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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 189

29/12/2000

  1. BILAN PROVISOIRE DE L’OPÉRATION " RETOUR À LA VIE " DU GOUVERNEMENT TURC : AU MOINS 23 MORTS PLUS DE 70 BLESSÉS
  2. L’ÉCRIVAIN KURDE MAHMUT BAKSI EST MORT À STOCKHOLM
  3. L’ARMÉE TURQUE INTERVIENT AU KURDISTAN IRAKIEN OÙ LES COMBATS ENTRE LE PKK ET L’UPK S’INTENSIFIENT
  4. LA LOI D’AMNISTIE RATIFIÉE PAR LE PRÉSIENT TURC


BILAN PROVISOIRE DE L’OPÉRATION " RETOUR À LA VIE " DU GOUVERNEMENT TURC : AU MOINS 23 MORTS PLUS DE 70 BLESSÉS


Au moins quatre nouveaux prisonniers sont morts le 21 décembre, ce qui porte à 23 morts et des dizaines de blessés le bilan de l’opération menée par Ankara contre les détenus en grève de la faim depuis plus de deux mois. L'intervention, pour laquelle 5.000 soldats ont été mobilisés, avait été lancée 19 décembre dans 20 établissements.

L'association de soutien aux détenus OZGUR TAYAD et la fondation turque des droits de l’homme contestent les chiffres et affirment que le bilan total est beaucoup plus lourd. Selon les témoignages recueillis par l’association turque des droits de l’homme, les détenus déclarent que " les policiers nous ont d’abord arrosées d’un liquide puis nous ont brûlées ". Les responsables de la Chambre des médecins confirment cette version.

On rappelle par ailleurs que les victimes sont des militants connus pour leur combativité et perçus comme des " meneurs " par les autorités turques. Tout porte à croire qu’ils ont été froidement assassinés par l’armée à la faveur de la confusion des opérations. Lors des attaques similaires dans la prison de Diyarbakir, une dizaine de détenus kurdes avaient été assassinés. Plus récemment au cours d’une attaque contre la prison centrale d’Ulucanlar d’Ankara, une douzaine de détenus auraient été achevés dans la cour de la prison sous les regards impuissants des autres prisonniers, dont les députés kurdes détenus. Les procès contre les auteurs de ces massacres n’ont jamais abouti.

Instruite des expériences du passé. L’armée turque mène cette fois-ci ses opérations selon un plan minutieux préparé depuis un an dans les détails y compris les volets diplomatique et médiatique. Les grévistes de la faim désarmés sont présentés comme des extrémistes de gauche dangereux.

La presse turque ne fait écho que des déclarations officielles et les récalcitrants sont de suite appelés à l’ordre. La diffusion de la chaîne d’information NTV a été interrompue le 21 décembre dans la matinée par la police alors que le correspondant relatait en direct l’opération de la police. Le directeur général des prisons, Ali Suat Ertosun, s’en est vivement pris aux journalistes turcs : " Ne posez pas de questions, qui mettent en doute l’attitude et le comportement de l’Etat ", a-t-il averti.

La Commission européenne a réagi avec prudence s’affirmant " préoccupée " par les atteintes aux droits de l’homme. Le porte-parole du ministère français des affaires étrangères, François Rivasseau, a déclaré " nous sommes consternés par l’issue de la grève de la faim dans les prisons turques ".

L’ÉCRIVAIN KURDE MAHMUT BAKSI EST MORT À STOCKHOLM


L’écrivain et journaliste kurde Mahmut Baksi est décédé le mardi 19 décembre à 19h à Stockholm des suites d’une longue maladie.

Une cérémonie à sa mémoire aura lieu le samedi 23 décembre de 14h à 18h à Stockholm, à l’initiative de la Fédération des associations du Kurdistan en Suède, avec le concours de l’Institut kurde et en présence de sa famille. Selon son testament, et si les autorités turques, donnent leur autorisation, son corps sera enterré auKurdistan.

Mahmut Baksi était né en 1944, à Kozluk, au Kurdistan de Turquie. Après des études secondaires, il se lança, dès 1976, dans le journalisme et l’action syndicale. En 1969, il publia son premier roman, Mezra Botan, s’inspirant de la vie des Kurdes de son enfance. Ses écrits, ses activités en faveur du peuple kurde et son syndicalisme lui valurent une série de procès. Menacé des années de prison, en Turquie, il se réfugia d’abord en Allemagne puis, en 1971, en Suède où il était devenu un écrivain et une personnalité reconnus.

Il fut notamment journaliste qu quotidien socialdémocrate Aftonbladet et l’unique membre d’origine étrangère du Bureau exécutif de l’Union des écrivain suédois. Membre de l’Institut kurde de Paris, depuis 1986, il en devint, de 1993 à 2000 membre du conseil d’administration.

Auteur d’une vingtaine de livres dont certains sont traduits en langues étrangères (suédois, norvégien, allemand, finnois, turc et français), M. Baksi exerça, jusqu'à sa mort, son métier de journaliste dans la presse suédoise et kurde. Il a également réalisé des reportages et des documentaires pour la télévision suédoise.

Les éditions l’Harmattant avaient récemment publié son récit autobiographique Mon enfance au Kurdistan.

L’ARMÉE TURQUE INTERVIENT AU KURDISTAN IRAKIEN OÙ LES COMBATS ENTRE LE PKK ET L’UPK S’INTENSIFIENT


L’armée turque a déployé le 17 décembre au matin plus de 700 soldats et l’artillerie lourde autour de la région de Raniyah et Qandil du Kurdistan d’Irak à environ 300 km à l’intérieur, pour attaquer les camps du PKK de la région. La nouvelle incursion turque qui n’a même plus l’alibi du " droit de poursuite ", puisque le PKK ne combat plus en Turquie, viole ouvertement le droit international et la souveraineté d’un Etat voisin.

Selon le quotidien arabe anglophone Al-Zaman daté du 19 décembre, Ankara serait appelé à la rescousse de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK), qui seront mis à mal dans les derniers combats par le PKK qui aurait engagé 3000 combattants dans la région. Le 21 décembre, dans le quotidien arabe Al-Sharq al-Awsat, Adil Murad, un des responsables d’UPK, a totalement nié les faits en soulignant que " la situation à Raniyah est stable et pacifique. Concernant l’armée turque, le monde entier sait que depuis des années l’armée s’introduit au Kurdistan irakien en prétextant combattre le PKK ".

Il reste difficile à chiffrer le nombre de victimes des affrontements, mais selon des témoignages reçus à Paris il y en aurait d’ores et déjà plusieurs centaines dans la région. Selon le quotidien Al-Hayat du 22 décembre, le chef du PKK, Abdullah Ocalan aurait adressé une lettre à son frère Osman Ocalan, basé à la frontière irako-iranienne, lui demandant " d’éviter de combattre l’armée turque à n’importe quel prix ".

Par ailleurs, notre Présidente Mme Danielle Mitterrand vient d’adresser au Président Chirac une lettre où elle écrit notamment : " Peut-on encore continuer à considérer le gouvernement turc et sa politique de répression comme une démocratie apte à se joindre à l’Europe ? Vous avez ratifié récemment à Nice, la Charte européenne des droits fondamentaux. Même si elle ne nous convient pas tout à fait, ce texte stipule la nécessité de processus démocratique, en tout cas humaniste, pour tout pouvoir européen. Je vous rappelle que l’armée turque, contrairement aux textes et lois internationaux, a de nouveaux fait une incursion au nord de l’Irak… Cet appel est aussi lancé à l’opinion publique afin que les tueries cessent dans les prisons de la Turquie et que l’armée turque mette un terme aux pratiques qui menacent la paix régionale ".

LA LOI D’AMNISTIE RATIFIÉE PAR LE PRÉSIENT TURC


Le Parlement turc a, le 20 décembre, adopté en seconde lecture et dans les mêmes termes la loi d'amnistie qui devrait permettre de libérer près de la moitié des 72 000 détenus du pays, malgré l’opposition du président. Le président turc, Ahmet Necdet Sezer, a, le 21 décembre, finalement signé le texte en question, ne pouvant opposer son droit de veto deux fois.

Cette mesure élargie surtout les prisonniers de droit communs (violeurs, meurtriers etc…). Les militants kurdes et la plupart des prisonniers politiques turcs condamnés pour des " crimes contre l’Etat " restent exclus de cette singulière loi d’amnistie que même le président turc trouve " injuste et inéquitable ".