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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 157

13/1/2000

  1. ANKARA DÉCIDE DE SURSEOIR À L’EXÉCUTION D’ABDULLAH ÖCALAN
  2. 37 MAIRES DU HADEP ONT DEMANDÉ LA NON EXÉCUTION D’ABDULLAH OCALAN
  3. VISITE OFFICIELLE DU CHEF D’ÉTAT-MAJOR TURC EN FRANCE
  4. 12 MORTS AU COURS DES COMBATS À TUNCELI
  5. DISSIDENCE AU SEIN DU PKK
  6. EN TURQUIE, POUR PLUS DE SÉCURITÉ, IL VAUT MIEUX VIVRE À ISTANBUL : 17 547 DOSSIERS DE MEURTRES NON ÉLUCIDÉS DONT 10 842 À DIYARBAKIR


ANKARA DÉCIDE DE SURSEOIR À L’EXÉCUTION D’ABDULLAH ÖCALAN


Après plusieurs semaines de débat et de tension, les dirigeants des trois partis formant la coalition gouvernementale turque ont, le 12 janvier, au terme d’une réunion de sept heures, ont décidé de surseoir à l’exécution du chef du PKK. Le sursis court en principe jusqu’au terme de la procédure d’appel engagée par les avocats d’Öcalan devant la Cour européenne des droits de l’homme et pourrait durer deux ans. Cependant le Premier ministre turc a déclaré " nous avons convenu que si l’organisation terroriste et ses sympathisants manipulent notre décision au détriment des intérêts supérieurs de la Turquie, le sursis sera terminé et le processus commencera immédiatement ". M. Ecevit a aussi pris soin de souligner à l’adresse des ultranationalistes qu’il était " exclu que la Cour européenne des droits de l’homme modifie une sentence prononcée par la justice turque (…) Quand le processus découlant de nos engagements internationaux et de notre Constitution prendra fin, le dossier sera immédiatement envoyé au Parlement ".

Le différend entre les trois partis de coalition dirigée par le Premier ministre Bülent Ecevit, du parti de la gauche démocratique (DSP), mettait en jeu la survie du gouvernement " né prématurément " à la suite des élections anticipées du 18 avril 1999. Le principal partenaire du DSP, le parti de l’Action nationaliste (MHP-néo-fasciste) insistait sur l’exécution sans délai d’Abdullah Öcalan, alors que les deux autres partis de la coalition, le DSP et le parti de la Mère patrie (ANAP) de l’ancien Premier ministre Mesut Yilmaz, plaidaient pour attendre la décision de la Cour européenne. Bülent Ecevit avait estimé le 9 janvier 2000 que son pays pourrait s’attirer des problèmes au niveau international au cas où il ne respecterait pas la décision de la Cour européenne : " la question urgente qui se pose devant le gouvernement est la décision de la Cour européenne (…) Si nous ne nous y conformons pas, il est évident que cela nous attirera des ennuis dans le domaine international ". Le vice-Premier ministre Devlet Bahçeli du MHP, tenu par son électorat à qui il a promis la tête d’A. Öcalan, avait déclaré la semaine dernière " Rien ne peut empêcher l’application d’une punition décidée par la justice indépendante envers un terroriste qui a plongé le pays dans un bain de sang ". À la veille du sommet du gouvernement, Sabahattin Çakmakoglu, ministre turc de la Défense, issu du MHP, avait indiqué que la sentence de mort rendue contre Abdullah Öcalan devait être exécuté : " Nous pensons que la peine de mort rendue contre Öcalan doit être mise en exécution (…) Le Parlement a le dernier mot sur la punition d’Öcalan (…) Le Parlement devrait donc évaluer la décision de la Cour européenne des droits de l’homme ".

Les pressions et les menaces allaient bon train à la veille de la réunion du 12 janvier 2000. Yavuz Alphan, président de l’association des familles de victimes à Izmir, avait affirmé que si Öcalan n’était pas pendu, les membres des 46 associations dans le pays rendraient les médailles décernées aux soldats morts en les jetant dans le jardin du Parlement. Deux hommes appartenant à une de ces associations se sont aspergés d’essence et menacé de s’immoler en plein centre d’Ankara pour réclamer l’exécution d’A. Öcalan. Le président de la chambre des commerçants et artisans à Ankara, Ali Riza Ercan a également appelé à l’exécution du chef du PKK en soulignant que dans le cas contraire, ses membres " apporteraient la réponse appropriée au gouvernement " lors des prochaines élections.

Le quotidien turc Hurriyet du 12 janvier 2000 affirmait que le Parti islamiste de la Vertu (FP) profite de la tension existante au sein du gouvernement et a proposé au MHP de former un gouvernement avec lui et le Parti de la Juste Voie (DYP) de l’ancienne Premier ministre Tansu Çiller. Le journal ajoute cependant que les nationalistes ont rejeté la proposition.

37 MAIRES DU HADEP ONT DEMANDÉ LA NON EXÉCUTION D’ABDULLAH OCALAN


37 maires du parti pro-kurde de la Démocratie du peuple (HADEP) ont lancé le 11 janvier 2000 à Diyarbakir un appel au gouvernement pour qu’il respecte la décision de la Cour européenne des droits de l’homme. " Une erreur dans ce domaine engendrera certainement une période sanglante. Nous ne voulons pas voir à nouveau l’atmosphère des combats intensifs, des larmes et de la douleur. Nous appelons tous les partis politiques à faire preuve de bon sens sur la question " a déclaré Fatma Kurtulan, membre du conseil d’administration du HADEP.

Francisco Seixas da Costa, ministre portugais chargé des Affaires européennes dont le pays préside actuellement l’Union, a mis en garde Ankara quant aux conséquences d’une exécution du dirigeant du PKK : " on ne partirait pas d’un bon pied dans l’effort de rapprochement entre l’Union et la Turquie si la Turquie prenait des décisions non compatibles aves les principes européens ". M. Seixas da Costa est attendu en Turquie le 14 janvier 2000.

Le président du parti de la liberté et de la solidarité (ÖDP), Ufuk Uras, a quant à lui, déclaré qu’ " aucun pays ne pouvait fonder son avenir sur des potences (…) L’important est d’éviter de vivre de nouvelles douleurs et d’empêcher d’acculer la Turquie dans un conflit intérieur l’éloignant du cadre de la paix ". Le président de l’association des droits de l’homme (IHD) de Turquie, Hüsnü Öndül, a lancé un appel similaire, soulignant que la Turquie risquait d’être expulsée du Conseil de l’Europe.

Par ailleurs, les élus kurdes de la région au Parlement turc, issus du parti de la Juste Voie (DYP) et du parti islamiste de la Vertu (FP), ont vivement critiqué l’attitude de leur parti sur la question.

VISITE OFFICIELLE DU CHEF D’ÉTAT-MAJOR TURC EN FRANCE


Le général Hüseyin Kivrikoglu, chef d’état-major turc, s’est rendu le 11 janvier 2000 pour une visite officielle à Paris. Invité par son homologue français, il devrait signer, dans le cadre du programme franco-turc Eylem-plan 2000 conclu en 1998, un accord militaire visant à développer la coopération entre les industries de la défense des deux armées. Son séjour durera jusqu’au 14 janvier 2000.

12 MORTS AU COURS DES COMBATS À TUNCELI


Six soldats turcs et six combattants du PKK ont trouvé la mort le 9 janvier 2000 au cours des affrontements dans la province de Tunceli. Un hélicoptère Sikorsky a été sérieusement touché par les combattants du PKK. Le Premier ministre turc avait déclaré la semaine dernière que les combats étaient " presque au niveau zéro ". Une déclaration du PKK indiquait le 7 janvier que " ces personnes ne sont plus liées à notre groupe (…) Le parti n’est plus responsable de leur vie ou ce qu’ils pourraient faire dans l’avenir ".

DISSIDENCE AU SEIN DU PKK


Réunis au sein d’une " Initiative Kurde en Europe ", des dissidents se présentant comme des " intellectuels membres et anciens membres du PKK en Europe ", ont indiqué leur opposition à " la nouvelle ligne politique " de l’organisation et critiqué l’abandon de la lutte armée prônée par Abdullah Öcalan. Dans un communiqué daté du 11 janvier 2000, le groupe a affirmé avoir décidé d’apporter " son soutien à Hamili Yildirim ", commandant des forces de la région de Dersim (Tunceli) et aux forces sous son commandement ". Selon le communique, Hamili Yildirim, " membre du comité central du PKK et un des dirigeants de l’aile militaire, ainsi que des dirigeants historiques de l’organisation, dont Mehmet Can Yuce et Meral Kidir, anciens membres du comité central en prison depuis plus de 20 ans, se sont opposés à la ‘ nouvelle ligne politique ‘ adoptée par Öcalan et une partie de l’organisation (…) Le retrait de Turquie et l’abandon de la lutte armée ne peuvent qu’être consécutifs à des négociations et à un accord entre les parties en conflit ".

Le comité central du PKK a reconnu le 7 janvier 2000 que deux groupes armés du PKK avaient refusé d’obéir aux ordres du parti qui a décidé l’an dernier d’arrêter les combats et se retirer de Turquie, répondant aux appels d’Abdullah Öcalan en faveur d’une solution " pacifique et démocratique " du conflit.

Un ancien responsable du PKK en Europe a indiqué à l’AFP que les structures dirigeantes de l’Initiative Kurde en Europe, " actuellement en cours de constitution, devraient officiellement voir le jour en février ". Parmi les membres de ce groupe devraient figurer notamment des ex-responsables kurdes en Europe, d’anciens membres du comité central du PKK.

EN TURQUIE, POUR PLUS DE SÉCURITÉ, IL VAUT MIEUX VIVRE À ISTANBUL : 17 547 DOSSIERS DE MEURTRES NON ÉLUCIDÉS DONT 10 842 À DIYARBAKIR


Selon les derniers chiffres de la Direction générale des casiers judiciaires et des statistiques du ministère de la Justice, à la fin de l’année 1998, 17 547 dossiers de " meurtres non élucidés " se trouvaient au parquet des cours de sûreté de l’Etat turques (DGM). La capitale kurde, Diyarbakir se situe en tête de cette sinistre liste avec plus de 10 842 dossiers. Le rapport souligne qu’entre le 1er janvier 1998 et 31 décembre 1998, 1 625 dossiers de " meurtres non élucidés " ont été enregistrés dans les différents parquets des DGM turcs. Plus de 16 765 affaires étant déjà en cours, au total 18 390 dossiers étaient devant la justice turque, mais 150 d’entre eux - 20 à Diyarbakir, 9 à Izmir, 46 à Malatya, 8 à Erzurum 67 à Adana– ont été résolus et 693 autres sont tombés sous le coup de la prescription. C’est la province kurde de Van qui suit Diyarbakir avec 3 115, Erzurum, kurde, avec 1 551, Malatya, également kurde, avec 1 203, Ankara avec 482, Adana 227 affaires, Izmir avec 118 dossiers. Istanbul est en fin d’affiche avec 9 cas enregistrés. Le rapport a montré que les dossiers de " meurtres non élucidés " représentaient 65,2 % des affaires des 8 parquets des cours de sûreté de l’Etat (DGM) turques. Ce chiffre atteint 81,5 % à Diyarbakir, 67,3 % à Malatya, 15,4 % à Izmir, 42,3 % à Ankara, 1 % à Istanbul, 28,1 % à Adana, 91,8 % à Erzurum et 76,5 % à Van.

Dans les provinces kurdes, les meurtres non élucidés sont, pour l’essentiel, ceux commis par des escadrons de la mort des forces paramilitaires turques. Les victimes sont des " séparatistes " kurdes supposés ou potentiels. Rien d’étonnant que les cours turques ne fassent pas d’effort particulier pour identifier et punir les meurtriers.