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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 240

7/5/2002

  1. LE COMITÉ DES MINISTRES DU CONSEIL DE L’EUROPE DEMANDE À LA TURQUIE DE RÉVISER LE PROCÈS DES DÉPUTÉS KURDES EMPRISONNÉS
  2. LA TURQUIE LANCE UNE OFFENSIVE CONTRE LES ONGs INTERNATIONALES POUR “ SOUTIEN D’ORGANISATION TERRORISTE ”
  3. NOUVELLE PRISE D’OTAGE EN TURQUIE : AUCUNE OPÉRATION PRO-TCHÉTHÉNE NE PEUT ÊTRE QUALIFIÉE DE TERRORISTE EN TURQUIE


LE COMITÉ DES MINISTRES DU CONSEIL DE L’EUROPE DEMANDE À LA TURQUIE DE RÉVISER LE PROCÈS DES DÉPUTÉS KURDES EMPRISONNÉS


Dans une résolution adoptée, le 30 avril, et rendu public le 2 mai, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe, s'appuyant sur une décision de la Cour européenne des droits de l'Homme, a demandé à la Turquie de réviser le procès de Leyla Zana et de ses collègues, ex-députés du parti de la démocratie (DEP, dissous), condamnés en 1994 à 15 ans de prison “ pour séparatisme kurde ”. Le comité des ministres “ invite instamment ” les autorités turques à remédier “ rapidement à la situation ” des parlementaires et leur demande également de prendre “ les mesures nécessaires pour rouvrir les procédures incriminées par la Cour dans cette affaire ou d'autres mesures ad hoc effaçant les conséquences pour les requérants des violations constatées ”.

En termes diplomatiques et courtois, il s’agit en fait d’une injonction à l’adresse de la Turquie à exécuter dans les meilleurs délais la décision de la Cour européenne. En cas de refus et de retard excessif, le comité pourrait prendre des sanctions allant jusqu’à la suspension d’Ankara.

Le 17 juillet 2001, la Cour européenne avait condamné la Turquie pour “ procès inéquitable ”, considérant notamment que la cour de sûreté, avec la présence d'un juge militaire, ne saurait être considérée comme “ un tribunal indépendant et impartial ” au sens de l'article 6 de la Convention européenne.

Voici l’intégralité de la résolution [Résolution Intérimaire ResDH(2002)59] adoptée par le Comité des Ministres, lors de la 794e réunion des Délégués des Ministres des affaires étrangères de 40 pays membres du Conseil de l’Europe :

“ Le Comité des Ministres, vu l’arrêt de la Cour européenne des Droits de l’Homme (“ la Cour ”) rendu le 17 juillet 2001 dans l’affaire Sadak, Zana, Dicle et Dogan contre la Turquie (requêtes n° 29900/96 et autres) et transmis à la même date au Comité des Ministres pour contrôle de l’exécution en vertu de l’article 46 § 2 de la Convention européenne des droits de l’homme (“ la Convention ”) ;

Rappelant que, dans cet arrêt, la Cour a constaté d’importantes violations des droits des requérants, en vertu de la Convention, à un procès équitable lors de leur procès devant la Cour de sûreté de l’Etat d’Ankara, en raison : - du défaut d’indépendance et d’impartialité du tribunal compte tenu de la présence d’un juge militaire dans la composition de la Cour de sûreté de l'Etat (violation de l’article 6§1) ; - de l’absence d’information en temps utile sur la requalification de l’accusation portée contre les requérants et l’absence de temps et de facilités nécessaires pour préparer la défense des requérants (violation de l’article 6§3a et b combiné avec l’article 6§1) ; - de l’impossibilité pour les requérants d’interroger ou de faire interroger les témoins à charge (violation de l’article 6§3d combiné avec l’article 6§1) ; Rappelant que les requérants ont été condamnés en 1994 à une peine de réclusion de 15 ans à l’issue de cette procédure ; Soulignant l’obligation pour tous les Etats, en vertu de l’article 46, paragraphe 1, de la Convention, de se conformer aux arrêts de la Cour, y compris en adoptant des mesures individuelles mettant un terme aux violations constatées et effaçant autant que possible leurs conséquences ; Rappelant que les autorités turques ont déjà pris certaines mesures générales pour prévenir de nouvelles violations semblables avec notamment les réformes supprimant le juge militaire au sein des cours de sûreté de l’état (voir la résolution DH (1999)555 dans l’affaire Ciraklar contre Turquie) et la nouvelle garantie constitutionnelle du droit au procès équitable (voir l’amendement de l’article 36 de 17 octobre 2001) ; Notant que d’autres mesures générales sont en cours afin de donner plein effet à l’arrêt de la Cour ; Considérant cependant que, dans la présente affaire, l’adoption de mesures individuelles, en plus du paiement de la satisfaction équitable, est également nécessaire vu l’ampleur des violations constatées et le fait que les requérants continuent de purger les lourdes peines d’emprisonnement qui leur ont été imposées (cf. Recommandation du Comité DH (2000)2) ; Notant l’engagement du Gouvernement turc de prendre les mesures requises pour assurer la réouverture de procédures judiciaires lorsque cela est nécessaire afin de donner effet aux arrêts de la Cour ; Invite instamment les autorités turques, sans retard supplémentaire, à donner suite aux demandes réitérées du Comité afin que lesdites autorités remédient rapidement à la situation des requérants et prennent les mesures nécessaires pour rouvrir les procédures incriminées par la Cour dans cette affaire, ou d’autres mesures ad hoc effaçant les conséquences pour les requérants des violations constatées ; Décide, vu l’urgence de la situation, de reprendre son contrôle de la prise de ces mesures individuelles, si nécessaire lors de chacune de ses réunions”

LA TURQUIE LANCE UNE OFFENSIVE CONTRE LES ONGs INTERNATIONALES POUR “ SOUTIEN D’ORGANISATION TERRORISTE ”


Selon la presse turque [cf : NTV du 6-05-02 et Milliyet du 7-05-02], Ankara s’apprêterait à soumettre aux Etats membres de l’Union européenne un rapport détaillé sur 17 organisations en Europe, soupçonnées par les autorités turques de “ soutenir le PKK ”. Parmi les organisations citées figurent rien moins que Médecin sans frontière, prix Nobel de la paix 1999, Reporters sans frontières, qui lors de sa dernière campagne qualifie le chef d’état-major turc, Huseyin Kivrikoglu d’ “ ennemi de la liberté de presse ”, la Fondation France-Libertés, la Fédération mondiale des cités-unies, le comité Helsinki danois, des personnalités, des parlementaires et de nombreuses autres organisations kurdes.

L’information issue des services de renseignements turcs précise que la Turquie lancera une offensive diplomatique pour demander “ un arrêt des soutiens au PKK et au KADEK ” par ces organisations citées. Le rapport en question épinglerait quelque 450 organisations en Europe, qualifiées “ d’organe ou de soutien du PKK ” et demanderait leur fermeture.

L’Union européenne qui est restée longtemps aveugle face au terrorisme d’Etat turc coupable de la destruction de plus de 4000 villages kurdes, de l’assassinat par des escadrons de la mort des forces de sécurité turques de 4 500 civils suspectés de “ nationalisme kurde ”, avait, il y a quelques jours, pour complaire à Ankara et à Washington, placé sur sa liste noire d’organisation terroristes un PKK qui, depuis trois ans, a renoncé à la lutte armée en Turquie et à toute action violente en Europe. Ce n’est assurément pas assez pour Ankara qui veut étendre sa conception du terrorisme et du soutien au terrorisme à l’Union européenne en incriminant des grandes organisations européennes de droits de l’homme. Si malgré tous ses efforts, l’Union européenne ne parvient pas à européaniser la Turquie, on peut craindre dans le climat sécuritaire actuel qu’Ankara finisse par turquiser progressivement ses partenaires européens.

NOUVELLE PRISE D’OTAGE EN TURQUIE : AUCUNE OPÉRATION PRO-TCHÉTHÉNE NE PEUT ÊTRE QUALIFIÉE DE TERRORISTE EN TURQUIE


Un homme armé, se voulant défenseur du peuple tchétchène, s'est rendu à la police turque le 4 avril après avoir retenu en otages treize clients dont quatre Bulgares, quatre Japonais et trois Turcs, d'un hôtel de luxe du centre d'Istanbul, qui ont été libérés ensuite sans effusion de sang. Personne n'a été blessé durant les 90 minutes qu'a duré la prise d'otages à l'hôtel Marmara, dans la partie européenne de la ville. Le preneur d'otages, seul et armé d'un fusil d'assaut Kalachnikov, a été convaincu par la police de mettre fin sans violence à son action.

L'homme âgé de 29 ans, a été identifié comme étant Mustafa Yildirim, un restaurateur de la ville de Karaman. M. Yildirim a déclaré à la police qu'il avait agi “ pour faire entendre au monde la détresse du peuple tchétchène ”. Il a affirmé qu'il avait “ planifié et effectué seul la prise d'otage ”, précisant qu'il avait acheté son fusil au Pakistan. Le frère de l'agresseur, Isa, a expliqué que son frère avait par le passé pris part à des combats contre les forces russes dans la région sécessionniste de Tchétchénie.

La Turquie a plusieurs fois été le théâtre de prises d'otages par des militants pro-Tchétchènes armés ces dernières années. Un mois auparavant, deux Tchétchènes réclamant la fin des opérations militaires russes avaient détourné vers l'Arabie saoudite un avion se rendant d'Istanbul à Moscou. En 1996, un commando pro-tchétchène avait pris le contrôle d'un ferry avec près de 200 personnes à bord pendant trois jours au large de Trabzon, sur la mer Noire. En avril 2001, un groupe de 13 militants pro-Tchétchènes lourdement armés avaient retenu en otage plus de 200 personnes dans un autre grand hôtel d'Istanbul pour protester contre l'intervention militaire de la Russie dans la république indépendantiste de Tchétchènie, avant de les libérer près de 12 heures plus tard et de se rendre à la police. Dans un arrêt daté pas plus tard que le 6 mai, la Cour de cassation a jugé que les protagonistes de cette prise d’otages ne pouvaient être qualifiés de terroristes et qu’ils n’étaient pas passibles de la Cour de sûreté de l’Etat. Moscou a souvent accusé Ankara de soutenir “ la rébellion tchétchène ”, ce dont se défend la Turquie, qui cependant refuse de qualifier d’acte terroriste tout acte de violence réalisée au nom des Thétchénnes tout en qualifiant de “ terroriste ” la moindre manifestation kurde, surtout si elle est organisée par les sympathisants du PKK.