués et détruits. La police d'Istanbul aurait arrêté certains des plastiqueurs puis les auraient relâchés, sur instructions venues de haut lieu" .

Cet article qui leve tout juste le coin du voile sur quelques unes de "plus de mille opérations secrètes" dont l'ex-ministre de l'Intérieur Mehmet Agar se vante d'avoir mené, n'a pas été démenti par les autorités turques.