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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 106

27/7/1998

  1. LA TURQUIE A VOTÉ CONTRE LA COUR CRIMINELLE INTERNATIONALE (CCI)
  2. LEVÉE DE L'IMMUNITÉ PARLEMENTAIRE DE 7 DÉPUTÉS POUR "CORRUPTION" ET "ABUS DE POUVOIR"
  3. L'ITALIE ET LA TURQUIE DISCUTENT L'IMMIGRATION CLANDESTINE
  4. L'ORGANISATION INTERNATIONALE ARTICLE 19 DÉNONCE LA REPRESSION CONTRE LA LIBERTÉ DE PRESSE ET DE L'EXPRESSION
  5. LE RAPPORT 1997 DE LA FONDATION TURQUE DES DROITS DE L'HOMME (TIHV): LA TORTURE RESTE SYSTÉMATIQUE
  6. PROCÈS D'UN JOURNALISTE
  7. M. ECEVIT PROPOSE UNE AMNISTIE QUASI GÉNÉRALE
  8. OPÉRATIONS CONTRE LES ISLAMISTES: DÉCRET POUR LE LIMOGEAGE DE 328 PRÉFETS-ADJOINT, EXPULSION DE 517 OFFICIERS DE L'ARMÉE TURQUE
  9. L'ANCIEN MAIRE ISLAMISTE DE SIVAS DEVANT LA JUSTICE DANS L'AFFAIRE DU MASSACRE DE 37 INTELLECTUELS
  10. LES ÉLECTIONS ANTICIPÉES PRÉVUES POUR 25 AVRIL 1999
  11. LA COURS TURQUE À L'ARMEMENT-SUITE


LA TURQUIE A VOTÉ CONTRE LA COUR CRIMINELLE INTERNATIONALE (CCI)


Au terme de cinq semaines de négociations et après une dernière ligne droite riche en tractations, les délégués de 160 pays réunis sous l'égide des Nations unies à Rome ont présenté, vendredi 17 juillet 1998, un projet de traité relatif à la Cour criminelle internationale (CCI). Le traité définissant les statuts de la CCI a recueilli 120 voix, tandis qu'il y a eu 21 absentions et 7 voix contre, dont les États-Unis, l'Inde, la Chine, Israël, les Philippines, Sri Lanka et la Turquie. La CCI qui sera compétente pour crimes contre l'humanité, crimes de guerre et génocide le sera également, selon les vux des pays non-alignés, pour agression. La Turquie qui est si souvent critiquée pour ses violations des droits de l'homme- 3 428 villages évacués, 3 millions de personnes déplacées, 30 000 morts du fait de la guerre au Kurdistan- et pour ses incursions répétées au Kurdistan irakien craint d'être mise sur la sellette devant une cour de justice internationale.

LEVÉE DE L'IMMUNITÉ PARLEMENTAIRE DE 7 DÉPUTÉS POUR "CORRUPTION" ET "ABUS DE POUVOIR"


Le parlement turc a, mardi 21 juillet 1998, voté la levée d'immunité parlementaire de 7 députés turcs, tous accusés de "corruption" et d'"abus de pouvoir": M. Omer Bilgin, M. Mustafa Kemal Aykurt et M. Mehmet Agar, ministre de l'intérieur de Mme Çiller, M. Murat Karayalcin, ex-ministre des Affaires étrangères, M. Kahraman Emmioglu et M. Mustafa Bayram du Parti islamiste de la Vertu (FP) et Mme Sema Piskinsut du Parti de la Gauche Démocratique (DSP).

Par ailleurs, la motion de censure déposée contre M. Mesut Yilmaz, Premier ministre turc, par des députés du Parti de la Vertu, la principale formation d'opposition, a été rejetée. L'adoption d'une motion de censure nécessite 276 voix sur 550, soit la majorité parlementaire absolue, mais le nombre total des députés de l'opposition reste en dessous de ce chiffre décisif.

L'ITALIE ET LA TURQUIE DISCUTENT L'IMMIGRATION CLANDESTINE


M. Romano Prodi, président du Conseil italien, est arrivé, lundi 27 juillet 1998, à Istanbul pour rencontrer son homologue turc Mesut Yilmaz. L'immigration clandestine devrait être au cur des discussions, puisque l'Italie affronte l'arrivée continue des clandestins dont de nombreux Kurdes de nationalité turque et irakienne. Le lundi 20 juillet 1998, 250 clandestins- des Kurdes, des Égyptiens, des Afghans, des Pakistanais et des Indiens, parmi lesquels des femmes et une centaine d'enfants sont arrivés en Calabre près de Crotone. Mardi 21 juillet 1998, une soixantaine d'autres ont été interpellés. C'est la seconde visite en Turquie de M. Prodi après celle accomplie en septembre 1996.

L'ORGANISATION INTERNATIONALE ARTICLE 19 DÉNONCE LA REPRESSION CONTRE LA LIBERTÉ DE PRESSE ET DE L'EXPRESSION


Dans un communiqué publié à Londres, jeudi 23 juillet 1998, l'organisation internationale de lutte contre la censure Article 19, a dénoncé la répression exercée par la Turquie contre les journalistes, les partis politiques et les minorités culturelles et religieuses.

L'organisation affirme d'une part qu'avec 67 journalistes emprisonnés, plusieurs partis politiques dissous et interdits, de plus la répression sévère des minorités religieuses et culturelles appuyée par la détermination du gouvernement à soutenir de telles mesures, la Turquie ne peut pas sérieusement prétendre devenir membre de l'Union Européenne dans ces conditions. "Les autorités turques considèrent les journalistes comme une menace, et refusent volontairement de distinguer les journalistes des sujets ou des personnes qu'ils traitent" affirme le communiqué.

Article 19 souligne également que "la détermination des autorités turques pour la préservation du système séculaire de l'État, centralisé et unifié, conduit à la suppression, si nécessaire par la force, de toutes tentatives d'exercice publique du droit à la liberté de l'expression sur les questions culturelles, politiques et religieuses, puisque ceci ont été jugés porter atteinte à l'indivisibilité de l'État" puis ajoute: "la minorité kurde représente plus de 10% de la population turque, et pourtant quiconque soulève la question kurde est défini comme un militant du PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan) (). Cela a conduit aux poursuites judiciaires et emprisonnement des universitaires, journalistes, et vendeurs de journaux et même des hommes politiques élus démocratiquement. D'autres ont fait face à des mesures extra-judiciaires, allant de l'harcellement policier aux assassinats perpétrés par des groupes armés liés à l'État".

Frances D'Souza, directrice exécutive de l'organisation, note qu'"il est ironique que la Turquie se plaigne d'être tenue à l'écart de l'UE à cause de sa population musulmane quand le même État persécute quiconque tente d'exprimer une identité islamique dans le pays". Elle ajoute: "Je visite la Turquie assez régulièrement, bien que j'aie été arrêtée la dernière foisà huit reprises environ () Mais des gens très brillants, très intelligents et libérés à Istanbul et Ankara m'ont affirmé qu'ils ne savaient pas simplement ce qui se passait au Sud-Est de la Turquie- au Kurdistan- jusqu'à ce qu'ils quittent le pays, parce que cela n'était pas traité". Article 19 demande à la Turquie de mettre en place "de manière urgente" des réformes de la constitution permettant d'assurer "le droit fondamental à la liberté d'expression".

LE RAPPORT 1997 DE LA FONDATION TURQUE DES DROITS DE L'HOMME (TIHV): LA TORTURE RESTE SYSTÉMATIQUE


La Fondation turque des droits de l'homme (TIHV) a, mardi 21 juillet 1998, rendu public son rapport des violations des droits de l'homme de l'année 1997. Le rapport préparé par les services de soins et de réhabilitation de la fondation, dénonce la pratique systématique de la torture en Turquie tout en soulignant que 24,52% des personnes victimes de torture et ayant fait appel à la fondation, sont issues de la région kurde en état d'exception (OHAL). À la suite de l'étude réalisée sur 518 des 537 victimes ayant eu recours aux services de soins et de réhabilitation d'Ankara, d'Istanbul, d'Izmir et d'Adana, la pratique de tortures systématiques dans les commissariats et les gendarmeries, des détentions arbitraires et extrajudiciaires, des kidnappings ont été constatés. Regroupées en 30 rubriques, les méthodes de tortures les plus répandues sont "insultes, passages à tabac, menaces, bandeau sur les yeux, mise à nu, jet d'eau froide, empêchement d'aller aux commodités, privation d'eau et de nourriture enfermement au froid, électro-chocs, pendaison".

Selon le rapport, 68,91% (soit 357 personnes) des 518 personnes ont affirmé avoir été torturés aux commissariats. Parmi les personnes victimes de tortures au cours de leur placement en garde à vue, 241 ont été emprisonnées, 121 libérées par décision de procureur ou après jugement et 156 libérés sans même la saisine du procureur.

La fondation souligne que 75% de ces personnes gardent des séquelles physiques durables ou encore restent handicapées suite aux tortures. 29,92% des victimes se plaignent seulement de tortures physiques et 4,83% uniquement de tortures psychologiques, alors que 65,25% des victimes évoquent les deux en même temps. Le rapport a également dénoncé le fait que trop souvent les sévices soient ignorés par les médecins légistes malgré des preuves accablantes de tortures.

PROCÈS D'UN JOURNALISTE


M. Oral Çalislar, journaliste au quotidien Cumhuriyet, a été traduit, lundi 20 juillet 1998, devant la Cour de Sûreté de l'État pour avoir interviewé en 1993 Abdullah Ocalan, chef du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) et Kemal Burkay, leader du Parti Socialiste du Kurdistan. Bien qu'il n'y ait eu aucune condamnation à l'époque des faits, cinq ans après l'article, M. Çalislar a du s'expliquer devant la Cour et a déclaré qu'il n'avait fait que son travail. S'il est condamné, il sera envoyé à la prison de Saray comme dernièrement le journaliste Ragip Duran, condamné également pour un article.

Dans une interview accordée au quotidien grec Elefterotypia, Akin Birdal, président de l'association turque des droits de l'homme (IHD) affirme qu'"il existe en ce moment en Turquie 152 lois, 11 décisions (de tribunal) et 703 articles dans le système judiciaire qui interdisent la liberté d'expression et la liberté de la presse".

M. ECEVIT PROPOSE UNE AMNISTIE QUASI GÉNÉRALE


M. Bulent Ecevit, vice-Premier ministre turc, a proposé, lundi 20 juillet 1998, le vote d'une loi d'amnistie pour 70 000 prisonniers de droit commun , à l'occasion du 75ème anniversaire de la fondation de la République de Turquie, fêtée le 29 octobre prochain. Bien que M. Ecevit ait déclaré dans un premier temps que l'amnistie ne concernerait pas les 10 000 prisonniers condamnés pour "terrorisme et crimes contre l'État", de vives oppositions se sont manifestées dans les milieux politiques turcs accusant le leader du parti de la Gauche Démocratique (DSP) de proposer l'amnistie à des fins électorales.

Dans une seconde déclaration faite, mercredi 22 juillet 1998, au terme de la réunion du groupe parlementaire de DSP, M. Ecevit a exprimé son souhait de pouvoir élargir "dans la mesure du possible" sa proposition aux prisonniers politiques; "Je souhaite que notre proposition soit dans la mesure du possible élargie aux personnes emprisonnées pour des délits d'opinion qui n'ont pas été impliquées dans des actes de violence" a-t-il déclaré. Cependant, nombreux sont ceux qui évoquent les termes de la Constitution turque interdisant toute amnistie aux crimes tels que le terrorisme et les atteintes à l'intégrité et l'indivisibilité de l'État.

OPÉRATIONS CONTRE LES ISLAMISTES: DÉCRET POUR LE LIMOGEAGE DE 328 PRÉFETS-ADJOINT, EXPULSION DE 517 OFFICIERS DE L'ARMÉE TURQUE


Depuis que M. Mesut Yilmaz a pris les commandes du gouvernement, il s'est engagé dans une série de mesures légales de lutte contre les islamistes turcs, lutte imposée par l'armée turque qui se considère comme le gardienne de la laïcité de l'État. Ainsi, à partir de l'enquête effectuée par des inspecteurs du ministère de l'Intérieur, la destitution de 328 préfets-adjoint a été décidée dans le cadre de purges anti-islamistes au sein de l'État turc. Selon le quotidien Hurriyet du mardi 21 juillet 1998, le gouvernement turc a soumis au président Suleyman Demirel un décret portant sur le limogeage de ces fonctionnaires, accusés d'implication dans des "activités fondamentalistes".

Par ailleurs, Ismet Sezgin, ministre turc de de défense, a déclaré, samedi 25 juillet 1998, que l'armée turque a expulsé de ses rangs 517 officiers pour leurs liens présumés avec des groupes extrémistes islamistes au cours des deux dernières années. "Un total de 227 officiers ont été expulsés de l'armée pour des raisons liées au fondamentalisme entre l'été 1996 et l'été 1997. Entre l'été dernier et cet été, ce chiffre s'est élevé à 290" a-t-il ajouté.

L'ANCIEN MAIRE ISLAMISTE DE SIVAS DEVANT LA JUSTICE DANS L'AFFAIRE DU MASSACRE DE 37 INTELLECTUELS


La Cour de cassation turque a, mardi 21 juillet 1998, cassé le verdict prononcé contre M. Temel Karamollaoglu, ancien maire islamiste de Sivas, où le plus grave crime fondamentaliste de l'époque récente avait été commis. Le 2 juillet 1993, 37 personnes, en majorité des intellectuels, avaient péri brûlées vives dans l'incendie d'un hôtel, allumé par une foule d'intégristes musulmans. Accusé de n'avoir pas obéi au gouverneur de Sivas qui lui avait ordonné la dispersion de la foule rassemblée devant l'hôtel, M. Karamollaoglu, aujourd'hui député du parti de la Vertu (FP-islamiste), avait alors été acquitté. En novembre 1997, à l'issue d'un nouveau procès, la Cour de Sûreté de l'État avait condamné 33 personnes à la peine de mort, alors qu'une première cassation avait qualifié les incidents de "soulèvement intégriste contre l'ordre constitutionnel".

LES ÉLECTIONS ANTICIPÉES PRÉVUES POUR 25 AVRIL 1999


Le Premier ministre turc, M. Mesut Yilmaz, a annoncé, samedi 25 juillet 1998, que le gouvernement de coalition au pouvoir en Turquie s'est mis d'accord pour convoquer des élections législatives anticipées le 25 avril 1999. Après une rencontre avec les dirigeants des partis membres de la coalition gouvernementale, Parti pour une Turquie Démocratique (DTP) et Parti de la Gauche Démocratique (DSP), M. Yilmaz a déclaré "nous avons réglé tous les différends (à ce sujet) dans le gouvernement et nous appellerons à des élections anticipées pour le 25 avril de l'année prochaine ()Nous appellerons le parlement à approuver la date de ces élections la semaine prochaine, avant que les vacances parlementaires [le premier week-end d'août] ne débutent". À l'issue de trois semaines de conflit au sein du gouvernement et après la déclaration de M. Husamettin Cindoruk, président du DTP qui avait déclaré que l'actuel gouvernement ne pouvait plus "correctement travailler" et M. Bulent Ecevit, vice-Premier ministre, qui lui, avait prôné la convocation d'élections législatives anticipées pour novembre 1998, la date de 25 avril 1998 a mis un terme provisoire aux incertitudes politiques turques.

LA COURS TURQUE À L'ARMEMENT-SUITE


la Turquie a signé, mercredi 22 juillet 1998, un accord d'une valeur de 996 millions de DM avec la firme allemande Howaldtswerke Deutshe Werft AG (HDW) pour la construction en Turquie de quatre sous marins. Selon Ismet Sezgin, ministre turc de la défense, la construction du premier sous marin débutera l'année prochaine et en 2006 les quatre seront construits.

D'autre part, la firme américaine Sikorsky Aircraft est sur le point de conclure un accord final avec la Turquie pour la vente de 50 hélicoptères Black Hawk S-70 et 8 plate- formes Super Stallion d'une valeur de $ 700 millions. Si l'accord aboutit effectivement, cela portera un coup dur au consortium franco-germain Eurocopter et à la firme américaine Boeing Co.

Par ailleurs, Akis Tsohatzopoulos, ministre grec de la défense, a, jeudi 23 juillet 1998, accusé la Turquie, en référence au projet turc de construction d'une centrale nucléaire d'ici 2006 à Akkuyu, de chercher à se doter de l'arme nucléaire. Soulignant que "tous les pays ayant adopté la même technologie [ndlr: une technologie canadienne] ont construit des armes nucléaires", il a exprimé sa préoccupation face au projet d'Akkuyu.