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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 258

20/12/2002

  1. LA TURQUIE MASSE DES TROUPES À LA FRONTIÈRE DU KURDISTAN IRAKIEN
  2. LE PRÉSIDENT SEZER OPPOSE SON VETO À L’AMENDEMENT PERMETTANT L’ELECTION DE RECEP TAYYIP ERDOGAN
  3. TURQUIE-UE : COMPROMIS POUR UN RENDEZ-VOUS EN DÉCEMBRE 2004
  4. 54ÈME ANNIVERSAIRE DE LA DÉCLARATION UNIVERSELLE DES DROITS DE L’HOMME : LES VIOLATIONS CONTINUENT EN TURQUIE
  5. LA LOI SUR LA DIFFUSION TÉLÉVISUELLE EN KURDE PUBLIÉE DANS LE JOURNAL OFFICIEL


LA TURQUIE MASSE DES TROUPES À LA FRONTIÈRE DU KURDISTAN IRAKIEN


Un haut responsable militaire turc a, le 16 décembre, déclaré que l'armée turque a redéployé plusieurs milliers d'hommes près de la frontière avec l'Irak pour se tenir prête en cas d'action militaire contre Bagdad. Il a ainsi confirmé des rumeurs persistantes sur des mouvements de troupes dans la région jouxtant le Kurdistan de l'Irak. Selon la presse, des unités militaires turques près de la frontière avec le Kurdistan irakien ont été placées en alerte tandis que des renforts étaient transférés depuis l'ouest vers l'est du pays. Le quotidien turc Hurriyet rapporte le 17 décembre que la Turquie souhaiterait déployer des troupes dans le Kurdistan de l’Irak, en cas d'intervention militaire américaine contre Bagdad, pour prévenir toute tentative par les Kurdes irakiens de mettre en place leur Etat propre. Selon le journal qui titrait: « Si vous en avez 60.000, nous en aurons plus », Ankara souhaiterait même que le nombre de soldats turcs déployés soit supérieur à celui de soldats américains. Selon la presse turque, le Pentagone souhaiterait déployer quelque 60.000 soldats américains dans le Kurdistan de l'Irak et 30.000, sur des bases arrière en Turquie.

« Il y a eu des mouvements de troupes ces derniers jours ...La raison de ces déploiements est de s'assurer que l'armée turque est prête dans l'éventualité d'une opération en Irak » a déclaré le responsable officiant dans la province kurde frontalière de Sirnak. D'après le responsable militaire, les récents déploiements impliquent des unités du génie capables de construire des ponts et de garantir l'accès des soldats aux montagnes du Kurdistan de l'Irak en cas de besoin. Il n'a pas donné de chiffres mais d'après des sources locales, 10 à 15.000 hommes seraient concernés. La Turquie dispose d'une armée de 500 000 hommes, des conscrits pour la plupart.

Ankara se déclare opposé à un conflit en Irak, par crainte qu'il ne ravive le sentiment nationaliste kurde au cas où les Kurdes de l'Irak obtiendraient une autonomie renforcée. Mais la Turquie a déclaré qu'elle autoriserait les Etats-Unis à utiliser ses bases militaires en cas d'action contre l'Irak, à condition que cette dernière soit approuvée par les Nations unies. Les forces américaines sont déjà basées à Incirlik pour mener leurs patrouilles dans la zone d'exclusion aérienne imposée par Washington dans le Kurdistan de l'Irak.

La Turquie, qui a déployé depuis plusieurs années plusieurs centaines de soldats dans le nord de l'Irak pour surveiller les activités du parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a déjà fait savoir qu'elle envisage de mettre en place une « zone tampon » dans le Kurdistan de l'Irak pour éviter un afflux massif de réfugiés sur son sol en cas de guerre. L'Iran et la Syrie renforceraient également leurs dispositifs militaires aux frontières avec l'Irak, selon la presse turque.

Par ailleurs, le quotidien Milliyet du 19 décembre relatant les discussions en coulisse avec les Etats-Unis écrit que l’armée turque pourrait intervenir seule pour protéger ses intérêts dans la région. Le journal souligne le fait qu’il faut s’imposer rapidement dans les régions kurdes pétrolières de Mossoul et de Kirkouk pour ensuite tirer profit de la présence militaire et indique que Ankara appelle les Etats-Unis à travailler en coordination avec ses forces.

Pour leur part, les autorités et la population du Kurdistan irakien sont très hostiles à toute intervention turque. Washington a été averti par les Kurdes et par l’opposition irakienne qu’une telle intervention provoquerait une chaîne de réactions locales et régionales.

LE PRÉSIDENT SEZER OPPOSE SON VETO À L’AMENDEMENT PERMETTANT L’ELECTION DE RECEP TAYYIP ERDOGAN


Le président turc Ahmed Necdet Sezer a opposé le 19 décembre son veto à une série d'amendements à la Constitution qui auraient permis à Recep Tayyip Erdogan, le chef du parti de la Justice et du Développement (AKP) vainqueur des élections du mois dernier, de se présenter aux élections législatives partielles du 9 février et de devenir Premier ministre. Le chef de l'Etat s'est opposé à ces révisions, arguant qu'elles avaient été conçues au profit de Recep Tayyip Erdogan. Il a estimé que les amendements avaient été élaborés « pour un individu » et rappelé que les lois sont faites « pour le bénéfice » du public et doivent être « objectives ».

Recep Tayyip Erdogan, l'homme politique le plus populaire du pays, n'avait pu se présenter aux législatives en raison d'une condamnation pour « incitation à la haine raciale ». Son parti, issu du mouvement islamiste turc, se défend d'être islamiste.

Le Parlement turc avait, le 13 octobre, approuvé par 440 voix contre 18, un amendement modifiant l'article de la Constitution empêchant les personnes condamnées pour des « activités anarchistes et idéologiques » illégales de briguer des postes publics. Le Parlement peut encore revenir sur le veto du président. Si l'assemblée vote une deuxième fois la révision constitutionnelle, le chef de l'Etat aura le choix de l'approuver ou de convoquer un référendum sur le sujet.

TURQUIE-UE : COMPROMIS POUR UN RENDEZ-VOUS EN DÉCEMBRE 2004


La Turquie a accepté, le 13 octobre, à contrecœur la proposition des Quinze d'un « rendez-vous » en décembre 2004 pour évaluer ses progrès dans la perspective d'une adhésion à l'Union européenne. Afin de ne pas froisser Ankara, les Européens ont ajouté in extremis une clause dans le communiqué final du sommet de Copenhague dans laquelle ils s'engagent à ouvrir « sans délai » les négociations après cette date.

Malgré les pressions américaines, les Européens ont voulu donner une image de fermeté sur le dossier turc. Aucune date n'a été donnée à Ankara pour l'ouverture des négociations d'adhésion. Cette fermeté apparente a d’abord provoqué la fureur des dirigeants turcs, venus plaider leur cause dans la capitale danoise. « Cela signifie que nos efforts ne sont pas pris en compte et qu'il y a un préjugé contre nous », a déclaré dans un premier temps le Premier ministre turc Abdullah Gül. Il a par ailleurs « profondément regretté » l'attitude de Jacques Chirac, en l'accusant d'avoir « influencé négativement » la décision prise la veille par les Quinze. Selon le Premier ministre turc, le président français aurait affirmé devant ses collègues que la Turquie « faisait chanter » les Européens. L'Elysée a démenti que Jacques Chirac ait tenu de tels propos.

Les Quinze estiment que la date de décembre 2004 laisse le temps au nouveau gouvernement turc de mener à bien ses réformes et aux Européens d'achever la première vague d'élargissement et la réforme des institutions. Selon le communiqué final du sommet, l'UE ouvrira des négociations avec la Turquie si le conseil européen de décembre 2004 décide, « sur la base d'un rapport et d'une recommandation de la Commission, que la Turquie satisfait aux critères politiques de Copenhague ».

« Nous aurons tout fini et serons prêts en octobre 2003... L'UE ne pourra pas faire une seule objection dans le rapport sur les progrès de la Turquie », soulignait M. Gul, cité, le 17 octobre, par le quotidien turc Milliyet, en ajoutant « Notre peuple ne mérite-t-il pas plus de liberté, de démocratie et de droits, que nous rejoignions l'UE ou pas ? »

Le compromis passé avec la Turquie a eu un effet immédiat. Dans la soirée du 13 décembre, Ankara a accepté de débloquer les négociations entre l'UE et l'OTAN sur l'utilisation par la première des moyens militaires de la seconde pour ses opérations militaires extérieures. Un pas en avant important pour l'Europe de la Défense.

54ÈME ANNIVERSAIRE DE LA DÉCLARATION UNIVERSELLE DES DROITS DE L’HOMME : LES VIOLATIONS CONTINUENT EN TURQUIE


A l’occasion du 54ème anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’homme, l’association turque des droits de l’homme (IHD) et la fondation turque des droits de l’homme (TIHV) ont, le 10 décembre 2002, organisé une conférence en faisant le bilan sur la situation des droits de l’homme en Turquie. Ainsi, Husnu Ondul, le président de l’IHD a dénoncé non seulement les violations mais également la situation économique en rappelant que 15 % de la population vivaient en dessous du seuil de la pauvreté en Turquie selon les estimations du Premier ministre turc, Abdullah Gul. Le président de l’IHD a également énuméré les manquements législatifs en Turquie en soulignant le fait que le programme national turc n’est toujours pas en conformité avec la Convention européenne des droits de l’homme, les violations portées contre la liberté de la presse, la liberté d’opinion et la liberté de l’expression.

Husnu Ondul a aussi rappelé la pratique systématique de la torture en soulignant que 381 personnes avaient été torturées les six premiers mois de l’année 2002. Il a par ailleurs indiqué que 2260 personnes avaient été traduites en justice dans les six premiers mois pour avoir exprimé leurs opinions.

LA LOI SUR LA DIFFUSION TÉLÉVISUELLE EN KURDE PUBLIÉE DANS LE JOURNAL OFFICIEL


Une loi, votée en août pour autoriser la diffusion d'émissions de radio et de télévision en langue kurde, a été publiée seulement le 18 décembre au journal officiel en Turquie et les programmes n'étant toujours pas prêts, certains Kurdes qualifient cette réforme de « farce ».

La loi sur les programmes en langue kurde, accompagnée d'autres mesures touchant à l'enseignement - dans le secteur privé - de cette langue, avait pourtant fait l'objet d'un grand battage médiatique par un pays soucieux de convaincre l'Union européenne (UE) de son ralliement à une véritable démocratie. Mais le nombre et la nature des émissions prévues par le Haut Conseil de l'audiovisuel turc (RTUK) apparaîssent bien en deçà des espérances des Kurdes de Turquie, qui représentent selon les estimations entre un quart et un tiers des 70 millions d'habitants du pays. La loi prévoit la diffusion d'un maximum quotidien de 45 minutes d'émissions radiophoniques en kurde, soit quatre heures par semaine, et de 30 minutes de programmes télévisés par jour, soit deux heures par semaine.

À la radio, l'intégralité des programmes en langue kurde sera suivie de leur traduction en turc, tandis que les émissions télévisées devront être sous-titrées mot pour mot, spécifie le texte de loi. Seule la société nationale de radio-télévision TRT pourra diffuser en langue kurde, ce qui élimine les très nombreuses chaînes privées.

Les programmes ne comprendront que de la musique et des informations, et les présentateurs devront apparaître à l'écran « en habits modernes », ce qui signifie que les costumes kurdes traditionnels seront bannis.