Conferences : World Congress of KURDISH STUDIES : Ibrahim Seydo AYDOGAN
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World Congress of
KURDISH STUDIES

Irbil, 6-9 September 2006

Organized by the Kurdish Institute of Paris in partnership with
Salahadin University (Irbil) and with the support of the
Kurdistan Regional Government and of the
French Ministry for Foreign Affairs



Identification des temps verbaux dans les grammaires kurdes

Par Ibrahim Seydo AYDOGAN (*)

1. Introduction

Les Kurdes vivent aujourd’hui principalement aux alentours de la Mésopotamie, dans la zone partagée depuis 1923 entre la Turquie, l’Irak, l’Iran et la Syrie. Ils forment une population estimée à 35 millions de personnes, étendue entre ces quatre pays ainsi qu’en Caucase et en Europe.

Leur langue, le kurde, fait partie du groupe des langues iraniennes, au sein de la grande famille des langues indo-européennes. On distingue généralement quatre grands dialectes du kurde, qui sont le kurmandji, le soranî, le zazakî et le goranî.[1]

Comme les Kurdes se trouvent dans des pays politiquement différents, le cas de leur langue est exceptionnel, pour la raison que, depuis le partage définitif de la zone de peuplement kurde, en 1923, le traitement politique des Kurdes et de leur langue diffère d’un pays à l’autre. Ainsi, alors que le kurde a été officiellement reconnu en Iran et toléré en Syrie, qu’il a même été une langue officielle en Irak, il a connu une interdiction sévère en Turquie pendant près d’un siècle, jusqu’en 2002, et aujourd’hui encore en pratique. Les conséquences de cette interdiction prennent une ampleur importante dans les travaux linguistiques effectués sur le kurde en Turquie et cela cause un souci d’homogénéité pour notre recherche. C’est pour cela que nous limiterons notre étude à l’emploi du kurde en Turquie.

1.1. Problématique

La première source pour connaître les temps verbaux d’une langue est sa grammaire. Or, les grammaires kurdes semblent ne pas s’entendre sur la description des temps et des modes de cette langue. Nous y avons observé une incohérence sérieuse dans la description du système verbal du kurde.

Nous pouvons illustrer cette incohérence dans une comparaison des grammaires kurdes et des travaux effectués sur le système verbal du kurde :

Bedirkhan & Lescot (1970) : 17 temps verbaux

Badilli (1965)                                         : 11 temps verbaux

Sagnic (1991)                                        : 16 temps verbaux

Jemo (1991)                                           : 29 temps verbaux

Ciwan (1992)                                         : 18 temps verbaux

Barnas (1993)                                        : 17 temps verbaux

Rizgar (1993/2005)                                : 12 temps verbaux

Blau et Barak (1999)                             : 16 temps verbaux

Yalçin (2000)                                         : 21 temps verbaux

Tan (2005)                                             : 27 temps verbaux

Ainsi, le nombre de temps verbaux diffère de 11 à 29 d’une grammaire à l’autre. Il est également important de préciser que le nombre de temps verbaux observés dans les grammaires kurdes et dans les travaux portant sur le système verbal du kurde s’élève au total à 32.

L’idée d’une telle multiplicité de temps verbaux au sein de la langue kurde nécessite une analyse approfondie. L’incohérence observée dans les grammaires kurdes est due à l’absence d’observation et d’analyse suffisantes. C’est pour cela que nous proposons, de reprendre les 32 temps verbaux identifiés dans les grammaires kurdes et d’observer ensuite leurs comportements aspectuo-temporels dans la production langagière.

La question que nous nous poserons tout au long de cette étude est la suivante : toutes les formes verbales observées dans les grammaires existent-elles réellement dans le système verbal du kurde et chaque forme verbale observée correspond-t-elle à un tiroir spécifique ?

Notre hypothèse est qu’il faut tenir compte de la situation socio-politique des Kurdes ainsi que de la diversité des parlers du kurde afin d’y apporter une explication. Car le même temps verbal peut s’employer différemment d’un parler à l’autre, et le chercheur qui n’en tient pas compte peut croire découvrir de nouveaux temps verbaux. Cela montre que des facteurs internes à la langue peuvent également être à l’origine de cette incohérence évoquée. Néanmoins, les interdictions linguistiques et, en conséquence, l’absence d’enseignement en kurde, constituent l’obstacle le plus important à la formation des linguistes et à la réalisation de recherches sur le kurde. C’est pour cela que, jusqu’aujourd’hui, la plupart des travaux linguistiques ont été menés par des politiques kurdes n’ayant pas de formation linguistique. Comme les auteurs ont des orientations politiques différentes, leurs grammaires ne communiquent pas entre elles. Cela amène le grammairien à décrire la langue comme il la pratique quotidiennement, sans prendre en compte les remarques et les travaux d’autres grammairiens. Ces faits expliquent, à notre sens, l’absence d’une grammaire complète de la langue kurde.

Partant des observations faites ci-dessus, nous avons constitué un corpus de 17 romans kurdes écrits par des Kurdes de Turquie et en dialecte kurmandji. Afin de tenir compte de la diversité des parlers du kurde en Turquie, nous avons constitué notre corpus selon les régions natales des auteurs[2].

Nous nous proposons, ainsi, de vérifier les comportements de 32 temps verbaux dans notre corpus afin de répondre à notre question. Ainsi, notre étude vise à mieux décrire le système verbal du kurde kurmandji.

1.2. Présentation du model

Pour nos analyses, nous nous servirons du modèle aspectuo-temporel de Gosselin (1996). Les descriptions faites à partir de ce modèle nous serviront à vérifier si les formes verbales observées dans notre corpus correspondent réellement à des temps verbaux spécifiques.

Gosselin (1996), dans son modèle, introduit le concept d’interprétation aspectuo-temporelle. Sur ce point, il complète les autres modèles de représentation des événements, comme la SRD de Kamp et Rohrer. Pour lui, « tous les éléments de l’énoncé ne contribuent pas à l’interprétation aspectuo-temporelle ; par exemple, le genre (masculin/féminin) paraît totalement étranger à cette dimension sémantique[3] ». En éliminant ces éléments, il centre ainsi son étude non sur la représentation mentale du récit mais uniquement sur la représentation aspectuo-temporelle de ce dernier.

Gosselin ne prend pas en compte uniquement la référence temporelle du procès, mais aussi les contraintes pragmatico-référentielles relatives au contexte et les marqueurs aspectuo-temporels. Il inclut ainsi les théories aspectuelles comme celle de Dowty (1986)[4] qui analyse l’influence des classes aspectuelles sur l’ordre temporel des événements et qui propose ainsi « une approche sémantique des classes aspectuelles basée sur la notion de vérité de la phrase par rapport à un intervalle de temps »[5].

Ainsi, dans son modèle, Gosselin propose de calculer les parties constitutives d’un tout linguistique individuellement et dans leurs intervalles de procès et de référence pris en compte avec celui de l’énonciation. Il résume comme telle cette démarche :



(…) nous admettons que les marqueurs aspectuo-temporels (des morphèmes lexicaux, grammaticaux et des constructions syntaxiques) codent des instructions pour construire des intervalles disposés sur l’axe du temps. Ce sont ces dispositions d’intervalles qui constituent les représentations aspectuo-temporelles associées aux phrases et aux textes. On retient quatre types d’intervalles : un intervalle de l’énonciation ([01, 02]), un intervalle du procès ([B1, B2]), un intervalle de référence ([I, II]) correspondant à ce qui est montré du procès, ainsi que d’éventuels intervalles circonstancielles ([ct1, ct2]). Ce dispositif permet de proposer de nouvelles définitions du temps et de l’aspect. [6]

Les relations du temps et de l’aspect sont ainsi définies selon une nouvelle codification basée sur la prise en considération des intervalles. Selon ce modèle, le niveau textuel ou interphrastique est créé à partir des bornes des intervalles appartenant à des prépositions et à des phrases différentes.

Gosselin (1999) illustre cette approche à l’aide l’exemple suivant :

 

(1)       Pierre enfila sa veste et sortit. Il pleuvait abondamment.

                1                              2              3

 

La représentation aspectuo-temporelle de cet exemple est la suivante :

Le premier et le deuxième événement ont la même représentation. En effet, dans la représentation de ceux-ci l’intervalle de référence coïncide avec celui du procès. Cela montre qu’il s’agit de l’aspect aoristique. Le fait que l’intervalle de référence (I-II) soit antérieur à l’intervalle de l’énonciation (01-02) montre que le procès marque le temps du passé.

Ce modèle de représentation nous servira notamment dans l’interprétation des temps que les grammairiens kurdes appellent « temps duratifs ».

2. Le système verbal du kurde dans les grammaires

Comme nous l’avons souligné, les grammairiens kurdes décrivent au total 32 temps verbaux pour le dialecte kurmandji.

Les temps des modes du kurde se forment de trois composants : un radical du verbe (R), un préfixe (ou préverbe) temporel (PT) et une désinence personnelle (D).

Pour les temps simples, notre formule est la suivante : PT + R + D.[7]

Pour les temps composés, notre formule est la suivante : PT + R + bûyin (être) + D.

- En kurde, il existe deux types de radical du verbe : radical du présent (R1) et radical du passé (R2).

- Pour obtenir R1, il suffit de connaître l’impératif ou le présent de l’indicatif du verbe. Le radical du verbe est déterminé une fois que PT et D d’un verbe à l’impératif ou au présent de l’indicatif sont enlevés.

- R2 se dérive de l’infinitif du verbe. Il suffit de supprimer le suffixe /-n/ ou /-in/ d’un verbe à l’infinitif pour obtenir son radical. Pour les verbes intransitifs en /-în/, il est fréquent de trouver leur forme double en /-iyan/ aux temps du passé, comme girîn (pleurer) – giriyan, tirsîn (avoir peur) – tirsiyan, revîn (courir) – reviyan etc.. Pour la conjugaison des verbes en /–iyan/, tout comme pour celle de leurs doubles, il suffit de retrancher la terminaison /-n/.

- Pour la conjugaison d’un verbe, il faut savoir, au préalable, s’il est transitif ou intransitif. Car, le kurde connaît les constructions ergatives et dans celles-ci « les verbes transitifs et intransitifs ont les mêmes préverbes dans la conjugaison des temps passés mais pas les mêmes terminaisons »[8] pour la raison que le verbe transitif s’accorde en nombre et en personne avec son complément lorsqu’il est à un temps passé.

A partir des exemples relevés dans notre corpus, nous avons identifiés deux groupes de désinences personnelles.

 


Les désinences de D2 s’emploient pour la formation les temps du conditionnel ainsi que les temps du subjonctif excepté le présent de ce mode. Pour la formation des autres temps, on se sert des désinences appartenant à D1.

Afin de connaître les préfixes et les radicaux des verbes et leurs implications dans la formation des temps verbaux, nous avons élaboré le tableau suivant, qui indique également tous les temps verbaux identifiés dans les grammaires kurdes :

 



Les temps du kurde selon leurs préverbes temporels se répartissent en six groupes. On constate qu’ils peuvent comporter cinq types de préverbe temporel. Nous avons constitué un sixième groupe pour les temps verbaux qui ne prennent aucun préverbe :

 


/di-/

Présent de l’indicatif

Présent duratif

Présent général

IMP

IMP duratif

PQP approximatif

PQP approximatif et duratif

 

/bi-/

Futur proche

Futur proche duratif

Présent du subjonctif

Présent duratif du subjonctif

IMP du subjonctif

IMP lointain du subjonctif

Futur proche du subjonctif

Impératif

Impératif duratif

 

/ê di-/

Présent actuel

 

/ê bi-/

Futur

Futur duratif

Conditionnel

IMP lointain du conditionnel

 

/ê Ø/

Futur antérieur

Futur antérieur duratif

Conditionnel passé

 

Ø

PQP du subjonctif

Prétérit du subjonctif      

Prétérit duratif du subjonctif         

PQP de non constatation

PQP

Parfait

Passé récent

Prétérit

 


2.1 Observations générales

 

- Le présent et l’imparfait de l’indicatif comportent le préfixe /di-/[9] qui se manifeste comme le marqueur d’inaccompli.

- Les temps du futur et ceux du conditionnel prennent la particule préverbale ê (, selon les parlers). Le futur simple et le conditionnel présent comportent également le préverbe /bi-/ entre la particule ê et le verbe. 

- Le présent actuel qui comporte la même particule préverbale est le même tiroir que le présent de l’indicatif. Il ne figure que dans les travaux des linguistes anglophones, Akrawy (1982) et Tan (2005). Cela doit venir de la valeur du présent en anglais. Nous n’avons pas trouvé d’exemple de ce temps verbal dans notre corpus. Akrawy l’appelle present continous dans sa grammaire écrite en anglais.[10] Or, Blau et Barak (1999) signalent que « dans plusieurs régions, telles Marash, Malatya, Antep… le pronom personnel est suivi du morphème -î pour le masculin et –ê pour le féminin »[11]. Les grammairiens nous semblent ne pas avoir tenu compte des différences de parlers.

- Pour la construction du passé récent, on se sert de l’adverbe de temps nuh (maintenant, juste). Les adverbes temporels ont pour fonction de modifier ou d’influencer l’emplacement de l’intervalle temporel de l’événement ou de sa référence. C’est pour cette raison que, dans Ez nuh ketim (je tombai maintenant ou je tombai juste), les linguistes kurdes entendent je viens de tomber. Ce temps ne figure que dans Kurdo (1990) et Jemo (1991). Or, bien que cet adverbe rapproche l’événement du présent, il ne crée pas un nouveau temps verbal, car il a également des emplois dans d’autres temps comme Ez ê nuha derkevim (Je sortirai maintenant) au futur.

- Nous interprétons de la même manière le présent général qui se forme à l’aide de l’adverbe d’aspect hergav (toujours). Ce temps verbal était présent dans la Grammaire de Murad Ciwan (1992). Le système verbal du turc comporte un temps, geniş zaman (le temps large), qui exprime des habitudes ou des événements itératifs dans le présent tout comme dans le futur. Le grammairien kurde a dû être influencé par sa connaissance de la grammaire turque. Or, le présent de l’indicatif  kurde connaît aussi cet emploi modal, tout comme le présent de l’indicatif français, pour marquer les habitudes, et sans avoir recours à un adverbe d’aspect. Par exemple, en français, D’habitude, je vais au cinéma et Je vais au cinéma peuvent exprimer les même idées aspectuo-temporelles. C’est exactement le même cas en kurde.

- On observe que le verbe kirin (faire) est sollicité pour former trois temps verbaux : futur proche, futur proche duratif, futur proche du subjonctif. Pour les deux premiers, le verbe auxiliaire kirin est au présent et est suivi d’un autre verbe au présent  du subjonctif ; pour le dernier, le verbe auxiliaire est à l’imparfait et est suivi d’un autre verbe à l’imparfait du subjonctif. Ce dernier semble constituer la transposition de l’événement du premier au monde du passé.[12] Dans Ez dikim bikevim (futur proche) qui se traduit en français par Je suis sur le point de tomber ou Je m’apprête à tomber[13] (ou faillir tomber au PR), les linguistes et les grammairiens kurdes[14] entendent Je vais tomber. Dans Je vais tomber, on évoque un événement qui aura lieu dans le futur, i.e. un événement possible. Or, dans Je suis sur le point de tomber, on évoque  uniquement une réalisation de l’événement au présent, tout comme on dit Je pense m’installer à Paris. Il est important de préciser le travail de François (1994) qui interprète la prédication verbale Etre sur le point de comme un aspect immédiate. Dans Je pense m’installer à Paris, la temporalité est centrée sur l’action principale : penser. Il n’en va pas de même pour Je vais tomber (aller au PR+ v.INF) du français qui exprime une idée claire du futur. Si l’on cherche la transposition du Ez dikim bikevim (kirin-faire PR + ketin-tomber PR du subjonctif) au passé dans notre tableau, on obtient Ez dikir biketama (kirin IMP + ketin IMP du subjonctif) qui se traduit par J’étais sur le point de tomber ou Je faillis tomber et non comme J’allais tomber (aller à l’IMP + INF). Dans Ez dikir biketama on n’entend aucune intention du futur par rapport à un intervalle de référence situé dans le passé. On sait que l’événement a failli se produire mais qu’il ne s’est finalement pas produit. Cela confirme également l’approche de François (1994), citée plus haut. Nous pensons que, pour ces deux temps verbaux, les grammairiens kurdes s’inspirent des langues étrangères, notamment de l’anglais et du français.

-  Par ailleurs, on observe que douze temps verbaux de notre tableau entrent dans la catégorie que Bedirkhan et Lescot (1991) appellent temps composés. Ces temps se forment  à l’aide du verbe bûyin (être) adjoint à R2 : PQP approximatif, PQP approximatif et duratif, futur antérieur, futur antérieur duratif, PQP du subjonctif, prétérit du subjonctif, prétérit duratif du subjonctif, PQP de non constatation, PQP, IMP lointain du subjonctif, IMP lointain du conditionnel, conditionnel passé.

- Excepté l’IMP lointain du subjonctif et l’IMP lointain du conditionnel, les temps composés sont adjoints à R2 par un /-i-/ euphémique qui n’entraîne aucun changement de sens. Nous interprétons ces deux temps, présents uniquement dans les travaux de Jemo (1991) et (1995), comme des variantes de deux autres temps, respectivement l’IMP du subjonctif et le conditionnel présent. Il en va de même dans la formation du plus-que-parfait approximatif. Ces trois formes temporelles du verbe s’observent uniquement dans l’emploi de certains verbes marginaux en /-în/ comme zanîn (savoir), wêrîn (oser), karîn (pouvoir), vîn (falloir) etc. Nous y reviendrons dans la suite de notre étude.

- Les temps du conditionnel, le futur proche du subjonctif, l’IMP du subjonctif, l’IMP lointain du subjonctif et le PQP du subjonctif comportent le morphème /-a/ comme suffixe après la désinence personnelle. Alors que le PQP du subjonctif et le conditionnel passé prennent /-i-/ euphémique, les autres temps de ce groupe prennent également /-a-/ euphémique avant la désinence personnelle. C’est pour cette raison que nous avons constitué deux groupes de désinences personnelles, D1 et D2. Les temps verbaux cités prennent D2 comme désinence personnelle.

- Tous les duratifs des temps verbaux sont construits à l’aide du morphème /-e/. Nous étudierons les duratifs dans un autre chapitre afin d’observer leur fonctionnement dans le système verbal du kurde. Les temps médiatifs du kurde, le parfait et le PQP de non-constatation comportent également ce morphème.

 

Suite à nos réflexions relatives à la formation des temps verbaux, nous sommes amené à contester la pertinence de huit temps verbaux qui sont : présent général, présent actuel, passé récent, PQP approximatif, futur proche, IMP lointain du subjonctif, futur proche du subjonctif, IMP lointain du conditionnel.

2.2. Les temps duratifs des grammaires kurdes

Selon Tan (2005) « le morphème /-e/ que l’on ajoute à la fin d’un verbe au présent rend son action durative »[15]. Sur ce point, il suit Bedirkhan et Lescot (1970) qui avaient noté, s’agissant du présent duratif, que « d’un emploi peu fréquent, il se conjugue de la même manière que le présent, mais avec adjonction d’un -e à la désinence de chaque personne »[16]. Il en va de même pour Jemo (1991) et Blau et Barak (1999).

Si l’on reprend tous les temps verbaux auxquels les linguistes et les grammairiens kurdes attribuent des formes duratives dans notre tableau ci-dessous, on constatera qu’effectivement le temps verbal qui prend le morphème /-e/ devient duratif :

 

Il s’observe clairement que la seule différence entre un temps verbal et son duratif est la présence du morphème /-e/ à la fin de ce dernier. Nous pensons que, concernant les duratifs, les linguistes et les grammairiens qui travaillent sur le système verbal du kurde puisent leur modèle dans la grammaire d’une langue étrangère qu’ils connaissent.

Blau et Barak (1999 : 49) donnent eux-mêmes leur référence en expliquant ceci :

 

Le présent progressif indique une action en cours (voir le présent progressif de l’anglais : « I am eating »).

 

Akrawy (1982) donne exactement le même exemple (I am eating) mais sa traduction en kurde est « Ez yê nan y di xwuom », que nous pouvons écrire autrement comme Ez ê nanî dixwim[17] et qui est un exemple du présent actuel chez Tan (2005)[18].

Par ailleurs, lorsqu’il s’agit du prétérit qui comporte le même morphème /-e/, les linguistes kurdes ne parviennent pas à y apporter une explication convaincante. Tan (2005) affirme qu’« il est également fréquent que le suffixe /-e/ s’ajoute à la désinence de la troisième personne du singulier des verbes au prétérit. Ainsi, on peut dire Ew hat bajêr (il vint en ville) tout comme on dit Ew hate bajêr (il vint en ville) »[19].

L’explication semble claire : les deux formes verbales, Ew hat bajêr et Ew hate bajêr, expriment la même idée pour Tan (2005). On en déduit que le morphème /-e/ ne construit pas toujours de nouveaux tiroirs.

On devine, en outre, que c’est une différence de parlers que Tan veut évoquer, mais il ne s’attarde pas sur cette différence, il ne l’explicite pas, et surtout, le /-e/ qui ressemble au morphème /-e/ des temps duratifs n’attire guère son attention. Tan ne précise pas non plus pourquoi il ne donne pas l’exemple Ew hat et Ew hate (Il vint), mais préfère Ew hat bajêr et Ew hate bajêr (Il vint en ville) avec un complément de lieu.

Dans cet exemple, c’est la présence du complément de lieu qui doit attirer notre attention. Cet élément de la phrase provoque une question simple qui nous mènera à une observation importante pour notre étude : pourquoi les linguistes kurdes ne proposent-ils pas des exemples simples comprenant uniquement un sujet et un verbe ?

La raison est la suivante : si l’on supprime le mot bajêr (en ville), plus précisément le complément de lieu final pour le verbe hatin (venir), il est peu probable de rencontrer ce verbe au prétérit sous la forme hate. Cette forme des verbes avec /-e/ s’observe plutôt dans le cas où on précise le complément de lieu final dans une phrase au prétérit dont le verbe est hatin (venir), gihîştin (atteindre, arriver), daketin (atterrir, descendre), avêtin (jeter), rijandin (verser) etc. Tous ces verbes expriment un mouvement d’un point A à un point B. Notre exemple, ketin (tomber, enter) fait partie de ce même groupe. Nous avons également un emploi très fréquent du verbe gotin (dire) dans certains parlers du kurde, notamment dans celui du Botan. Ce verbe qui prend régulièrement et dans tous les temps le morphème /-e/ lorsqu’on indique à qui on parle, nous montre que l’emploi de ce morphème est complètement directionnel.[20]

 

(2)       a) Min baş bihîst ku ji min re wusa got. b) Peyvik bi peyvik... rasterast weha gote min: (Labîrenta Cinan, p. 168).

            a) Moi bien entendre (Prétérit ind.) que [il] à moi comme ça dire (Prétérit ind.). b) Parole par parole... directement comme ça [il] dire (Prétérit ind.) à moi:

            (a) J’ai très bien entendu, il m’a dit ainsi. b) C’est exactement ce qu’il m’a dit.)

 

Des exemples avec le verbe gotin (dire) nous montrent également que l’on peut expliquer la présence du morphème /-e/ par la direction que le verbe indique. L’exemple (2) illustre deux manières d’exprimer le même événement. Il est impossible d’écrire le verbe subordonné de (2a) en gote (dire PR ind. + e) pour la raison que la direction de l’action n’est pas indiquée.

Ces explications nous montrent qu’en effet, il ne s’agit pas de temps duratifs mais de verbes qui expriment un déplacement. C’est pour cela que, lorsqu’il s’agit d’un verbe qui ne demande pas de direction ou de complément de lieu final, xwendin (lire) par exemple, on ne peut pas l’envisager dans le cas de verbes comme hatin (venir), en Wî xwende* (Il lut). Ce type d’exemple n’est pertinent ni au prétérit, ni au présent, ni au futur et nous ne l’avons pas constaté dans notre corpus.

Néanmoins, l’exemple le plus significatif que l’on pourrait en donner est celui de cette chanson populaire et très connue parmi les Kurdes, qui commence par « çûme Cizîrê, Cizîra Botan … » (J’allai à Djezire, Djezire de Botan). On observe, dans cet exemple, que le verbe çûyin (aller, partir) est au prétérit, mais avec le morphème /-e/ adjoint à la désinence de la première personne du singulier.

Concernant les duratifs, les exemples que les grammairiens kurdes proposent sont tous des exemples produits par eux-mêmes. Nous pensons qu’il faut vérifier les exemples dans des productions langagières. Nous avons suivi une telle démarche et nous avons relevé, dans les romans kurdes que nous avons choisis comme corpus, des exemples avec le verbe (ketin - tomber, entrer) dont les linguistes et les grammairiens se servent.

Examinons maintenant la formation d’un duratif dont les linguistes kurdes traitent dans leurs travaux.

S’agissant de l’imparfait duratif, Yalçin (2001), qui l’appelle l’imparfait narratif,   explique, suivant Bedirkhan et Lescot (1970) et Blau et Barak (1999), qu’« il se conjugue en ajoutant le préfixe di- aux formes du parfait »[21].

Elle en donne les deux exemples suivants :

 

(3)       Ez diketime.

J’étais en train de tomber.

(4)       Gava ku ew hatiye min kitêb dixwendiye.

Lorsqu’il arriva, j’étais en train de lire.

 

L’exemple (3), Ez diketime (J’étais en train de tomber), est un exemple fabriqué qui ne nous semble pas acceptable si l’on n’y ajoute pas le complément de lieu final comme nous l'avons montré dans notre explication du morphème /-e/ du prétérit. Ce morphème est sollicité presque systématiquement dans certains parlers du kurde à chaque fois qu’il s’agit d’un verbe de déplacement. Or, il nous faut préciser que nous n’avons pas relevé d’exemple de sa présence dans des cas où on ne mentionne pas de complément de lieu final. C’est pour la même raison que l’exemple (4), Gava ku ew hatiye min kitêb dixwendiye (Lorsqu’il arriva, j’étais en train de lire), ne nous semble pas non plus pouvoir être conservé.

Observons d’autres exemples :

 

(5)       Ez ji bo konferansekê diçûme Axsorê. Li balafirgehê li wî rast hatim. (Ardûda, p. 32)

            Je pour une conférence aller (IMP ind.) à Axsor. A l’aéroport [je] à lui droit venir (Prétérit ind.).

            (J’allais à Axsor pour une conférence. Je le croisai à l’aéroport.)

 

(6)       Piştî ku ez ji odeya xebatê derdiketim û diçûm malê, ew diçû diket şûna min û xebat didomand. (Ardûda, p. 61)

            Après que je de la chambre de travail sortir (IMP ind.) et aller (IMP ind.) à la maison, il aller (IMP ind.) entrer (IMP ind.) à ma place et [il] le travail continuer (IMP ind.)

            (Dès que je quittais mon bureau et rentrais à la maison, il se mettait (entrait) à ma place et continuait le travail.)

 

Alors qu’il s’agit du même type d’exemple et du même roman, on observe deux comportements différents dans l’écriture du verbe çûyin (aller, partir). Dans les deux cas, la direction de l’action est précisée. Néanmoins, alors que le morphème /-e/ intervient entre le verbe et sa direction dans (5), on ne l’observe pas dans (6).

Ces exemples nous montrent que l’on peut interpréter l’imparfait duratif de la manière dont nous avons interprété le présent duratif et le prétérit duratif.  C’est pour cela que les verbes mis en gras ont la même représentation aspectuo-temporelle :

Ainsi, la présence du complément de lieu final amène le locuteur à faire un choix entre les deux formes d’un temps verbal, et quelque soit son choix, quelque soit en outre le sujet du verbe, le morphème /-e/, que Bedirkhan et Lescot (1970) appellent « e euphonique »[22], n’entraîne aucune modification de sens. Le couple d’exemples empruntés au même roman, (5) et (6), montre à son tour qu’il ne s’agit que d’un choix purement personnel.

Nous apporterons la même explication à tous les autres cas de duratifs que nous avons observés dans notre tableau (1). Nous les traiterons tous comme nous l’avons montré dans notre exemple relatif au prétérit duratif.

Les explications des grammairiens sur les duratifs et leurs structures morphologiques avec le morphème /-e/, que nous avons constatées dans les grammaires kurdes, nous semblent contradictoires et se réfutent ainsi elles-mêmes.

 

2.3. Le dysfonctionnement temporel des verbes marginaux

Dans notre corpus, nous avons constaté une formation inhabituelle au niveau de trois temps observés dans les grammaires kurdes. Ces temps sont le plus-que-parfait approximatif, l’imparfait lointain du subjonctif et l’imparfait lointain du conditionnel.

Ce dysfonctionnement temporel concerne uniquement quelques verbes marginaux comme zanîn (savoir), karîn (pouvoir), vîn (devoir) et wêrîn (oser). En kurde, ces trois verbes n’ont pas d’emploi au prétérit de l’indicatif ni au PQP de l’indicatif. L’IMP de l’indicatif les remplace régulièrement. Il en va de même pour les autres modes. C’est peut-être pour cela que, comme nous le verrons dans la suite de ce chapitre, la conjugaison de ces verbes connaît plusieurs formes pour chaque tiroir et que les grammairiens les ont considérées comme des tiroirs spécifiques.

On peut considérer ce cas comme une idiosynchronisie ou comme le xelet-i meşhûr[23] du perse et de l’arabe. Il nous faut néanmoins souligner que cette idiosynchronisie prend un caractère de plus en plus général dans les trois tiroirs que nous analysons dans ce chapitre. Ce cas marginal est aujourd’hui observé dans la plupart des romans kurdes.

Il nous semble important d’illustrer notre propos à l’aide de notre corpus.

Nous avons observé quatre formes différentes de l’IMP de l’indicatif du verbe karîn (pouvoir) à la troisième personne du singulier :

karîbû (karibû),

dikarî,

dikariya ,

dikarîbû.

 

On constate qu’il y a effectivement un désaccord sur la formation temporelle du verbe karîn (pouvoir). La dernière forme de ce verbe à l’IMP de l’indicatif est considérée comme un temps verbal spécifique par les grammairiens kurdes, le PQP approximatif.

Il en va de même pour la forme négative de ce tiroir. Nous avons observé cinq formes négatives du verbe karîn (pouvoir) à l’IMP de l’indicatif : nedikarî, nikarî, nikarîbû, , nikariya, nedikarîbû.

Ce dysfonctionnement se manifeste également dans l’emploi du verbe zanîn (savoir).

Nous avons observé quatre formes pour le verbe zanîn (savoir) à l’IMP de l’indicatif :

dizanî,

zanîbû,

dizaniya,

dizanîbû (dizanî bû).

 

Nous avons constaté, pour le verbe vîn (falloir) à l’IMP de l’indicatif, deux formes différentes: diviya et diviyabû.[24] Dans les deux cas, le préfixe temporel (di-) est présent. Ce verbe ne connaît pas de forme aux temps du futur, aux modes conditionnel et subjonctif.

En ce qui concerne le verbe wêrîn (oser), il ne connaît pas non plus la forme du prétérit et du PQP de l’indicatif. A l’IMP de l’indicatif qui les remplace, on constate encore deux formes différentes de ce verbe : diwêrîbû et wêrîbû qui expriment exactement la même idée aspectuo-temporelle que nous avons illustrée par les énoncés (5) et (6).

Par ce biais, nous sommes amené à contester la pertinence du PQP approximatif dans le système verbal du kurde en tant que tiroir spécifique. Les exemples relevés nous montrent clairement qu’il n’est autre chose que l’IMP de l’indicatif.

L’IMP lointain du subjonctif ne figure que chez Jemo (1991) et (1995). Il s’agit là encore d’une variante de l’IMP du subjonctif. Ce tiroir concerne les mêmes verbes marginaux évoqués plus haut.

Dans notre corpus, nous avons observé deux formes du verbe karîn (pouvoir) à l’IMP du subjonctif et à la troisième personne du singulier : bikariya et bikarîbûya.

La forme bikarîba remplit la même fonction que bikarîbûya. C’est également le cas de zanîba et bizanîbûya. Nous avons observé encore trois formes différentes du verbe zanîn (savoir) à l’IMP du subjonctif : bizaniya, zanîba (ou zanîbûya) et bizanîbûya.

Après l’analyse de ces exemples, nous sommes amené au même type de conclusion que nous avons faite à l’égard du PQP approximatif.

Ainsi, nous contestons la pertinence de l’IMP lointain du subjonctif en tant que tiroir spécifique, car celui-ci exprime la même idée que l’IMP du subjonctif.

Quant à l’IMP lointain du conditionnel, il ne figure que, comme l’IMP lointain du subjonctif, dans Jemo (1991) et (1995). Jemo n’explique pas les différences que ces tiroirs entretiennent avec leurs doublets, respectivement le conditionnel présent et l’IMP du subjonctif.

Dans notre corpus nous avons relevé deux formations différentes du verbe karîn (pouvoir) à la troisième personne du singulier au PR du conditionnel : ê bikariya, ê bikarîbûya. La deuxième forme est considérée, par le grammairien, comme un temps verbal spécifique qu’il appelle l’IMP lointain du conditionnel.

On en déduit que, pour les écrivains kurdes, les deux temps verbaux, IMP lointain du conditionnel et conditionnel présent, expriment une seule et même idée aspectuo-temporelle, celle exprimée par le conditionnel présent du français.

Ainsi, nous sommes amené, comme nous l’avons fait pour le PQP approximatif et l’IMP lointain du subjonctif, à contester la pertinence de l’IMP lointain du conditionnel en tant que tiroir spécifique dans le système verbal du kurde pour la raison qu’il exprime la même idée aspectuo-temporelle que le conditionnel présent.

Ces trois formes temporelles s’emploient fréquemment à la place de leurs doublets uniquement pour les verbes marginaux évoqués ci-dessus. Dans notre corpus, nous n’avons relevé aucun exemple concernant d’autres verbes.

2.4. Mediatif

Suivant les travaux de Guentchéva sur le médiatif, nous avons constaté que les deux temps verbaux que les grammairiens kurdes avaient identifiés, le parfait et le PQP de non-constatation, entrent dans la catégorie du médiatif. En effet, le point commun de ces deux temps verbaux est l’absence du témoignage de l’événement exprimé. C’est pour cela que les chercheurs ont appelé le PQP de ce mode sous le nom du PQP de non-constatation.

Observons au départ le parfait que nous appellerons le prétérit du médiatif.

Le prétérit du médiatif exprime une action au passé mais ne communique pas tout seul le moment de cette action. On en déduit que, dans le parfait, l’action elle-même n’est pas localisée, et que ce qu’on peut localiser c’est uniquement son effet sur le présent ou sur un autre événement qui sert de référence temporelle dans le passé. Autrement dit, le parfait exprime l’aspect accompli dans le passé et il peut avoir un emploi relatif et un emploi absolu.

Nous proposons un exemple afin de mieux cerner l’emploi de ce tiroir.[25] :

 

(7)       Xwelî li sero tu jî zilam î. (…) Lêbelê ez çi bikim ji wî Xwedayê ku tu nêr û ez jî mê çêkirime... (Sê şev û sê roj, p. 26)

            La honte tu un homme être (PR ind.). (…) Mais je quoi faire (PR sub.) à ce Dieu qui te homme et moi femme créer (Prétérit méd.)

            (La honte ! tu te dis homme ! Mais que puis-je faire à ce Dieu qui t’a créé homme et moi femme.)

(8)       Û a niha jî dibihîsim ku wa ye vegeriyaye û di laboratuwarê de teqînek pêk aniye. (Ardûda, p. 55)

            Et maintenant je entendre (PR ind.) que voilà il rentrer (Prétérit méd.) et faire (Prétérit méd.) une explosion dans le laboratoire.

(Et là on m’apprend qu’il est retourné au laboratoire et y a causé une explosion.)

Dans cet énoncé, le prétérit du médiatif exprime un état constaté à un moment donné. Celui-ci est le moment de l’énonciation. Néanmoins, l’énoncé ne communique pas le moment de l’événement. La locutrice se détache de toute responsabilité à l’égard du contenu de l’énoncé.

Ainsi, notre explication pour le prétérit du médiatif est la suivante : le parfait exprime un événement rapporté par un locuteur qui est le témoin des effets prolongés de celui-ci. Ce témoignage peut avoir lieu au présent ou au passé. Comme on le constate dans (8), ce temps s’emploie également dans l’expression des événements transmis par ouï-dire. Il existe d’autres emplois du prétérit du médiatif comme des informations requises par inférence, dans un exemple comme « baran bariyaye » ( ?? la pluie a plu), une phrase produite après avoir constaté le sol mouillé.

Quant au PQP du médiatif, notre corpus présente un seul exemple bien précis de ce tiroir très peu usité :

 

(9)       Digotin, wê çaxê kurê wî gelekî şerm kiriye, xwe havêtiye dest û lingên wî ku ew dev ji vî xwiyê xwe berde. Lê ne bûye... ev xwiyê ha ji ser ne çûye. Evîneke asimanî girti bûye ser. (Labîrenta Cinan, p. 24)

            [Ils] dire (IMP méd.) à ce moment-là son fils faire (Prétérit méd.) beaucoup honte, se jeter (Prétérit méd.) à ses pieds [pour] que il quitter (PR sub.) ce comportement. Mais ce ne pas être (Prétérit méd.)… cette attitude-là  ne pas partir (Prétérit méd.) de lui. Un amour du ciel s’emparer (PQP méd.) de lui.

            (On disait qu’il aurait fait très honte à son fils à ce moment-là, et son fils se serait jeté à ses pieds en le suppliant de ne pas se comporter comme ça. Mais ça n’aurait pas été (n’aurait pas marché)… ce comportement ne serait pas parti de lui (il n’aurait pas changé). Un amour divin se serait emparé de lui.)

 

Dans (9), il s’agit d’un deuxième discours contenant le premier. La source du savoir est communiquée par l’expression « digotin » (on disait). Les événements sont mis au prétérit du médiatif. Le seul verbe au PQP médiatif qu’on observe est girtin (s’emparer) dans la dernière phrase de (9). L’événement communiqué par cette phrase est antérieur aux autres événements de (9). Parce que pour que le personnage en question puisse avoir un tel comportement, il faut que le pouvoir divin évoqué se soit emparé de lui bien auparavant. Dans ce cas, l'emploi du PQP est justifié. Comme le PQP de l’indicatif marque l’antériorité par rapport au prétérit de l’indicatif et à l’IMP de l’indicatif, au médiatif aussi, le PQP s’emploie pour marquer l’antériorité par rapport au prétérit. Cela montre que l’emploi de cette forme verbale ne peut pas être réduit à « la non-constatation ».

Le médiatif kurde connaît un tiroir imparfait que nous pouvons appeler l’IMP du médiatif. Aucune grammaire kurde n’évoque ce tiroir pourtant observable en kurde. Dans ce tiroir, il s’agit encore d’une forme du médiatif kurde qui s’emploie pour marquer une action dont le locuteur n’est pas témoin. Néanmoins, la source du savoir est mieux précisée que par le prétérit du médiatif.

Les exemples relevés dans notre corpus nous montrent que l’IMP du médiatif intervient en présence de deux discours différents, comme au PQP de ce mode, le premier rapportant l’événement et le deuxième rapportant le premier. Nous avons constaté qu’il est employé uniquement avec les verbes bûyin (être) et hebûn (avoir). C’est peut-être pour cela qu’il n’a pas été remarqué jusqu’à aujourd’hui.

On peut penser que ce tiroir est en voie de disparition pour la raison qu’il est très peu usité. Il nous semble que l’absence d’enseignement du kurde a restreint l’emploi de ce tiroir à des zones précises, à notre connaissance, autour de Farqîn (province de Diyarbekir), de Ezekh et de Nisêbîn (Provinces de Mardin).

Examinons les exemples suivants :

 

(10)     Bi gotina wî peyayên Kose Weys bûne. Kose Weys ew şandine. Nêzîka nod siwarî bûne. (…) Gelek car avêtine ser êzîdiyan. (Dewrêşê Evdî, p. 160)

            Selon ses dires, [ils] être (IMP méd.) des hommes de Kose Weys. Kose Weys les envoyer (Prétérit méd.). Ils être (IMP méd.) quarante cavaliers. (…) Plusieurs fois ils jeter (Prétérit méd.) sur les Yézidis.

            (D’après ce qu’il a dit, ils seraient des hommes de Kose Weys. Kose Weys les aurait envoyés. Ils seraient quarante cavaliers. (…) Plusieurs fois ils auraient attaqué les Yézidis.)

 

(11)     Gelek jinên pêxemberê me jî hebûne, hemû jî hipûhelal!... û dema ku bi hezretî Eyşê re zewucîye, salên wî jî di ser pênceyî re bûne... Labîrenta Cinan, p. 59)

            Beaucoup de femmes notre prohète aussi avoir (IMP méd.), et toutes avec le consentement de Dieu!... et lorsque [il] se marier (Prétérit méd.) avec Sainte Aïcha, ses années plus que cinquante être (IMP méd.)

            (Notre prophète aussi aurait eu plusieurs femmes, et toutes avec le consentement de Dieu!... et en plus, lorsqu’il a épousé Sainte Aïcha, il aurait plus de cinquante ans.)

           

Ces deux exemples présentent une forme du discours rapporté qui correspond exactement à ce qu’exprime le conditionnel journalistique en français. Dans (10), le premier discours, ou la source de l’information communiquée, est explicité dans le nouveau discours. Cependant, comme on le constate dans (11), il peut être également implicite. Les verbes şandin (envoyer) et zewicîn (épouser) qui sont au prétérit du médiatif, témoignent de la non conformité du l’IMP du médiatif en dehors des verbes bûyin (être) et hebûn (avoir). Dans nos deux exemples, les premiers et les troisièmes verbes des énoncés sont à l'IMP du médiatif. Ce tiroir est formé par l'opération IMP de l'indicatif + e. Le parfait du médiatif est mis en italique pour le distinguer des deux IMP du médiatif. Ainsi, la formation de ce tiroir du médiatif suit la formation général des temps médiatifs en kurde. Cet imparfait du médiatif qui marque l'arrière plan des événements nous montre également la source du savoir: il s'agit dans tous les cas d'un deuxième discours, car le locuteur n'est pas le propriétaire de l'information qu'il transmet. Tout de même, notre corpus ne comporte aucun autre exemple de ce tiroir avec un autre verbe que bûyin (être) et hebûn (avoir). Dans la pratique, il est souvent remplacé par le prétérit du médiatif.

Nous proposons un autre exemple, relevé sur Internet, pour montrer que l’emploi du l’IMP du médiatif est toujours actuel et bien spécifique. Cet exemple est emprunté à une critique de Tigris qui remarque, entre autres, les erreurs observées dans un roman kurde, Ay dayê de Mehdi Zana.



(12) « Beriya îslamiyetê em zerdeştî, êzîdî, êrmenî, cihû û xiristiyên bûn. » (p. 14). Yanî kurd berî îslamiyetê ev bûne.[26]

            « Avant l’islam nous être (IMP ind.) zaraostristes, yézidis, arméniens, juifs et chrétiens ». (Ay dayê, p. 14). Autrement dit, les Kurdes être (IMP méd.) tous ça avant l’islam.

            (« Avant l’islam nous étions zaraostristes, yézidis, arméniens, juifs et chrétiens ». Autrement dit, les Kurdes étaient tout cela avant l’islam.)



Comme on le constate, Tigris (2006) cite entre guillemets le discours de l’auteur et le reprend aussitôt afin de le souligner. Alors que le même verbe qui exprime la même idée dans le discours de Mehdi Zana est mis à l’IMP de l’indicatif, Amed Tigris qui le reprend le met à l’IMP du médiatif pour se décharger de toute responsabilité à l’égard de l’information qu’il transmet, et ce par un simple ajout du morphème /-e/. Dans cet exemple, la source du savoir est explicite et d’un discours à l’autre on observe aisément le changement entre les deux modes.





4. Conclusion

Dans cette étude nous avons observé que plusieurs formes verbales identifiés dans les grammaires correspondent à une seule représentation aspectuo-temporelle. Ce phénomène lié à l’absence de prise en compte de la diversité des parlers du kurde dans les grammaires s’observe dans les explications de plusieurs tiroirs décrits comme des tiroirs spécifiques jusqu’aujourd’hui.

Les exemples relevés dans le corpus font apparaître d’autres phénomènes de la temporalité en kurde, toujours en rapport avec les différences régionales. Le comportement des verbes de mouvement qui expriment un déplacement diffère d’un parler à l’autre. L’interprétation de ces phénomènes conduit les grammairiens kurdes à déceler de nouveaux tiroirs spécifiques.

Ainsi, au cours de cette étude, nous avons contesté la pertinence de 17 temps verbaux décrits dans les grammaires kurdes et les travaux effectués sur cette langue.

 


INDICATIF

1- Présent duratif

2- Présent général

3- Présent actuel

4- Passé récent

5- Imparfait duratif

6- Plus-que-parfait approximatif

6- Plus-que-parfait approximatif et duratif

8- Futur proche

9- Futur proche duratif

10- Futur duratif

11- Futur antérieur duratif

SUBJONCTIF

12- Présent duratif du subjonctif

13- Prétérit duratif du subjonctif

14- Imparfait lointain du subjonctif

15- Futur proche du subjonctif

 

CONDITIONNEL

16- Imparfait lointain du conditionnel

 

IMPERATIF

17- Impératif duratif


 


Il nous reste 15 temps verbaux sur 32 identifiés dans les grammaires kurdes. En y ajoutant l’IMP du médiatif qui n’était pas décrit dans les grammaires, nous identifions, dans le cadre du corpus analysé, les cinq modes et les seize temps verbaux suivants pour le système verbal du kurde :


 

INDICATIF

1- Présent de l’indicatif

2- Prétérit

3- Imparfait

4- Plus-que-parfait

5- Futur

6- Futur antérieur

 

MEDIATIF

7- Parfait (prétérit médiatif)

8- Plus-que-parfait médiatif

9- Imparfait du médiatif

 

SUBJONCTIF

10- Présent du subjonctif

11- Prétérit du subjonctif

12- Imparfait du subjonctif

13- Plus-que-parfait du subjonctif

 

CONDITIONNEL

14- Présent du conditionnel 

15- Prétérit du conditionnel

 

IMPERATIF

16- Impératif


 

 

CORPUS ANALYSE

 

 


Remezan Alan, Saturn

Hesenê Metê, Labîrenta Cinan

Lokman Polat, Fîlozof

Eyup Kiran, Dewrêşê Evdî

Mehmed Uzun, Ronî mîna evînê tarî mîna mirinê

Mehmed uzun, Bîra Qederê

Adîl Zozanî, Kejê

Îhsan Colemergî, Cembelî Kurê Mîrê Hekaryan

Mezher Bozan, Av zelal bû

Mustafa Aydogan, Pêlên bêrîkirinê

Mîran Janbar, Ardûda

Laleş Qaso, Sê şev û sê roj

Torî, Mendik

Medenî Ferho, Mîrze Meheme

Lokman Ayebe, Jar lê Sermest

Mahmud Baksî, Gundikê Dono

Kemal Orgun, Li qeraxa şevê hîvron


 

Bibliographie sélective

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GOSSELIN Laurent (1996).- Sémantique de la temporalité en français : Un modèle calculatoire et cognitif du temps et de l’aspect.- Louvain-la-Neuve : Duculot.- 291 p.

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[1] Dans les travaux portant sur la langue kurde, les descriptions et les classifications des dialectes du kurde diffèrent d’un ouvrage à l’autre. Nous n’entrons pas dans cette discussion et nous nous référons à la Grammaire de Bedirkhan et Lescot (1991).

[2] Pour des ouvrages qui ne communiquent pas les informations nécessaires servant à cette distinction, nous avons fait des vérifications auprès des auteurs et de leurs éditeurs.

[3] Gosselin (1996, p. 24 & 1999, p. 14).

[4] Dowty (1996).- « The effect of aspectual class on the temporal structure of discourse : semantics or pragmatics ? » in Linguistics and Philosophy, n° 9, pp. 37-61. (cf: Kozlowska 1998a).

[5] Kozlowska (1988a), p. 107.

[6] Gosselin (1999), pp. 14-15.

[7] Une particule préverbale /ê/ intervient dans la formation de certains temps verbaux. C’est le cas des temps du futur, et du conditionnel 

[8] Kamuran Bedir Khan (1989), p. 119.

[9] Nous reprendrons plus bas le cas du PQP approximatif et son duratif.

[10] Akrawy (1982).- « Tense of the verb » in Standard Kurdish Grammar. (Cf : http://www.xs4all.nl/~tank/kurdish/htdocs/lang/Burhan/77.html )

[11] Blau et Barak (1999), p. 47.

[12] Pour de plus amples explications concernant la notion du monde possible, nous renvoyons à Vet (1981) et à Aydogan (2006).

[13] Cf : Bedirkhan et Lescot (1991 : 337) traduisent cette forme en français par « s’appreter à ».

[14] Jemo (1991), Ciwan (1992), Barnas (1993), Tan (2000) et (2005), Yalçin (2000).

[15] Tan (2005), p. 236.

[16] Bedirkhan et Lescot (1970), p. 162.

[17] Excepté les Kurdes de Syrie, les Kurdes vivant en dehors de la Turquie ont du mal à employer l’alphabet latin. C’est la raison pour laquelle nous avons senti le besoin de réécrire la phrase selon l’orthographe proposée par Djeladet Bedirkhan dans Hawar et suivie dans toutes les grammaires postérieures. Pour ce tiroir et l’orthographe du verbe xwarin (manger), nous renvoyons à la page 237 de Tan (2005).

[18] Tan (2005), p. 237. Comme nous l’avons précisé, pour Blau et Barak (1999 : 47), c’est un autre emploi du présent de l’indicatif propre à certains parlers du kurde, comme ceux de Malatya, Marash et Antep.

[19] Ibid., p. 242. La grammaire de Bedirkhan et Lescot (1970 : 137) signale le même cas « obtenu par adjonction (…) d’un e euphonique qui n’entraîne aucune modification de sens ». 

[20] Blau et Barak (1999) avaient déjà constaté cet emploi de ce morphème dans les verbes de mouvement.

[21] Selon Yalçin (2001), p. 51.

[22] Bedirkhan et Lescot (1970), p. 137.

[23] Erreur tellement courante qu’elle devient au bout d’un moment la règle grammaticale.

[24] Selon Bedirkhan et Lescot (1991 : 204-205), diviyabû est la forme au PQP du verbe vîn (devoir, falloir).

[25] Pour Guentchéva (1994), le passé composé peut avoir un emploi médiatif comme dans l’exemple énoncé par un locuteur qui aperçoit le sol mouillé et dit :  « Tiens, il a plu ! ». C’est en suivant cet exemple que nous mettons le parfait kurde au passé composé français.

[26] Tigris (2006).- Mehdi Zana et le roman kurde :

http://www.amidakurd.com/modules.php?name=Niviskar&op=viewarticle&artid=264


(*) Linguist and Ph.D. Student