Vendredi 27 novembre 2009
De 09h30 à 17h30
La révolte de Dersim qui s’étale sur la période 1936-1938, est la dernière des grandes révoltes kurdes sous la République kémaliste en Turquie. Elle est aussi celle qui a été le plus durement réprimée. Prenant l’allure d’une véritable campagne d’extermination, l’ « opération de pacification » de Dersim a laissé un traumatisme durable parmi ses survivants dispersés dans les campagnes anatoliennes, mais aussi, dans l’histoire de la République turque. Certains hauts responsables, parmi lesquels Ihsan Sabri Caglayangil, président par intérim en 1980, Süleyman Demirel, président de la République de 1993 à 2000, l’essayiste Necib Fazil Kisakürek ou encore le général Cemal Madanoglu, ont rappelé, par le truchement des mémoires et déclarations, l’horreur de cette campagne. De même, un hebdomadaire turc, Nokta, lui a consacré un numéro spécial. Plusieurs chercheurs, parmi lesquels le sociologue Ismail Besikci et l’anthropologue Martin van Bruinessen ont établi des parallèles entre la répression de 1936 et 1938 et les violences génocidaires du 20ème siècle.
A la base de la décision du pouvoir kémaliste de détruire cette région kurdo-alévie, il y a une déclaration présidentielle de 1935 décrivant Dersim comme un « abcès » au sein de la République désormais largement turquifiée, puis, une loi spécifique datant de la même année. Pour le pouvoir, Dersim, qui jouissait d’une autonomie de fait, posait en effet un triple problème : un problème historique, car comme le rappelait le général Kâzim Karabekir, cette région « hérétique » avait par le passé résisté au pouvoir ottoman et sauvé nombre d’Arméniens lors du génocide de 1915 ; un problème « national », car elle était considérée comme le dernier refuge d’une kurdicité défaite dans les autres parties du Kurdistan ; un problème « civilisationnel », enfin, car Dersim constituait aux yeux du pouvoir un « continent clos » où la Révolution kémaliste ne parvenait pas à s’implanter. La destruction de la province, la déportation de ses habitants et la constitution d’une nouvelle entité administrative nommée Tunceli (« Main de Bronze » ou « Pays du Bronze ») étaient dès lors posées comme autant de conditions préalables de la turquification de cette région dissidente et de son « entrée dans la civilisation ».
Le colloque de l’Institut kurde de Paris, « Dersim : 1935-1938 » vise à établir, en partant des travaux universitaires déjà effectués, des recueils de l’histoire orale et des fonds d’archives, un état des lieux de la recherche sur l’ensemble de cette période.