DATES


DU
Vendredi 21 janvier 2005 - 10h00

AU
Dimanche 30 janvier 2005 - 18h00

ADRESSE
PREMIERS PLANS à PARIS
54 rue Beaubourg 75003 PARIS

Un "RARE" : Yilmaz Güney



Un "RARE" : Yilmaz Güney. - 17ème Festival d'Angers

Premiers Plans rend hommage à Yilmaz Güney en présentant six de ses films.

En Turquie et au Kurdistan, quand on parle de cinéma, Yilmaz Güney est le premier nom qui se présente à l’esprit, tant le destin fulgurant de ce fils d’humbles paysans kurdes immigrés en Cilicie se confond avec l’histoire du cinéma de son pays. Sa passion pour le septième art débute à l’adolescence où pour assurer sa subsistance, il travaille quelque temps comme montreur ambulant de films, parcourrant les campements nomades avec un projecteur de fortune. Il y découvre le pouvoir des images et les goûts du public populaire.

Doté d’un physique de « paysan anatolien ordinaire » alors que la mode est aux jeunes premiers blonds des beaux quartiers d’Istanbul, Güney, par la puissance de son jeu et sa connaissance de la psychologie populaire ne tarde pas à s’imposer comme « le roi laid » du cinéma turc où il joue dans une centaine de films d’action des rôles allant des bandits d’honneur aux durs au cœur tendre des bas-fonds et aux protecteurs des faibles.

Vers la fin des années 1960, dans une Turquie en proie aux convulsions sociales, Güney passe derrière la caméra pour réaliser ses propres films. Seyyit Han (1968), qui conte une histoire d’amour malheureuse kurde, rencontre un vif succès. Aç Kurtlar (Loups affamés, 1969) est salué par la critique comme l’œuvre annonciatrice d’une nouvelle ère dans le cinéma turc. Mais c’est surtout Umut (Espoir, 1970) qui fait connaître Güney aux cinéastes européens et confirme ses talents de réalisateur. Ses films, d’inspiration néo-réaliste, portent pour la première fois à l’écran les Kurdes, le monde paysan, le petit-peuple des faubourgs survivant grâce à des métiers précaires et condamnés par le déferlement d’un capitalisme conquérant et sauvage.

Le succès de ces films où Güney est à la fois scénariste, comédien et réalisateur, leur impact social, inquiètent les autorités turques. D’autant que le cinéaste apporte son soutien aux mouvements ouvrier, kurde et étudiant. Accusé de propagande communiste et de séparatisme, Güney, à partir du coup d’Etat militaire de 1970, passe une douzaine d’années dans les prisons turques. Mais, même en prison, il continue d’écrire des scénarios et de faire réaliser par ses assistants des films. Le Troupeau et Yol sont des chefs-d’œuvre conçus et réalisés à partir de la prison qui portent un regard shakespearien sur les sociétés kurde et turque, sur l’oppression politique mais aussi sur les archaïsmes sociaux et la condition des femmes.

Condamné à plus de cent ans de prison pour ses écrits et ses films par la junte militaire turque de 1980, Güney, pour la première fois de sa vie d’artiste, se trouve dans l’impossibilité de faire du cinéma, fût-ce par personnes interposées. Le régime miliaire saisit les copies de ses films, les voue à la destruction ; ses contacts avec le monde extérieur sont coupés. Il parvient après maintes péripéties à s’évader et débarque en automne 1981 en France, qui lui offre l’asile. Il se consacre, dans la plus grande discrétion, au montage de Yol dont les rushes ont quitté la Turquie clandestinement. Le film est présenté en mai 1982 au Festival de Cannes où il partage la Palme d’or avec le Missing de Costa Gavras, avant de rencontrer un succès planétaire.

Artiste révolutionnaire engagé, se voulant témoin de son temps, Güney ne veut pas céder à la facilité et aux modes du moment ; il veut peindre « les mille et un visage » de la souffrance et des passions des hommes. Le Mur, tourné en France et traitant des conditions pénitentiaires en Turquie est le fruit de ce « devoir de témoigner ». Il reçoit un accueil mitigé de la part de la critique en raison notamment de la violence de certaines de ses scènes qui pourtant ne sont qu’un pâle reflet des réalités turques.

Déçu par cet accueil, miné par une maladie non soignée en prison, Güney meurt en septembre 1984 à Paris à l’âge de 47 ans à un moment où il était au sommet de son art et avant de nombreux projets de films à réaliser. Annonçant sa disparition, un journal turc titre : « Le film est terminé » ! Mais la légende Güney, elle, continue.

Kendal Nezan
Président de l’Institut kurde de Paris