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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 267

17/7/2003

  1. LES ONG DENONCENT LES IRRÉGULARITÉS DANS LE PROCÈS DE LEYLA ZANA ET DE SES COLLÈGUES ET DEMANDENT UN PROCÈS ÉQUITABLE ET IMPARTIAL
  2. SOUS LA PRESSION DE L’ARMÉE TURQUE, LE GOUVERNEMENT ENVISAGE DE REMETTRE EN CAUSE LES RÉFORMES RELATIVES À LA DIFFUSION DE LA LANGUE KURDE ALORS MÊME QU’ELLES N’ONT EU AUCUNE APPLICATION JUSQU’AUJOURD’HUI
  3. LE PARLEMENT EUROPÉEN ADOPTE UNE RÉSOLUTION SUR LA TURQUIE EN METTANT L’ACCENT SUR “ LA NECESSITÉ D’UNE RÉFORME COMPLÉTE DE L’ETAT ”
  4. REPRESSION POLICIÈRE CONTRE DES MANIFESTANTS DEMANDANT L’AMNISTIE GÉNÉRALE ET ACCROCHAGE À BINGOL FAISANT DEUX MORTS DANS LES RANGS DU PKK
  5. UNE RADIO INTERDITE DES ONDES POUR UN MOIS ET SANS MISE EN DEMEURE POUR AVOIR DIFFUSÉ EN KURDE
  6. LA CONDAMNATION DE LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME POUR VIOLATION DE LA LIBERTÉ DE L’EXPRESSION N’EMPECHE PAS LES AUTORITÉS TURQUES DE POURSUIVRE UN AUTEUR POUR LE MÊME LIVRE
  7. LES KURDES DE TURQUIE REFUGIÉS AU KURDISTAN IRAKIEN DEMANDENT À RENTRER CHEZ EUX


LES ONG DENONCENT LES IRRÉGULARITÉS DANS LE PROCÈS DE LEYLA ZANA ET DE SES COLLÈGUES ET DEMANDENT UN PROCÈS ÉQUITABLE ET IMPARTIAL


La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), les Femmes solidaires, la Fondation France-Libertés, le Comité International pour la libération des députés kurdes emprisonnés en Turquie (CILDEKT), et l’Institut kurde de Paris, s’inquiètent du déroulement du nouveau procès en cours contre Leyla Zana et ses collègues à Ankara qui doivent se présenter le 20 juin à la 4ème audience d’un procès qui fait fi des conclusions de la Cour européenne des droits de l’homme. Voici le texte cosigné par ces cinq organisations :



« Leyla Zana est la première femme parlementaire kurde portée par son peuple, élue au Parlement turc avec d’autres parlementaires d’origine kurde, lors des élections législatives de 1991.



Au cours de la cérémonie d’investiture, elle prononce à la tribune quelques mots en kurde, qui créent le scandale. En décembre 1994, Leyla Zana, et trois autres députés du Parti de la démocratie (DEP), Orhan Dogan, Hadip Dicle et Selim Sadak, sont condamnés à 15 ans de prison pour “ délit d’opinion et soutien supposé exprimé à l’égard du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ”. Née en 1961 dans un petit village dans la province de Diyarbakir, dont son mari Mehdi Zana était maire, mariée à 15 ans, Leyla Zana ne se destinait certainement pas à devenir le symbole de la lutte des Kurdes de Turquie. Elevée dans une famille traditionaliste kurde où l’on n’envoie pas les filles à l’école (elle y sera restée un an et demi seulement), elle ne forgera sa conscience politique qu’au fil de la répression.



En 1995, le Parlement européen lui décerne le prix “ Sakharov pour la liberté de l’esprit ” et en 2001, la Cour européenne des droits de l’Homme[1] condamne la Turquie pour violation de la Convention pour non respect du droit à un procès équitable. Pour autant, Leyla Zana et ses proches n’ont pas pu faire valoir leurs droits. Néanmoins, en vertu des nouvelles réformes législatives adoptées par le Parlement Turc dans le cadre de l’adhésion à l’Union européenne[2], ils sont aujourd’hui re-jugés - … après neuf ans d’emprisonnement à la prison Centrale d’Ulucanlar – Ankara – par la même Cour sensée faire sienne la décision rendue par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH).



Alors que l’arrêt de la CEDH condamnait avec insistance le rôle prépondérant du Procureur dans ce procès au détriment de la défense, nous avons après nos observations, forte inquiétude que la même Cour de Sûreté de l’Etat (DGM) d’Ankara à l’origine de leur condamnation persiste et aboutisse à la même décision à l’issue d’une procédure non équitable.



Vendredi 20 Juin 2003, les anciens députés comparaissent ainsi pour la quatrième fois cette année devant la Cour de sûreté de l’Etat. Et déjà, depuis la première audience de ce “ nouveau procès ” le 28 mars dernier, de nombreuses irrégularités ont été constatées par la FIDH et d’autres ONGs nationales et internationales. En effet, bien que tenue par les termes de l’arrêt de la Cour de Strasbourg[3], le procureur de la Cour de sûreté de l’Etat d’Ankara a constamment interféré dans les travaux du Juge en refusant systématiquement à la défense le droit d’interroger les témoins à charge, tous gardiens de villages ou membres des forces de sécurité. A l’inverse, la défense, menée par Maître Yusuf Alatas du Barreau d’Ankara, n’a pu interroger les témoins de l’accusation ni faire entendre des témoins à décharge. Lors de la dernière audience du 23 mai, la Cour a en effet rejeté, sans aucun motif pertinent, toutes les demandes de la défense tendant aussi bien à la libération provisionnelle des accusés, qu’à l’audition de témoins de la défense, en violation flagrante des termes de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme.



Par ailleurs, les renvois répétitifs des audiences à des dates ultérieures n’ont pour but que de lasser les observateurs venus des différents pays européens.



Ce procès politique est symptomatique des enjeux auxquels sont confrontés les autorités turques dans le cadre du processus d’adhésion à l’Union européenne. Alors que le gouvernement AKP de Recep Tayyip Erdogan fait preuve d’un effort politique significatif de réforme à travers l’adoption d’une série de réformes législatives dans le cadre de l’harmonisation visant à satisfaire aux critères de Copenhague – le 6ième paquet étant débattu par le Parlement turc ces jours ci -, le système judiciaire turc (aux ordres du Conseil National de Sécurité (MGK)), s’inscrit en porte à faux avec les principes mêmes de Conseil de l’Europe en détournant de manière scandaleuse le sens même de la décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.



L’arsenal de lois restrictives et sécuritaires, avec en toile de fond la Constitution autoritaire héritée du coup d’Etat du 12 Septembre 1980 – dont le préambule consacre le nationalisme turc dit “ Kémalisme ” comme principe fondamental de la République - grève une réelle volonté de réformes. “Il est impossible de parler de jugement impartial et indépendant en Turquie tant que perdureront les articles 140, 144 et 159 de la Constitution…” reconnaissait le 21 mai dernier, le président de la Cour de cassation turque, Eraslan Ozkaya. Le 6 juin dernier, le Parlement européen a “invité le gouvernement turc à présenter, dans les meilleurs délais, une feuille de route et un calendrier clair pour la mise en oeuvre des critères de Copenhague…”[4]. A la veille du procès de Leyla Zana et de ses amis, et à l’heure du Conseil européen de Thessalonique (du 19 au 20 juin), la Cour de Sûreté de l’Etat d’Ankara doit saisir cette nouvelle occasion de s’engager sur la voix de la démocratisation et de l’Etat de droit en accordant la libération provisoire immédiate des anciens députés kurdes, et en leur assurant un procès équitable, public et impartial. »

SOUS LA PRESSION DE L’ARMÉE TURQUE, LE GOUVERNEMENT ENVISAGE DE REMETTRE EN CAUSE LES RÉFORMES RELATIVES À LA DIFFUSION DE LA LANGUE KURDE ALORS MÊME QU’ELLES N’ONT EU AUCUNE APPLICATION JUSQU’AUJOURD’HUI


Le gouvernement turc envisagerait de faire machine arrière sur la question de la diffusion d'émissions en langue kurde sur les ondes de la Radio-télévision d'Etat (TRT), a laissé entendre le 16 juin le ministre turc des Affaires étrangères Abdullah Gul. “ Il y a peut-être de gros problèmes pour la diffusion en kurde par la TRT ”, a confié le ministre dans une interview publiée par le quotidien turc Vatan, faisant référence aux nombreuses objections militaires à cette réforme, l’armée turque étant particulièrement réticente à toute concession culturelle. La diffusion en kurde par la TRT pourrait encourager d'autres minorités à réclamer des émissions dans leur propre langue, a expliqué M. Gul pour qui des émissions en kurde posent également “ la menace que cette langue puisse être considérée comme une seconde langue officielle ”. “ Nous estimons qu'il est approprié pour des stations privées de le faire (diffuser des émissions en kurde) ”, a-t-il affirmé. “ Si on met en place certaines règles et qu'on surveille ces émissions, il n'y aura pas de problème ”, a-t-il ajouté.



Le parlement avait autorisé de telles émissions de même que l’enseignement privé des “ langues autres que le turc ” en août 2003 dans le cadre de réformes visant à favoriser l'adhésion du pays à l'Union européenne, mais jusqu'à présent ces réformes sont restées lettre morte, certaines écoles privées se plaignant de difficultés bureaucratiques pour obtenir l’autorisation d'enseigner et la TRT refusant toute diffusion en kurde. Le 17 février 2003, la TRT a même fait appel auprès du Conseil d'Etat de la décision les contraignant à diffuser quelques heures par semaine en kurde, estimant qu'une telle obligation était contraire à ses statuts, rapporte le 16 juin le quotidien turc Radikal qui ajoute que le Conseil d'Etat n'a toujours pas rendu un avis sur la question. La saisine du Conseil d’Etat faite en toute discrétion a même étonné le président du RTUK (ndlr : l’équivalent turc du Conseil supérieur de l’Audiovisuel (CSA)), Fatih Karaca qui a critiqué l’ancien président de la TRT, Yucel Yener en déclarant “ il a participé à toutes les réunions et protocoles avec le RTUK avant l’élaboration du règlement et puis on apprend qu’il a saisi le Conseil d’Etat…je n’arrive pas à concilier cette attitude avec le sérieux de l’Etat ”.



Face à cette situation, le gouvernement vient de soumettre au parlement de nouveaux projets de réforme, notamment l'autorisation pour les chaînes de radio et télévision privées de diffuser en kurde. Le gouvernement du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, considéré avec suspicion par les militaires en raison de ses origines islamistes, a d’ores et déjà pris acte des objections de l’armée turque en renonçant à faire voter une loi qui aurait autorisé l'établissement de salles de prière dans les immeubles d'habitation. Le ministre turc de la Justice et porte-parole du gouvernement Cemil Cicek a affirmé le 11 juin à la télévision que ce projet de loi visait à faciliter les activités des groupes religieux non-musulmans, mais avait été abandonné en raison des “ préjugés ” à l'encontre de son parti. Les mesures avaient été débattues le 10 juin pendant plus de six heures en conseil des ministres.



Interrogé sur le rôle de l'armée dans l'élaboration des réformes, M. Cicek a estimé que l'armée est “ la seule institution non-gouvernementale en Turquie qui prend le temps d'analyser en détail ces questions et d'émettre une opinion ”. L'armée, bien qu'officiellement en faveur de l'adhésion du pays à l'Union Européenne, a récemment fait état, par des fuites orchestrées dans la presse, de son inquiétude quant à certaines réformes envisagées.



L'Union européenne a fait de la reconnaissance des droits culturels de la minorité kurde une des aunes de la libéralisation du pays, condition nécessaire à l'ouverture de négociations d'adhésion avec la Turquie à l'horizon 2005.

LE PARLEMENT EUROPÉEN ADOPTE UNE RÉSOLUTION SUR LA TURQUIE EN METTANT L’ACCENT SUR “ LA NECESSITÉ D’UNE RÉFORME COMPLÉTE DE L’ETAT ”


Le Parlement européen a, le 5 juin, adopté une résolution sur la demande d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, élaboré par M. Arie Ooslander (PPE-DE), par 216 voix pour, 75 voix contre et 38 abstentions, en soulignant “ la nécessité d'une réforme complète de l'Etat ” et invitant “ le gouvernement turc à mettre en place un nouveau système politique et constitutionnel garant des principes d'un régime laïc et d'un contrôle du pouvoir militaire par le pouvoir civil ”. Voici de larges extraits de cette résolution :



Les députés européens constatent que “ l'armée conserve un rôle de pierre angulaire dans l'État et la société turcs; déplore que son rôle excessif freine l'évolution de la Turquie vers un système démocratique et pluraliste; préconise que la Turquie profite de ce que le gouvernement actuel bénéficie d'un large soutien parlementaire pour mettre en place un nouveau régime politique et constitutionnel garantissant les principes d'un régime laïque sans suprématie militaire par rapport aux institutions civiles, afin de ramener la puissance traditionnelle de la bureaucratie et de l'armée (“ Etat profond ”) aux formes habituellement admises dans les États membres ”



“ Estime que dans le cadre de la réforme de l'État, la suppression à terme du Conseil national de sécurité dans sa forme et sa position actuelles sera nécessaire afin d'aligner le contrôle exercé par l'administration civile sur les militaires sur les pratiques observées dans les États membres de l'Union européenne; est conscient que le changement structurel souhaité sera très difficile à accepter ”

“ Suggère que les représentants militaires se retirent des organes civils, tels que les Hauts conseils de l'éducation et de l'audiovisuel, afin d'assurer une pleine indépendance de ces institutions; invite instamment les autorités turques à instaurer un contrôle parlementaire complet sur le budget militaire, en tant que volet du budget national ”

“ …Souligne que les modifications demandées sont si fondamentales qu'elles exigent l'élaboration d'une nouvelle Constitution explicitement fondée sur les principes démocratiques, lesquels créeront notamment l'équilibre entre les droits des individus et des minorités et les droits collectifs, conformément aux normes européennes usuelles, telles que formulées dans la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales… ”

“ Estime que le concept turc de la nation et de l'État laïque doit également être fondé sur la tolérance et la non-discrimination des communautés religieuses et des groupes minoritaires; estime que l'élaboration d'une nouvelle constitution doit faciliter la mise en œuvre de ces principes… ”

“ Encourage les autorités turques à consolider le principe de primauté du droit international sur la loi nationale en cas de divergence substantielle ayant trait au respect des droits de l'homme et de l'État de droit… ”

“ …Invite la Turquie à s'engager sans délai dans un processus d'adhésion au statut de la Cour pénale internationale; estime qu'il s'agit d'un élément fondamental dans les relations entre la Turquie et l'Union européenne; souligne que la Turquie est le seul membre du Conseil de l'Europe à ne pas encore avoir signé ce statut ”

“ Déplore que la Turquie ait très longtemps différé l'exécution des décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, sur lesquelles l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a insisté par le biais d'une résolution adoptée le 23 septembre 2002… ”

“ Demande instamment l'amnistie pour les prisonniers d'opinion qui purgent leur peine dans les prisons turques bien qu'ils aient exprimé leur opinion de façon pacifique; salue les réformes qui permettent la réouverture des procès dont les jugements violaient la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales; se félicite, dans ce contexte, de la réouverture de la procédure contre Leyla Zana, lauréate du Prix Sakharov du Parlement européen, et trois autres anciens députés du parti de la démocratie (DEP) emprisonnés depuis plus de neuf ans; exige un procès équitable et leur libération provisoire immédiate ”

“ …Demande aux autorités turques d'adopter des mesures énergiques et cohérentes, afin d'améliorer la qualité du système judiciaire et les qualifications des juges, auxquels incombe la grande responsabilité de créer une nouvelle culture juridique au service du citoyen… ”

“ Préconise que le système électoral fasse en sorte que la composition du Parlement rende pleinement justice au principe de la représentation démocratique, notamment en ce qui concerne la représentation de la population kurde et d'autres minorités ”

“ Se félicite vivement du vote du parlement turc du 2 août 2002 en faveur de l'abolition de la peine de mort en temps de paix et de la signature ultérieure du protocole nº 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, le 15 janvier 2003; se réjouit de ces étapes importantes, mais demande également que cette abolition soit étendue aux crimes commis en temps de guerre ”

“ Condamne la décision prise par la Cour constitutionnelle turque d'interdire le HADEP et préconise que cette décision soit reconsidérée; considère que cette interdiction va à l'encontre de la Convention européenne des droits de l'homme et de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et qu'elle viole les droits élémentaires à la liberté d'expression et de réunion; estime que l'exercice de poursuites politiques à l'égard de partis tels que le HADEP et le DEHAP, qui tous deux font l'objet d'une procédure d'interdiction analogue, va à l'encontre des principes démocratiques fondamentaux ”

“ Rappelle l'engagement pris par le gouvernement turc d'éradiquer définitivement la torture (tolérance zéro); constate avec préoccupation que les pratiques de torture se poursuivent et que les tortionnaires jouissent souvent de l'impunité; demande que les mesures les plus énergiques et conséquentes soient prises pour lutter contre cette pratique barbare et que le Centre pour le traitement et la rééducation des victimes de la torture de Diyarbakir, qui bénéficie du soutien de la Commission, puisse poursuivre sans entrave ses activités ”

“ Demande à la Turquie d'appliquer les normes internationales dans les prisons et de ne pas pratiquer l'isolement des prisonniers… Est préoccupé par la poursuite de cas de grève de la faim dans les prisons turques, et encourage les efforts engagés pour parvenir, par le biais du dialogue, à une solution permettant d'éviter d'autres morts ”

“ Demande aux autorités turques que tous les prisonniers, y compris ceux qui sont en situation de détention et placés sous la juridiction des tribunaux de sécurité d'État, puissent avoir un accès réel à l'assistance juridique; invite le gouvernement turc à adopter rapidement une législation visant à abolir l'article 31, paragraphe 1, de la loi modifiant certains article du Code de procédure pénale (1992, nº3842), qui refuse aux détenus emprisonnés pour des délits relevant de la juridiction des tribunaux de sécurité d'État, le droit à une assistance juridique au cours des premières 48 heures de leur détention ”

“ Est profondément préoccupé par les rapports faisant état de fréquentes violences sexuelles et de viols perpétrés par des agents de sécurité de l'État sur des femmes détenues; constate que les femmes d'origine kurde et les femmes dont les convictions politiques sont jugées inacceptables par les autorités ou les militaires sont particulièrement exposées à ces violences; exige la garantie que les fouilles pratiquées sur des détenues ne soient opérées que par du personnel féminin et que les abus de pouvoir fassent l'objet de sanctions ”

“ Note que la présence de populations d'origine kurde dans plusieurs pays, y compris la Turquie, ne doit pas empêcher celle-ci d'établir des relations plus souples et plus constructives avec ses propres citoyens d'origine kurde, comme avec les autres minorités ethniques et religieuses… ”

“ Demande à la Turquie de veiller à la diversité culturelle et de garantir les droits culturels de tous les citoyens, quelle que soit leur origine, de veiller à assurer un véritable accès à la radiodiffusion et à la télédiffusion, y compris aux médias privés, et l'éducation en langue kurde et dans d'autres langues non turcophones, et ce par l'application des mesures existantes et la suppression des restrictions qui empêchent encore cet accès ”

“ Invite la Turquie à prendre d'autres mesures dans le cadre de l'intégrité territoriale du pays, qui répondent aux intérêts légitimes de la population kurde et des ressortissants des autres minorités en Turquie, et à veiller à ce que ceux-ci soient associés à la vie politique ”

“ Respecte la priorité accordée au turc comme première langue nationale, mais souligne que cela ne doit pas se faire au détriment d'autres langues autochtones (par exemple le kurde et l'arménien) et liturgiques (telles que l'araméen/syriaque), dont l'usage constitue un droit démocratique des citoyens… Invite la Turquie à respecter et mettre en valeur le patrimoine culturel arménien et syriaque, composantes de l'identité nationale turque ”

“ S'inquiète des récentes circulaires du ministère turc de l'éducation nationale intimant aux écoles primaires et secondaires du pays de prendre part à une campagne négationniste à propos de l'oppression des minorités au cours de l'histoire de la Turquie, en particulier à l'égard de la communauté arménienne ”

“ Exhorte les autorités turques à mettre immédiatement un terme à tous les niveaux (national, régional, local) à toute activité discriminatoire qui entrave la vie des minorités religieuses, notamment dans le domaine des droits de propriété, des donations, de l'immobilier et de l'entretien des édifices religieux et du champ de compétence des directions d'écoles…”

“ … Est satisfait de la levée de l'état d'urgence le 30 novembre 2002 dans les deux dernières provinces restantes de Diyarbakir et Sirnak, mais exhorte la Turquie à contribuer à la disparition des tensions avec la population kurde et à s'efforcer de combler le sous-développement économique et social des régions où elles habitent, à faciliter le retour vers les villages 'vidés' et le retour des réfugiés de l'étranger et à organiser le démantèlement des milices armées des villages kurdes et syriens orthodoxes ”

“ Demande aux autorités turques d'assurer un contrôle civil sur toute activité militaire éventuelle dans ces régions et d'exiger des forces de sécurité (police et armée) qu'elles répondent de leurs actes en toutes circonstances ”

“ Demande à la Turquie de coopérer avec ses voisins, à savoir l'Iran, la Syrie et l'Irak, afin de respecter et protéger les frontières tout en permettant aux citoyens d'origine kurde de ces pays de développer leurs relations humaines, culturelles et économiques; invite le gouvernement turc à continuer de s'abstenir de toute violation de l'intégrité territoriale de l'Irak et à respecter la compétence que détient l'Irak pour réaménager ses propres organisations administratives ”

REPRESSION POLICIÈRE CONTRE DES MANIFESTANTS DEMANDANT L’AMNISTIE GÉNÉRALE ET ACCROCHAGE À BINGOL FAISANT DEUX MORTS DANS LES RANGS DU PKK


La police turque a interpellé le 16 juin 114 personnes dans la ville kurde de Bingol alors qu'elles manifestaient pour réclamer une amnistie générale pour permettre aux combattants kurdes de déposer leurs armes et de regagner la vie civile. Dans un premier temps, 61 personnes dont 60 femmes de la “ Plateforme féminine ”, avaient été interpellées par les forces de sécurité. Ensuite, un autre groupe de 53 personnes a également été interpellé. Quatre avocats, qui en faisaient partie, ont été relâchés, selon les autorités turques.



340 organisations non gouvernementales, défenseurs des droits de l'homme, partis politiques pro-kurdes et syndicats ont appelé le 14 juin le gouvernement turc à proclamer une amnistie générale pour les militants kurdes, dans le but de stabiliser la paix dans cette région. “ Une amnistie sans conditions et sans limites est le seul moyen de venir à bout des tensions ”, affirme un texte signé par ces organisations. “ Réclamer le repentir ne résoudra pas les problèmes, mais créera les conditions pour qu'ils prolifèrent ”, affirme le texte présenté lors d'une conférence de presse à Diyarbakir.



Le gouvernement prépare actuellement une loi d'amnistie, limitée à d'éventuels repentis, mais qui serait d'application plus large que des précédentes dispositions légales prises à l'égard de militants pro-kurdes, leur demandant de se repentir et de livrer des informations sur le PKK. Ces textes excluaient également des dirigeants de ce mouvement. Les responsables militaires turcs estiment que quelque 5.000 membres du PKK ont trouvé refuge dans les montagnes du Kurdistan irakien et après la guerre en Irak, les Américains ont affirmé qu'ils ne tolèreraient pas la présence de “ ces miliciens ” sur le sol irakien et poussent Ankara à décréter une amnistie.



Le gouvernement souhaite faire voter par le parlement de nouvelles réformes concernant les droits des Kurdes avant le sommet européen de Salonique (Grèce) des 20 et 21 juin.



Par ailleurs, deux combattants du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) ont été tués lors d'un accrochage avec l'armée turque au cours d’une opération militaire, qui s'est déroulée le 15 juin dans la province kurde de Bingol. Le gouverneur de Bingol, Huseyin Avni Cos, a déclaré que cette opération avait été déclenchée l’assassinat d’un maire de village de la province par des membres du PKK la semaine précédente.

UNE RADIO INTERDITE DES ONDES POUR UN MOIS ET SANS MISE EN DEMEURE POUR AVOIR DIFFUSÉ EN KURDE


Alors que le président de l’organe de contrôle et de régulation des radios et télévisions turques (RTUK) critique ouvertement l’ancien président de la chaîne nationale turque (TRT) pour avoir saisi en catimini le Conseil d’Etat afin de s’opposer à la diffusion des émissions en kurde sur la TRT, il décide en même temps d’interdire la radio Dunya (Monde) émettant en kurde dans le cadre strict de la réglementation turque. Par décision datée du 12 juin, Fatih Karaca oppose une interdiction d’un mois à la radio Dunya, incriminée pour un programme intitulé “ la langue et la littérature kurdes ”. “ La violation du principe de non-diffusion contre l’existence et l’indépendance de la République de Turquie et l’unité indivisible de l’Etat et de son peuple a été constaté… Par conséquent… il n’y a pas lieu de mettre en demeure ” précise le texte signé par F. Karaca fixant au 10 juillet l’arrêt des émissions.

Le directeur éditorial de la radio, Sabri Ejder Oziç, se dit surpris par la décision en déclarant “ le RTUK n’évoque pas dans sa décision comme infraction le contenu du programme. Le seul problème est l’utilisation de la langue kurde. Les réformes apportées à la Constitution en vue d’une adhésion à l’Union européenne nous octroient pourtant ce droit. Nous avons fait tellement attention à la diffusion ; nous avons respecté la durée imposée par les règlements, alors que nous ne diffusions qu’une demi-heure par semaine en kurde, nous faisions une traduction simultanée en turc, et diffusions quelques chansons en kurde ”. Pour les responsables turcs même une demi-heure de musique kurde par semaine constitue une menace grave pour l’existence de leur république qui apparemment semble bien fragile.

LA CONDAMNATION DE LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME POUR VIOLATION DE LA LIBERTÉ DE L’EXPRESSION N’EMPECHE PAS LES AUTORITÉS TURQUES DE POURSUIVRE UN AUTEUR POUR LE MÊME LIVRE


Condamné à plus d’un an de prison par la Cour de sûreté de l’Etat (DGM) d’Istanbul n°2 pour un livre intitulé “ La faillite du paradigme ” (Paradigmanin iflasi), Fikret Baskaya, universitaire turc, s’est le 2 juin présenté devant la Cour de sûreté de l’Etat d’Ankara n°1, pour la publication de la huitième édition du même livre. Fikret Baskaya avait purgé sa peine de prison alors que la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Turquie notamment pour violation de la liberté de l’expression.

Ainsi, Fikret Baskaya risque sur la base de la loi 8/1 anti-terreur turque d’un an et 4 mois de prison jusqu’à quatre ans de prison pour un livre qui reste dans le cadre de la liberté de l’expression de l’auteur selon le jugement même de la Cour européenne des droits de l’homme dont l’autorité reste ainsi théorique tant qu’elle n’inflige que des amendes .

LES KURDES DE TURQUIE REFUGIÉS AU KURDISTAN IRAKIEN DEMANDENT À RENTRER CHEZ EUX


Selon le quotidien turc Milliyet du 15 juin, la Sous-commission relative des réfugiés de la commission des droits de l’homme du Parlement turc, a décidé de se rendre au Kurdistan irakien pour examiner la situation des 12 000 réfugiés kurdes de Turquie, contraints à l’exil en 1990 du fait de l’oppression exercée par les autorités turques. “ Partis il y a 13 ans avec le message “ la Turquie est devenue invivable pour les Kurdes ”, au moment où les combats étaient intenses avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), les 12 000 Kurdes désireux de revenir avec la fin de la terreur, laisse la Turquie dans l’embarras ” écrit le journal.

Président de la sous-commission, le député du parti de la Justice et du développement (AKP), Faruk Unsal, a déclaré qu’après avoir discuté avec une délégation composée de 140 réfugiés en attente à Sirnak, ils se rendront au Kurdistan pour étudier la question sur le terrain dans les camps de Makhmour et de Zeli dans la province de Mossoul qui était jusqu’à la chute du régime de Saddam Hussein sous le contrôle de celui-ci.
[1] Arrêt du 17 juillet 2001 : “ Sadak et autres contre Turquie ”
[2] Adopté en janvier 2003, le 4ème paquet de réformes législatives autorisant le re-jugement des personnes dont les sentences ont été condamnées par la Cour de Strasbourg.
[3] Le droit au procès équitable reconnaît notamment le droit d’interroger ou de faire interroger les témoins à charge et à décharge (article 6 § 3 d) de la CEDH
[4] Résolution du Parlement européen sur la demande d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne (COM(2002) 700 - C5-0104/2003 - 2000/2014(COS))