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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 271

10/9/2003

  1. LE MINISTRE IRAKIEN DES AFFAIRES ETRANGÈRES, HOSHYAR ZEBARI, DÉCLARE NE VOULOIR AUCUNE IMPLICATION DE LA TURQUIE DANS LES OPÉRATIONS EN IRAK
  2. SEIZE OPPOSANTS KURDES IRANIENS SOUS LA PROTECTIONS DU HCR EN TURQUIE ONT ÉTÉ REMIS À TÉHÉRAN PAR LES AUTORITÉS TURQUES
  3. VISITE DU PREMIER MINISTRE TURC EN ALLEMAGNE
  4. ECHEC DE L’AMNISTIE PARTIELLE À LA TURQUE ET ANNONCE PAR LE PKK DE FIN DE CESSEZ-LE-FEU UNILATÉRAL
  5. LE PROCÈS À LA COUR DE CASSATION DU PARTI PRO-KURDE DEHAP POURRAIT INTRODUIRE 66 DÉPUTÉS DU PARTI DYP AU PARLEMENT TURC EN FAISANT FI DES 2 MILLIONS DE VOIX DES KURDES


LE MINISTRE IRAKIEN DES AFFAIRES ETRANGÈRES, HOSHYAR ZEBARI, DÉCLARE NE VOULOIR AUCUNE IMPLICATION DE LA TURQUIE DANS LES OPÉRATIONS EN IRAK


Le nouveau ministre irakien des Affaires étrangères, le Kurde Hoshyar Zebari, a estimé le 5 septembre qu'un déploiement de troupes turques ou d'autres pays voisins ne ferait qu'ajouter aux problèmes de sécurité de son pays et souhaité des troupes françaises, russes et allemandes. “ Nous ne voulons aucune implication d'aucun des voisins de l'Irak dans les opérations de maintien de la paix car chacun y a ses propres objectifs politiques ”, a déclaré le ministre.

M. Zebari a par ailleurs appelé trois pays qui se sont opposés à la guerre américaine en Irak à envoyer des troupes pour aider à stabiliser son pays. “ Je pense que l'on a besoin que des pays européens favorables à un Proche-Orient stable participent à l'internationalisation de la force ” de la coalition américano-britannique en Irak, a-t-il ajouté, en soulignant que ce serait bien “ si les Français, les Russes et les Allemands par exemple y participent ”. Il a relevé que les Irakiens ne prendraient pas au sérieux l'envoi de forces de la part de pays qui ne disposent pas de technologie militaire avancée.

La Russie a rejoint le 5 septembre l'Allemagne et la France pour souligner les insuffisances du nouveau projet de résolution américain sur l'Irak, en réitérant son appel à un rôle central pour l'Onu dans ce document. Washington presse la Turquie, l'un de ses alliés à l'Otan, à envoyer des troupes en Irak et Ankara a indiqué ne pas écarter cette possibilité et évoqué un déploiement de près de 10.000 soldats. Les partisans d'une présence turque en Irak estiment que l'armée d'Ankara aurait ainsi son mot à dire dans l'Irak de l'après-Saddam Hussein où les dirigeants turcs craignent l'émergence d'une entité kurde.

M. Zebari, membre du cabinet formé avec la bénédiction de Washington, a affirmé que son gouvernement était opposé à une présence militaire turque. “ En se déployant, les Turcs auront le moyen de poursuivre leurs objectifs politiques ce qui pourrait conduire à une déstabilisation de l'Irak ”, a-t-il déclaré. “ L'objectif du processus d'internationalisation est de stabiliser la situation sur le terrain mais si au bout il y a déstabilisation, il y a donc un problème ”, a ajouté le responsable irakien. M. Zebari, qui a indiqué que la Jordanie et d'autres voisins de l'Irak avaient été approchés sur une éventuelle présence militaire en Irak, a concédé qu'il revenait en définitive à la coalition de “ décider ”.

Le déploiement turc a été proposé pour la province d'Al-Anbar, une vaste région non-kurde et sunnite allant de l'ouest de Bagdad aux frontières avec la Syrie et la Jordanie. “ Le corridor pose problème ”, a souligné M. Zebari, se référant au fait que les troupes turques auraient à traverser la zone kurde pour arriver à Al-Anbar. “ Elles auront à traverser le nord kurde et y établir des bases pour protéger leurs routes d'approvisionnement et leurs patrouilles. Ceci pourrait être une forme de présence, ce qui est très problématique ”. Il a estimé que la solution pourrait être un déploiement turc par l'ouest, à travers la Jordanie, et par le sud, à travers le Koweit.

M. Zebari a également assuré qu'Ankara ne devrait pas s'inquiéter de sa nomination aux Affaires étrangères et nié que cela aiderait à soutenir les aspirations séparatistes des Kurdes. “ Au contraire, cela renforce l'unité nationale et donne aux Kurdes le sentiment d'appartenir à ce pays ”, a-t-il souligné, affirmant représenter tous les Irakiens.

La Turquie a, 1er septembre, appelé les Etats-Unis à agir contre les combattants kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) réfugiés en Irak, avant des négociations sur une participation d'Ankara à la force de maintien de la paix dans le pays voisin.

SEIZE OPPOSANTS KURDES IRANIENS SOUS LA PROTECTIONS DU HCR EN TURQUIE ONT ÉTÉ REMIS À TÉHÉRAN PAR LES AUTORITÉS TURQUES


Un parti d'opposition kurde iranien a accusé le 8 septembre la Turquie d'avoir remis 16 opposants Kurdes iraniens au gouvernement de Téhéran et de mettre ainsi leur vie en péril. “ Les Turcs ont remis au (gouvernement) iranien 16 kurdes iraniens qui étaient actifs dans le passé au sein de l'Union des révolutionnaires du Kurdistan (URK) et du Parti démocratique du Kurdistan d'Iran (PDKI), en vertu d'un accord entre les services de renseignements des deux pays ”, a déclaré à Erbil, au Kurdistan irakien, le porte-parole de l'URK, Hussein Yazdanpana. “ Cela met leur vie en péril ”, a-t-il déclaré, affirmant que deux dissidents remis par la Turquie à la République islamique d'Iran avaient été exécutés en janvier et novembre 2002.

M. Yazdanpana s'exprimait au lendemain de la publication par son organisation d'un communiqué dans la ville kurde d'Erbil, accusant les autorités turques d'avoir transféré un nombre de Kurdes iraniens d'un camp de réfugiés à Van vers une zone frontalière de l'Iran en prévision de leur expulsion en République islamique. Selon le communiqué, les Kurdes iraniens étaient enregistrés auprès du Haut commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) et vivaient à Van d'où ils avaient l'intention de partir vers un pays tiers. M. Yazdanpana a accusé le HCR de n'avoir pas empêché cette expulsion et exhorté les organisations de défense des droits de l'Homme à intervenir pour protéger les quelques 1.500 Kurdes iraniens réfugiés dans le camp.

VISITE DU PREMIER MINISTRE TURC EN ALLEMAGNE


Le chancelier allemand Gerhard Schroeder a expressément appuyé, le 2 septembre, la candidature controversée de la Turquie à l'Union européenne, félicitant Ankara pour ses “ progrès ” dans les réformes, à l'issue du premier déplacement à Berlin du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan. Ce nom “ est associé à des progrès, pour lesquels j'exprime mon grand respect ”, a dit le chancelier, à l'issue de sa première rencontre à Berlin avec M. Erdogan en tant que Premier ministre. “ Je suis assez convaincu que le processus engagé va grandement aider la Turquie à réaliser son vœu, à savoir devenir un jour un membre à part entière de l'UE ”, a ajouté M. Schroeder. “ Les attentes (des Turcs) ne peuvent pas et ne doivent pas être déçues ”, a assuré Gerhard Schroeder.

“ L'Union européenne n'est pas une communauté culturelle, religieuse ou géographique ”, a dit pour sa part le Premier ministre turc. “ C'est une communauté de valeurs ”, a-t-il plaidé, mettant en avant “ les nombreux ensembles de réformes importants ” adoptés par Ankara.

Les Quinze, très divisés sur une adhésion de la Turquie à l'UE, avaient annoncé lors du sommet de Copenhague en décembre 2002 qu'ils décideraient fin 2004 de l'opportunité d'entamer des négociations avec Ankara en fonction de l'avancée démocratique de ce pays. L'intégration de la Turquie divise toutefois l'UE, notamment à cause de la situation des droits de l'Homme dans ce pays, objet de critiques régulières. Signe de cette méfiance : la justice allemande a rejeté la semaine dernière l'expulsion du Turc Metin Kaplan, chef de l'organisation islamiste interdite Hilafet Devleti, craignant que la procédure judiciaire en Turquie ne soit pas conforme aux principes de l'Etat de droit. Les deux hommes ont par ailleurs vivement critiqué le parti conservateur allemand bavarois CSU, qui veut faire campagne sur le refus de voir la Turquie rejoindre l'UE lors des élections européennes de 2004. “ C'est une polémique de caniveau ”, a jugé le chancelier. Mais, le Premier ministre turc a, lui-même, lancé une polémique, lorsqu’il a affirmé à une question posée par l’ambassadeur allemand à Ankara, qu’un homme avait le droit d’avoir jusqu’à quatre épouses si celles-ci étaient malades ou handicapées.

Sur le plan bilatéral, le Premier ministre turc a réitéré son intérêt pour les chars allemands Leopard-2. Berlin avait adopté une réglementation sur les armes introduisant pour le pays acquéreur le respect des droits de l'Homme comme l'un des critères à respecter. “ Nous ne pouvons pas accepter qu'un pays qui va être membre de l'UE et se prépare à des négociations se voie ainsi imposer des restrictions pour les exportations d'armes ”, a déclaré M. Erdogan au journal économique allemand Handelsblatt.

ECHEC DE L’AMNISTIE PARTIELLE À LA TURQUE ET ANNONCE PAR LE PKK DE FIN DE CESSEZ-LE-FEU UNILATÉRAL


Osman Ocalan, membre du Conseil du commandement du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), rebaptisé Congrès de la démocratie et de la liberté pour le Kurdistan (Kadek), a, le 4 septembre, menacé, de renouer avec la guérilla après une trêve de quatre ans, si la Turquie ne convenait pas d'une “ feuille de route ” pour résoudre le problème kurde. “ La guerre, cette fois, ne sera pas traditionnelle et c'est la Turquie qui assumera la responsabilité de pertes civiles éventuelles ”, a affirmé au journal arabe Al-Hayat Osman Ocalan. “ Notre parti est tout à fait prêt à mener de grandes attaques dans les différentes villes et gouvernorats et ne se contentera pas de lutter dans les montagnes et les villages comme il le faisait au début des années 1990 ”, a-t-il ajouté au lendemain de l'annonce de la fin du cessez-le-feu unilatéral décidé en 1999 par le PKK.

M. Ocalan, interviewé dans son fief dans les montagnes Qandîl du Kurdistan irakien, à la frontière entre l'Irak et l'Iran, a estimé que le seul choix de la Turquie pour éviter la guerre était de convenir d'une “ feuille de route ” pour résoudre pacifiquement le problème kurde. Ce plan de paix stipulerait un cessez-le-feu bilatéral, le transfert de son frère, Abdallah Ocalan, condamné à perpétuité et détenu dans l'île d'Imrali, “ où l'humidité nuit à sa santé ”, et la dissolution des “ forces de protection des villages ”, mises sur pied par le gouvernement turc. M. Ocalan a par ailleurs reconnu avoir à deux reprises eu des contacts non officiels avec des responsables américains, qu'il n'a pas identifiés, dans le but de “ faire connaissance ”.

Il a affirmé que les Américains n'avaient pas demandé à son parti d'abandonner les armes. “ Les Américains autorisent tout le monde à travailler (NDLR : politiquement) en Irak tant qu'ils restent loin de la violence ”.

En annonçant le 1er septembre la fin de cette trêve unilatérale, le PKK n'avait pas pour autant appelé ses militants à renouer avec la guérilla qui a fait plus de 36.000 morts depuis 1984.

Par ailleurs, depuis le 29 juillet, date d'entrée en vigueur de la loi d'amnistie partielle, huitième du genre depuis le début du conflit en 1984, offerte aux repentis d'organisations clandestines armées, y compris ceux du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK-rebaptisé KADEK), huit militants kurdes seulement sont arrivés d'Irak au poste frontière voisin, témoignant du peu de succès de l'opération.

Trois “ centres de réhabilitation ” mis en place en août dernier dans le pays pour les repentis restent désespérément vides. La loi d'amnistie, appelée “ loi de repentis ”, propose aux militants de groupes armés, dans le meilleur des cas un pardon, mais le plus souvent de simples remises de peine et seulement au cas où ils fourniraient aux autorités des informations sur leurs activités. Selon les derniers chiffres officiels, un total de 2.138 personnes - en majorité des membres du PKK, mais aussi des militants de groupes armés de gauche - ont demandé à bénéficier de la loi d'amnistie. Mais 1.927 d'entre eux sont déjà en prison, et espèrent seulement obtenir ainsi une réduction de peine. Selon les autorités, un total de 211 militants du PKK se sont rendus - dont huit venant des maquis irakiens et qui se sont présentés au poste frontière d'Habur.

Les dirigeants de l'organisation sont exclus de l'offre d'amnistie et les “ repentis ” de base risquent de passer aux yeux de la population comme des “ collaborateurs ” puisqu'ils leur faut fournir des renseignements aux autorités. Pour le parti pro-kurde de la démocratie (Dehap), principale formation pro-kurde du pays, la loi est un “ fiasco total ”. “ Au lieu de proclamer des lois de remise de peine, l'Etat devrait plutôt travailler à une amnistie générale qui concernerait tous les membres du PKK ”, y compris leur chef Abdullah Ocalan qui purge depuis 1999 une peine de prison à vie, selon Tuncer Bakirhan, le président du Dehap. Pour le chef de ce parti, menacé d'interdiction par la justice turque en raison de liens présumés avec le PKK: “ Pas un seul rebelle n'est descendu de sa montagne jusqu'à présent ”.

Pour le président de l'Association turque des droits de l'Homme (IHD), Husnu Ondul, seule une amnistie qui comprendrait les cadres du PKK est susceptible de mettre fin à la lutte armée.

LE PROCÈS À LA COUR DE CASSATION DU PARTI PRO-KURDE DEHAP POURRAIT INTRODUIRE 66 DÉPUTÉS DU PARTI DYP AU PARLEMENT TURC EN FAISANT FI DES 2 MILLIONS DE VOIX DES KURDES


La Cour de cassation turque examinera le 11 septembre l’affaire du parti de la démocratie du peuple (DEHAP-prokurde), poursuivi par les autorités turques pour “ faux en document ” dirigée contre quatre de ces responsables. La justice turque reproche concrètement au DEHAP soit de ne pas avoir de contrat immobilier du parti, ou encore dans certains districts l’absence d’extraits de casier judiciaires d’au moins sept personnes nécessaires pour la reconnaissance d’implantation du parti, ou encore l’absence de pièces d’identité. La cour de cassation qui a l’habitude d’instruire entre 6 mois et un an pour les procès avec arrestation et jusqu’à 2 ans pour les procès sans arrestation, surprend par sa célérité en mettant à son ordre du jour ce procès, 4 mois seulement après le pourvoi. Si la Cour de cassation confirme l’arrêt du tribunal correctionnel d’Ankara en condamnant DEHAP, le haut conseil des élections (YSK) devrait alors se prononcer sur les répercussions que cela peut avoir sur les élections législatives du 3 novembre 2002 ayant conduit le parti de la Justice et du développement (AKP) et le parti Républicain du peuple (CHP) au Parlement turc. Toutes les spéculations sont émises par la presse turque et certains journalistes comme Oktay Eksi, éditorialiste au quotidien turc Hurriyet, n’hésitent pas à faire campagne pour que les votes obtenus par le DEHAP soient tout simplement annulés et faire rentrer par voie de conséquence le parti de la Juste Voie (DYP), de Mehmet Agar, au Parlement.

En cas d’annulation des voix obtenues par le DEHAP, les bulletins de vote valides passent de 31 300 000 à 29 350 000- Le DEHAP avait obtenu 1 950 000 voix- et le seuil national nécessaire pour entrer au Parlement passe de 3 130 000 à 2 935 000. Le DYP ayant recueilli plus de trois millions de voix dépasse donc le seuil national de 10 % et se voit le droit d’entrer au Parlement turc avec 66 députés. Le parti AKP devrait concéder 44 sièges et le CHP 22 autres au parti DYP. Mais en poussant plus loin ce raisonnement il faudrait aussi prendre en considération les élections partielles tenues à Siirt et ayant conduit le Premier ministre R. T. Erdogan au Parlement. Le haut conseil des élections (YSK) n’avait pas à l’époque permis au parti DYP de participer à ces élections, faute d’avoir franchi le seuil national de 10 %. Si le conseil autorise aujourd’hui le parti DYP à entrer au Parlement, il faudrait alors réorganiser les élections de Siirt affirment certains observateurs, des élections qui mettraient en jeu le siège même du Premier ministre au Parlement.

Le parti DEHAP était arrivé premier dans treize provinces du Kurdistan dont Siirt et 51 députés DEHAP auraient pu siéger au Parlement si le seuil national était de 5 %.

Par ailleurs, la Cour constitutionnelle turque devrait se prononcer sur l’affaire du parti pro-kurde HADEP, dissout par la justice turque sur la base de l’article 8/1 de la loi anti-terreur turque, aujourd’hui abrogé dans le cadre des efforts d’harmonisation pour l’entrée de la Turquie à l’Union européenne. Sept de ses dirigeants ayant été condamnés sur la base de cet article, le HADEP avait été par voie de conséquence interdit et 46 membres du parti avaient été interdits de la vie politique. Ces derniers ont donc saisi la Cour constitutionnelle en évoquant l’abrogation de l’article 8/1, la cour devrait donc se prononcer le 11 septembre sur la recevabilité de la requête.