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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 143

22/9/1999

  1. LIBÉRATION CONDITIONNELLE DU Dr. ISMAIL BESIKÇI
  2. APPEL À LA PAIX DES KURDES EN TURQUIE
  3. ABDULLAH ÖCALAN APPELLE UN GROUPE DU PKK À SE RENDRE AVEC SES ARMES POUR DÉMONTRER SA SINCÉRITÉ
  4. LE CHANTEUR KURDE SIVAN PERWER CENSURÉ EN TURQUIE
  5. DES SIGNES POSITIFS POUR LA RECONNAISSANCE DE LA TURQUIE COMME CANDIDAT À L’UE
  6. TOUJOURS PLUS D’ARMES
  7. LA BANQUE MONDIALE CHIFFRE ENTRE 7,5 ET 12,2 MILLIARDS DE DOLLARS LES DÉGÂTS DU SÉISME EN TURQUIE


LIBÉRATION CONDITIONNELLE DU Dr. ISMAIL BESIKÇI


Un des plus célèbres prisonniers en Turquie, le sociologue Ismail Besikçi, a été libéré le 15 septembre 1999 de la prison de Bursa où il était enfermé depuis le 13 novembre 1993. I. Besikçi, auteur de 36 livres, a purgé 18 ans de prison pour ses écrits dont la plupart touchent la question kurde. Objet de poursuites incessantes de la part de l’Etat pour délit d’opinion, 107 dossiers ont été instruits, 52 jugés et une peine de 79 ans de prison et 8 milliards de livres turques d’amendes avaient d’ores et été confirmées, 55 autres dossiers restant toujours en jugement. Au total, plus de 200 ans de prison ont été prononcés par les Cours de sûreté de l’Etat turques à l’encontre d’Ismail Besikçi

Le sociologue doit sa libération conditionnelle à la loi 4454 du 28 août 1999. Toute cousue de main, cette loi relative à la presse et à l’édition, surseoit la peine pendant 3 ans à condition que des faits identiques ne soient pas reprochés à l’intéressé durant cette période. Interrogé à sa sortie, I. Besikçi a déclaré que ce n’était que la huitième fois où on l’autorisait à sortir. " Ces sorties ne sont pas des libérations (…) On ne doit pas commettre les mêmes faits pendant trois ans. On dit que l’opinion et l’expression de l’opinion sont des délits " a déclaré I. Besikçi.

Ces libérations conditionnelles interviennent à la veille de l’important voyage à Washington du Premier ministre turc et aussi pour préparer un climat favorable à la candidature turque avant le sommet européen de décembre à Helsinki. En automne 1995, à la veille du débat sur la ratification par le Parlement européen de l’Union douanière avec la Turquie, le gouvernement turc avait remis en liberté une centaine de prisonniers d’opinion. Les lois restreignant la liberté d’expression restant inchangées la plupart d’entre eux sont depuis retournés en prison. C’est ce qui risque de se passer pour l’expurger de nombreuses dispositions attentatoires à la liberté.

Ces quelques libérations d’intellectuels visent aussi à faire avaler à l’opinion turque la loi d’amnistie prévoyant l’élargissement de près de 30 000 criminels de droit commun, condamnés pour meurtres, détournements de fonds, banqueroutes ou crimes mafieux. Une première mouture de cette loi votée par le Parlement a suscité un tollé général dans l’opinion, obligeant le président Demirel à opposer son veto. Telle quelle, elle allait par exemple autoriser la libération des auteurs de la tentative d’assassinat contre Akin Birdal, tandis que celui-ci incarcéré pour délit d’opinion allait rester derrière les barreaux. Les membres des gangs mafieux proches du Parti d’Action nationaliste (MHP) au pouvoir, impliqués dans de dizaines de meurtres et le trafic de drogue, allaient être libérés tandis que les députés kurdes embastillés depuis mars 1994 pour délit d’opinion aller rester en prison. L’opinion publique réclame une amnistie générale pour tous les prisonniers politiques, qui se chiffrent à plus de dix mille, pour créer un climat de paix sociale et de réconciliation. Le Parlement qui doit, en octobre, débattre à nouveau de loi d’amnistie va-t-elle en tenir compte ?

APPEL À LA PAIX DES KURDES EN TURQUIE


Une déclaration de " paix et de démocratie " en 7 articles, signée par 224 organisations et personnalités des 19 provinces du Kurdistan de Turquie a été rendue public le 14 septembre 1999. En voici la traduction intégrale.

" Afin de résoudre les questions publiques sans recours à la violence mais par le dialogue et la compréhension, et en s’abstenant de faire des déclarations et des appréciations susceptibles de provoquer des conditions propices à la violence, nous invitons à fournir des efforts pour aménager un cadre pacifique et démocratique.

Les obstacles entravant le débat sur la question kurde devraient être levés tout comme ceux qui sont rencontrés par les libertés de la pensée, de l’opinion, de l’expression et de l’association.

Vu le régime d’exception (OHAL) qui a conduit à l’application d’un droit double et en prenant en considération le système des "protecteurs de village" attentatoire à la nature humaine, à sa psychologie et son honneur, le régime d’exception (OHAL) devrait être levé.

Les conditions de retour des habitants aux villages évacués devraient être assurées en toute sécurité. Ils devraient être dédommagés et les terres agricoles et d’élevage laissées hors production devraient être exploités. Nous voyons comme un impératif la nécessité d’une amnistie générale et non discriminatoire. Tant que les crimes politiques et les délits d’opinion seront hors du champ de compétence de la loi d’amnistie nous n’obtiendrons pas la paix sociale.

Ratifier le protocole additionnel n°6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Abolir la peine de mort contenue dans 4 lois et 41 dispositions en Turquie.

Nous soutenons l’opinion de Dr. Sami Selçuk, premier président de la Cour de cassation sur la révision constitutionnelle. Une constitution démocratique en accord avec la société, un droit supranational qui garantirait les différences culturelles et identitaires. "

ABDULLAH ÖCALAN APPELLE UN GROUPE DU PKK À SE RENDRE AVEC SES ARMES POUR DÉMONTRER SA SINCÉRITÉ


Dans un communiqué diffusé, mercredi 22 septembre 1999, Abdullah Öcalan, chef du parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) a implicitement appelé un groupe du PKK à se rendre aux forces turques pour démontrer la sincérité de son engagement à mettre fin à la lutte armée. En août 1999, à la suite de l’appel d’Öcalan, le PKK avait annoncé qu’il allait se retirer de la Turquie en déclarant qu’il voulait mettre fin à ses 15 ans de lutte armée mais l’armée turque avait souligné que ce retrait était insuffisant pur mettre fin au conflit. Essayant d’établir le dialogue avec l’armée turque, Öcalan a déclaré " j’appelle un groupe du PKK à se rendre avec ses armes et à rejoindre la République démocratique en signe de bonne volonté pour prouver que le PKK n’est pas opposé aux efforts démocratiques (…) Cet effort que fera le PKK (…) pour démontrer que sa décision de mettre fin à lutte armée est sincère (…) est un pas symbolique pour la paix et une solution démocratique ".

L’un des avocats d’Öcalan, Me Dogan Erbas, a assuré que cette déclaration n’était pas nécessairement un appel à la reddition en ajoutant que " le retour de membres du PKK en Turquie est un pas pour encourager l’Etat turc à élargir la portée de la loi d’amnistie afin qu’elle couvre également les militants du PKK ".

LE CHANTEUR KURDE SIVAN PERWER CENSURÉ EN TURQUIE


Alors que la communauté internationale regarde d’un bon œil les promesses de réforme annoncées par les autorités turques, la Turquie continue de priver les Kurdes des droits culturels fondamentaux. C’est ainsi que le dernier album intitulé " Hêviya Te " [ndlr : En t’attendant] du chanteur kurde Sivan Perwer a été frappé du sceau de la censure par décision du 3 septembre 1999 du ministre de la culture turque. L’album a été interdit des boxes et les responsables de la production Ses Plak ont été placés en garde-à-vue. Remarquable coïncidence, le 3 septembre même, le chef d’état-major turc, Huseyin Kivikoglu, déclarait dans une réunion en présence de journalistes que les cassettes en kurde étaient librement distribuées en Turquie et que la langue kurde était nullement interdite.

Pourtant, au total 226 cassettes kurdes ont été interdites à la vente et à la distribution ces cinq dernières années par la super-préfecture de Diyarbakir. Celles qui reçoivent le visa des autorités ne restent dans les boxes qu’un seul mois et sont ensuite saisies. Sivan Perwer qui chante en kurde reste le musicien le plus censuré en Turquie mais les groupes ou chanteurs kurdes qui s’expriment dans les deux langues ou encore seulement en turc comme Ahmet Kaya sont également poursuivis, jugés et condamnés par les autorités turques. Dans ce triste inventaire se trouvent aussi des cassettes de mélodies kurdes sans paroles jouées lors des mariages dans la région.

DES SIGNES POSITIFS POUR LA RECONNAISSANCE DE LA TURQUIE COMME CANDIDAT À L’UE


À l’approche du sommet d’Helsinki en décembre 1999 la question de candidature à l’Union européenne refait surface pour la Turquie qui semblait avoir pris ses distances depuis le revers essuyé en décembre 1997 au sommet de Luxembourg. Une reprise de dialogue politique entre l’UE et Ankara est engagée depuis la rencontre, le 13 septembre 1999, d’Ismail Cem, ministre turc des affaires étrangères, avec ses homologues des Quinze à Bruxelles. Tout en regrettant que son pays n’en soit qu’au stade d’une reconnaissance de sa candidature, alors que sa vocation à l’adhésion remonte à 1963, le chef de la diplomatie turque a déclaré lors d’une conférence de presse : " on a parfois l’impression (en Europe) que rien ne va en Turquie. Ce n’est pas le cas, même si nous avons pris certains retards sur le chemin de la démocratie ". Il n’a pas manqué de mettre sur le compte des " actes terroristes " les retards du " sur le chemin de la démocratie ".

Un vent de complaisance semble souffler de l’Europe depuis le terrible séisme du 17 août qui a frappé la Turquie faisant au moins 15 000 morts et des dégâts considérables. Les ministres des Affaires étrangères de l’UE ont approuvé une série d’aides à la Turquie d’un montant global de 195 millions d’euros, ainsi qu’un prêt de la Banque européenne d’investissement (BEI) de 600 millions pour l’aider à se relever du séisme. La Grèce a adopté une attitude conciliante en levant en grande partie son veto traditionnel à l’aide européenne à la Turquie et le ministre grec des affaires étrangères, M. Papandreu, a fait des déclarations très encourageantes pour l’amélioration des relations greco-turques, jusqu’alors tendues à cause des contentieux territoriaux en mer Egée et la situation en Chypre. Le ministre français délégué aux Affaires européennes, Pierre Moscovici, n’a pas manqué d’affirmer que l’UE travaille " dans la perspective de la candidature de la Turquie à Helsinki " et a qualifié la visite de M. Cem comme " une première chance pour une conclusion positive ". Mme Tarja Halonen, ministre finlandaise des Affaires étrangères, dont le pays préside l’UE jusqu’en décembre, a, quant à elle, déclaré : " nous sommes encouragés par les engagements pris par la Turquie de poursuivre sur la voie des réformes ".

TOUJOURS PLUS D’ARMES


Dans le cadre de son programme de configuration de neuf bâtiments de transport CN-235 en avion de patrouille maritime pour un budget d’un montant de $150 millions, la Turquie a convié au moins sept sociétés d’armement à l’appel d’offres. D’autre part, le sous-secrétariat turc à l’industrie de la défense a signé un contrat de $120 millions avec la société espagnole CASA en septembre 1998 pour neuf avions à turbopropulseur bimoteur.

Par ailleurs, la Turquie a lancé le plus important projet de défense du pays en lançant un appel d’offres de $ 7 milliards pour un programme de construction de chars. Les sociétés en compétition étant entre autres General Dynamics, M1A2 Abrams des Etats-Unis, GIAT Leclerc de la France, Leopard 2 d’Allemagne, …

Un éditorialiste de Hurriyet écrivait le 9 septembre 1999 " la Grèce soutient activement la Turquie, le PKK a déposé les armes, nous n’avons plus d’ennemis (…) Alors pourquoi continuer à maintenir l’une des plus grandes armées du monde ? ". Malgré ce constat pertinent, les autorités turques ne semblent pourtant pas enclines à modifier leur priorité.

LA BANQUE MONDIALE CHIFFRE ENTRE 7,5 ET 12,2 MILLIARDS DE DOLLARS LES DÉGÂTS DU SÉISME EN TURQUIE


La Banque mondiale a rendu public, le 15 septembre 1999, son rapport tant attendu sur le bilan financier du séisme en Turquie. En se gardant de donner des chiffres précis, la Banque a estimé à entre 7,5 et 12,2 milliards de dollars les dégâts matériels. Le séisme pèserait entre 3,6 et 4,6 milliards de dollars en plus sur le budget national et rien que la construction des immeubles coûterait de 3 à 6,5 milliards de dollars. Le tableau se présente comme suit :

1999
2000
TOTAL
PRIX DE REVIENT RÉEL?
Préjudices physiques??? 3,0 — 6,5 - 3,0 — 6,5*
PRIX DE REVIENT INDIRECT?
Pertes dans la production (-2,0) — (-1,2) (1,4) - (2,4)? -
Système de prévention (-0,4) (-0,2) -
EFFETS SECONDAIRES?
Niveau de paiement (-1) (-2) (-3)*
Finances publiques (1,9)— (2,3) (1,7) — (2,3) (3,6)-(4,6)*
EFFETS SOCIAUX????
Taux de mortalité (‰) (7,0) (2,5)— (14,3) -
Taux de blessé (‰)? (15,0)? (4,6)- (27,7)? -
Sans abris? (400,000) - (600,000) - -
Pertes d’emplois (30,9) (20,4)-(48,1) -


Conséquence du séisme sur l’économie

*Milliard de dollars.